jeudi 21 juin 2012

QUATRE ( 4 ) CENT-TRENTE-ET-UN ( 31 )



chaleur


la terre, dans sa mémoire d’arbre,
retient le vert d’avant la pluie
la chaleur d’avant l’eau


au loin, la tour perce les nuages
les motos-fantômes
- l’une derrière l’autre -
composent une piste de chandelles
rythment entre les flaques liquides
une drôle de farandole
sur laquelle, dans un vent de nuit,
glissent les chauves-souris


la terre, dans sa mémoire d’arbre,
retient le vert d’avant la pluie
la chaleur d’avant l’eau



partout, la chaleur vit, ici et là
sous un arbre, un banc oublié
sur les gerçures humides du vendeur de fruits
les yeux secs de la femme-palanche
celle qui colporte sa croix quotidienne
les pieds noirs des enfants cerfs-volants
la chaleur vit partout, omniprésente
dans les bruits secs, craquants du matin torride


la terre, dans sa mémoire d’arbre,
retient le vert d’avant la pluie
la chaleur d’avant l’eau



au loin, la rivière-serpent sous les ponts
laisse derrière et à côté d’elle
comme autant de vestiges maritimes
les résidus spumeux des sables lointains
rouges encore du sang des immolés
brûlés par la chaleur des siècles
qui, pour mille et une raisons impunies,
rappliquent tel un ressac de feu

la terre, dans sa mémoire d’arbre,
retient le vert d’avant la pluie
la chaleur d’avant l’eau



partout tendues, des mains calcinées
cherchent le ruissellement des gouttes de pluie
fuient la sécheresse des feuilles illuminées de fruits
se joignent à l’ombre avariée des libellules en fuite
alors qu’au bout des doigts tintent les baguettes de bois
dans des bols d’étain qu’une jeune fille récure
fixant par-dessus les paniers de crevettes
un regard d’osier, d’avenirs jaunes et chauds


la terre, dans sa mémoire d’arbre,
retient le vert d’avant la pluie
la chaleur d’avant l’eau


au loin et partout, plus loin encore que le bruit du soleil
au coeur et au centre des fournaises humaines
dans un silence qui fond sous la paresse du matin
la pluie comme de la sueur de chaleur
se répand, à midi elle s’étendra par-delà la sieste
fera craquer les peaux ouvertes et alanguies
dans sa poursuite des autels du repentir
pour retrouver un dragon noyé dans la mer


la terre, dans sa mémoire d’arbre,
retient le vert d’avant la pluie
la chaleur d’avant l’eau


_ Encore une certaine influence vietnamienne...

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