Deux poèmes écrits en terre québécoise, l'esprit encore au Vietnam pour le premier, le second bien incrusté ici.
ils jouent
missiles, roquettes et bombes pour musique ambiante
on a équipé les enfants d'arcs, de flèches
ni complainte ni berceuse
dans la bouche des mères veuves
que des étoiles noires le jour, des soleils mats la nuit
les enfants ont armé les arcs, acéré leurs flèches
de leurs bras, de leurs mains bleuies d’ecchymoses
virevoltent des pluies froides de poussière
au-dessus du caducée des linceuls
mais ils jouent
les enfants portent des maillots rouges numérotés
comme les footballeurs à la télé
un concerto de Mendelsshon enserre le terrain vague
de la nostalgie des couchers de soleil
alors que les enfants épicènes jouent
des machines de guerre, d’acier et de rouille
tachent l’horizon de leurs longues épées fumantes
alors que roule un ballon antipersonnel
sur le cimetière bouillonnant des derniers coups de pelle
quand jouent les enfants épicènes
sans casque, tête offerte aux tirs, aux corners
sur cet espace que limite le crachat des tyrans
les enfants courent derrière d’autres enfants
qui, eux, savent déjà le résultat de ce manège
qu'une sirène annonce la partie jouée d’avance
et les enfants qui restent, ballon de chair sous le bras,
aveuglés, minés et inquiets marchent au bout du champ
que le jour semblable à hier a rapetissé
6 septembre 2014
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l’air est à la neige
une enveloppe de silence imprègne les champs
des ombres grattent les épis de maïs couchés
dans les champs reposent les oiseaux migrateurs
les cris voyageurs du convoi routier
se taisent dans la langueur froide du temps
qui envahit le village somnolent
les oiseaux de passage scarifient le sol
alors que l’air est à la neige
sur leur voie de partance ils tracent
au plancher froid de la saison rouge
des pistes, des empreintes d’espérance
que savent-ils, ces migrateurs longanimes,
pour ainsi reprendre à grand coups d’ailes
ces kilomètres cousus aux points cardinaux ?
les oiseaux de passage éventent le temps
alors que l’air est à la neige
ces sirènes d’automne garées où bouillonne le soleil
toujours frémissantes de voyages,
brisent le mystère des nuages
ici, un geai bleu crieur les regarde
immobile sur son sapin trémulant
le cœur stationnaire et envieux
là, les arbres devenus branches s’agitent
des mésanges volent dans les couleurs usées
indifférentes au départ des nomades
partir sur le dos des migrateurs
alors que l’air est à la neige
28 octobre 2014
462
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