Je me suis royalement ennuyé à la lecture de QUE NOTRE JOIE DEMEURE de Kev Lambert, l’auteur de celui-ci LES ENTIERS DE NEIGE qui, à l’opposé, m’a entièrement ravi. Je questionnais mon for intérieur sur mes aptitudes à bien lire, bien décoder un roman alors que les prix tombaient sur ce roman archi-textural autant de ce côté de l’Atlantique que de l’autre. Toujours je donne à l’auteur cinquante pages pour me retenir ou le remercier lui disant à une autre fois…
Une amie ayant difficilement traversé la limite que je m’impose avant de choisir de continuer ou d’arrêter, me dit : «Pu capabe. Le veux-tu ? Moi j’arrête. » Je ne dis jamais non à un livre surtout si l’auteur(e) est québécois (e).
J’entreprends la lecture pour tout de suite tomber sous le charme. Voguant au rythme d’une centaine de pages par jour, je traverse ce qui me rappelle le continent Réjean-Ducharme en raison des personnages, ceux des enfants essentiellement : Émie-Anne et Zoey. Des vrais prénoms pas comme Ducharme. Des enfants d’à peine 8/9 ans, un peu comme chez l’auteur de L’avalée des avalés. Aussi rebelles, un peu moins peut-être, mais aussi accrochés à une réalité qu'ils se forgent. Leur propre réalité. Nous, les adultes, on dirait que tout ça c’est de l’imaginaire enfantin. Point final. Ça va passer comme la neige fond au printemps. Mais l’hiver c'est long et il en tombe de la neige. Ça se ramasse en tas devant la maison. Ça invite à y creuser des tunnels. Oui, mais nous, les adultes, on n’y voit que les dangers possibles. Les enfants y découvrent des mondes.
Puis, j’aborde le continent Marie-Claire-Blais en raison des monstres. Ici, ils sont issus des jeux électroniques (ex. Zelda) activés par je ne sais trop quel Playmobil. C’est vrai que nous sommes avec Lambert en 2004, fin 2004, à la porte de 2005. Période des Fêtes de Noël et du Jour de l’An. Fêtes familiales quelque part au Lac Saint-Jean, tout près de Dolbeau. Puis à Québec. Les lieux importent peu puisque la magie se téléporte sans problème. Ne faut que de la neige. En masse. Les monstres ont des noms bioniques, cybernétiques, difficiles à prononcer, à y découvrir un sens caché, ce qui importe très peu à nos deux cousins - on pourrait ici écrire… cousines, mais ça sera peut-être pour plus tard… après les Rois - qui cherchent à rejoindre Skyd pour le délivrer d’un masque qui le conduit lamentablement vers une mort certaine. Skyd (mot danois qui signifie «ciel» et «tirer». Mais ce bizarre, très bizarre personnage de jeu électronique est déjà apparu à l’école de Zoey, alors que celui-ci découvre son Dôme… Sauf que Skyd doit être tiré non pas du ciel mais de sous-sols regorgeant de tout ce qu’on peut imaginer et que Lambert nous garroche en pleine face comme si depuis des lunes - non pas celle qui s’apprête à s’écraser sur la terre si on lui donne un petit coup de pouce - nous soyons hyper familiers avec ce monde des jeux électroniques où l’on doit s’évader une fois qu’on s’y est fait prendre, que l’on doit découvrir je ne sais trop combien de clés magiques ouvrant des portes camouflées dans les murs.
Je ne vous raconte pas l’histoire que certains décriront comme étant tordue, évitant le plaisir de lire un conte d’hiver devenant page après page un roman sur l’imaginaire enfantin oui, mais principalement sur la véritable identité. L’auteur nous amène doucement, je dirais délicatement, vers la problématique qui envahit Zoey, à savoir s’il est «il» ou «elle». Il y parvient par des descriptions tout à fait grandioses illustrant l’inconfort d’être exactement là où on ne doit pas être, que les modèles offerts, parfois de manière caricaturale, ne correspondent pas à ce qui grouille en-dedans de soi comme une bibitte kafkéenne vous dévorant chaque jour de plus en plus.
Est-ce un conte sur la réalité trans-genre ? Je ne crois pas, mais un roman qui interroge la genèse de l’implantation de l’identité chez l’enfant. Les conflits qui surgissent autant entre parents, enseignants, en fin de compte tout le système des valeurs qui cherche à socialiser l’enfant à partir de stéréotypes fortement incrustés dans la famille, à l’école. Tout, ici, n’est pas bousculé, mais plutôt questionné adéquatement.
LES SENTIERS DE NEIGE est un roman fort bien écrit, il me réconcilie avec un auteur que j’ai un peu trop rapidement évacué de mon palmarès. Je compte bien y remédier... avant la fin de mon enfance.
![]() |
Kev LAMBERT |
Aucun commentaire:
Publier un commentaire