vendredi 20 février 2015

Le 700ième message



La première parution - le premier billet, le premier saut, le premier message  -du CRAPAUD sur BLOGGER remonte à septembre 2005. Depuis, 699 autres se sont succédé; voici le sept centième.

Plus de 96 000 pages ont été consultées depuis 2008 alors que j'installais un compteur me permettant d'abord de dénombrer l'étendue de ce blogue, constater à travers les chiffres s'il intéressait assez de gens et principalement découvrir d'où les lecteurs provenaient.

Au début, je croyais que les amis du Canada, principalement Québécois, quelques connaissances françaises se révélaient être les fidèles amis du CRAPAUD. Mais au cours des mois et des années qui suivirent, quelle ne fut pas ma surprise de noter que ce blogue voyageait un peu partout dans le monde, sur ses cinq continents!

J'appréciais à ce moment-là le fait que la langue français ne se réfugiait pas seulement dans les pays francophones mais à un public élargi. Aujourd'hui, et régulièrement, des visiteurs proviennent beaucoup des USA, d'Europe et la clientèle s'étend jusqu'en Asie.

Lors du 10e anniversaire du CRAPAUD - septembre 2015 - il me sera permis de faire un bilan plus exhaustif de cette expérience qui me tient à coeur et prend beaucoup de mon temps. Pour le moment, je tiens à signaler que ce billet (je les appelle ''sauts de crapauds'') franchit le cap des 700.

Pour l'occasion, je vous offre deux poèmes vietnamiens, l'un de l'époque classique, le second issu de la littérature moderne.

Pourquoi deux poèmes vietnamiens?

Depuis décembre 2011 et, je me le souhaite, pour plusieurs autres années encore, je vis à Saïgon du début novembre jusqu'à la fin avril. Ce pays est devenu ma deuxième patrie. Il m'apparaît donc intéressant de puiser dans mon recueil de littérature vietnamienne ce qu'aujourd'hui vous pourrez lire.


MATINÉE DE PRINTEMPS
du poète Chu Van An a été écrit en caractères chinois au XIVe siècle, à l'époque de la littérature classique. Le voici:

Dans la chaumière de montagne, on se sent libre tout le jour,
La claie de bambou inclinée protège de l'air froid.
L'herbe verdoie et le ciel est comme ivre,
Les gouttes de rosée s'attardent sur les fleurs vermeilles.
L'homme et le nuage solitaire s'attachent à la montagne,
L'âme, comme l'eau du vieux puits, n'est troublée par aucune ride.
Le bois de pin odorant se consume et la théière s'arrête de bouillir,
Un murmure d'oiseau échappé du ravin m'arrache au sommeil printanier.


COULEUR DU TEMPS
du poète Quach Tan né en 1910 qui fut longtemps fonctionnaire au temps de l'administration française, tranche sur le premier, également sur ceux de son époque alors que la poésie se veut plus engagée envers la patrie et invitante à la résistance vietnamienne.

À l'aube, un gazouillement éthéré
Dans la brise azurée
Exhale un relent de l'ivresse printanière.

Émoi d'un passé millénaire
Je t'offre, odalisque de l'époque Tsin,
Mon âme, nuage palpitant couleur du temps.

Pas bleue, la couleur du temps
Mauve est la couleur du temps
Pas enivrant, le parfum du temps
Léger est le parfum du temps.

D'un coup de ciseaux d'or
Elle avait coupé ses cheveux d'ébène,
Don sublime à son Seigneur et Maître.
Elle ne voulait pas le revoir
De peur de faire faner ses souvenirs.

Léger, léger est le parfum du temps.
Mauve, mauve est la couleur du temps.


À la prochaine

dimanche 15 février 2015

elle est en route


Elle est en route


Suite à tous ces billets consacrés à la Birmanie, je reviens à celui-ci dormant sur le métier et qui remonte au début décembre, entrepris alors que j’attendais l’avion devant me reconduire de Hanoï à Saïgon suite au voyage avec Gilles et Madeleine. Bien assis à l’aéroport de Hanoï où d’importants agrandissements doubleraient sa capacité à recevoir des vols et des voyageurs, devant moi se tenait, nerveuse comme celui ou celle qui entreprend un premier vol, une jeune fille.
  
Assise face à moi, elle porte une chemise ne lui appartenant pas, ça se remarque au premier coup d’œil, sans doute celle de sa mère. On ne se vêt plus de cette façon, du moins chez les gens de son âge, ceux de vingt ans, peut-être moins.

La jeune fille

-       à défaut de connaître son nom, je lui en donnerai un; Dep qui signifie belle  -

regarde autour d’elle, écoute avec l’attention de quelqu’un ne voulant pas rater une information, peut-être celle qu’un avion, celui qu’elle attend, ne peut partir sans elle. Son regard est inquiet, ses gestes saccadés.

Dep, la jeune fille que je viens  de baptiser ainsi, ne me regarde pas. Je ne puis dire si elle perçoit mes regards soutenus. Elle a trop à ne pas louper. On la croirait investie d’une mission. Je me plais à imaginer vers quelle destination elle se dirige; qui elle rencontrera. A-t-elle des messages à transmettre, des choses à remettre? À qui? Des gens de sa famille. Des amis.

Quel mystère, toute sa personne, petite et chétive, offre-t-il à moi qui dois dans trop peu de temps monter dans l’airbus me ramenant à Saïgon! Je vérifie ma carte d’embarquement, la place que l’on m’a assignée, essaie de deviner la sienne, songeant même qu’elle pourrait être assise à mes côtés. Intrusif, je vérifierais l’étendue des callosités durcissant ses mains, la longueur de ses ongles. Son odeur.

Les odeurs parlent, singularisent les gens autant que les phéromones. D’où je suis, aucun indice ne me renseigne. On verra dans l’avion si jamais elle se retrouve à mes côtés.

Alors que les inquiétudes de Dep s’amplifient - elle ne cesse de bouger, retire un portable de son sac, l’examine, le replace à l’endroit où elle l’a pris – rien ne la rassure, ne conforte sa conscience même ce message continuellement répété par la dame de l’aéroport, en vietnamien d’abord, puis en anglais.

Assis devant elle, avec l’immobilité du guetteur, je lis l’allocution qu’a prononcée Patrick Modiano lors de son passage à Stockholm afin d’y recevoir le Nobel de littérature. Ça ne m’en dit guère plus sur l’aventure de Dep, celle que je sens enrôlée dans un je ne sais quoi qui l’embarrasse, l’embête ou tout simplement la dépasse.

Puis l’annonce hurlée par tous les haut-parleurs de l’aéroport est différente. L’attention de Dep la fige comme si elle se plaçait au garde-à-vous; ses yeux roulent dans des orbites aux aguets. Sa tête bascule vers la porte 64. Un léger sourire, rassurant, court en travers de sa figure à la vitesse de l’éclair. Elle connait maintenant la prochaine étape. Ça ne sera pas Saïgon. Ne me reste plus qu’à inventer ce qui l’a menée jusqu’ici, ce qui  la pousse ailleurs, à Nha Trang.

Les bruits qui circulent dans les aéroports sont amplifiés par un système d’écho caractéristique à chacun. Celui d’Hanoï, là où une jeune fille qui pourrait s’appeler Dep attend encore pour se lever et se diriger vers la porte 64, en direction de Nha Trang, se répercute sur trois planchers. Pour le passager ayant traversé les postes de contrôle, se retrouvant dans l’immense salle d’attente, les échos sont formidables. Le seul fait de bouger sa valise, d’échapper un quelconque objet sur le sol, éternuer ou seulement ciller comme le fait souvent Dep, tout, multiplié, la fait sursauter. Certainement qu’à l’endroit d’où elle vient, le silence règne.

Sa mère l’aura avertie mais la réalité s’avère plus fulgurante que dans les conseils maternels. Elle ne m’apparaît aucunement craintive, plutôt surprise. Chaque coup de grisou de l’écho la pousse à vérifier si tout a conservé sa place. Sa carte d’embarquement, d’abord. Lorsqu’elle montera à bord, le document en aura pris un coup, devenu humide et froissé.

Peut-on reprendre des cours universitaires à cette période de l’année? Rejoindre une tante malade pour donner un coup de main? Retrouvera-t-elle un petit ami, un frère? Pourquoi doit-t-elle quitter sa famille? J’échafaude des conjectures alors que précipitamment elle se lève…

 

Je les revois, imaginaires, toutes les deux, mère et fille assises sur un petit balcon où s’entassent des pots de fleurs. Je les revois, silencieuses, se préparant aux retombées de ce voyage. Leur silence. Parfois, la mère cueille sa main, la caresse avec la nette intention que tous ses messages indicibles puissent doucement, par son épiderme, transpercer  son cœur et  son âme.

Dep quittera son village, celui qu’elle n’a jamais abandonné depuis sa naissance; elle s’expatriera sans trop savoir pour combien de temps, laissant derrière elle cette terre qui l’a vue naître et que sa famille maintiendra fertile encore afin de lui permettre de nouveaux horizons.

On avait songé à Hanoï, puis Saïgon pour finalement choisir Nha Trang. Un vieil oncle y vit. Veuf. Il saura la recevoir, la protéger et rapporter aux parents chaque pas de sa nouvelle aventure. Dep y est attendue.  Là, on souhaite qu’elle puisse faire de demain un jour meilleur qu’hier, meilleur que tous les lendemains incertains d’une campagne de moins en moins propice à l’avenir.

La mère et le père de Dep en ont longtemps discuté. Ils ont vu que leur maison n’allait pas éternellement répondre aux besoins d’une jeune fille dont les yeux, rapidement, se sont retourné vers l’avenir.

Lui croyait que l’école avait changé Dep; elle, que l’école avait ouvert les yeux de sa fille. Lui, l’imaginait s’installer avec un jeune homme, un local comme il aimait bien le nommer sans le connaître; avec eux, pour y élever leurs enfants comme lui l’avait fait à une époque encore proche. Elle, ne voulait surtout pas que Dep répète un scénario qu’elle a vécu et trop longtemps regretté.

Ils en ont discuté souvent et chaque fois, leurs arguments étalés sur la table de la cuisine donnant sur cet étang à canards dans lequel il cultivait, péniblement, des grenouilles qui par la suite seraient vendues à la coopérative, les mêmes arguments que l’un répétait et que l’autre réfutait.

On ne vivait plus à l’époque de la Révolution, disait-elle. La famille restera toujours la famille, arguait-il. Toutefois, et avec l’assurance que chacun allait respecter l’entente, ils avaient choisi de ne pas engager la famille élargie dans le débat. On ne souhaitait nullement que leur fille devienne un sujet à controverse, que de trop rapides jugements caricaturent une situation s’envenimant.

Avait-on demandé l’opinion de Dep? Lui a-t-on imposé ce choix ou relève-t-il d’elle-même? Était-elle destinée à ne pas demeurer dans sa famille en raison de son rang?

Le culte des ancêtres s’avère l’un des piliers sur lequel repose la culture vietnamienne. Selon que l’on pratique un bouddhisme, appelons-le intégral, ou celui qui épure délicatement certaines coutumes millénaires, chaque famille entretient un autel des ancêtres que l’on retrouve dans chacune des maisons. On y place tous les jours des offrandes; on brûle de l‘encens. Ce rite que la mère de famille voit à ne jamais oublier est répandu. Dep a toujours vu sa mère s’y astreindre avec une attention soutenue. Il allait lui revenir une fois devenue orpheline. Ne jamais laisser les âmes seules, ne jamais les oublier, au risque de voir se déchaîner sur eux la malchance, le malheur, pire la malédiction.

Lorsque ses parents, utilisant une multitude d’arguties, scrutaient l’avenir de leur fille, la seule dans cette famille, Dep se voyait éloignée de la maison, incapable de perpétuer la mémoire de celle qui souhaitait qu’elle voie autre chose que les limites de son village. Cela la rendait à la fois malheureuse et admirative du courage, de l’abnégation de cette dernière.

Dep peinait à imaginer le Têt Trung Thu (la fête des enfants à la mi-automne) sans qu’elle n’y participe. Elle était toujours de corvée lors de la confection des gâteaux de circonstance, des fruits et des légumes confits tout comme lors de la fête du nouvel an lunaire, le Têt. Pour consolation, elle s’imaginait chez cet oncle de Nha Trang décorant de fleurs en papier la maison du frère de sa mère, arroser l’abricotier ou le prunier; elle allait le découvrir une fois arrivée.

Ce que sa mère souhaitait pour elle, très jeune déjà Dep avait découvert que rien ne pouvait en empêcher la réalisation. Mais pourquoi? Pourquoi tant s’acharner à la voir partir? Pourquoi lui avait-elle remis, en précisant de ne les porter qu’une fois arrivée là-bas, cette paire de gants de couleur beige? Ces gants qui la protégeraient du soleil, lui assurant de conserver la couleur blanche de sa peau de pêche; ces gants ayant appartenu à cette femme déterminée à voir changer les choses.

La mère de Dep, contrairement au père, avait fréquenté l’école assez longtemps pour savoir bien lire, perfectionné une calligraphie d’une beauté très ordonnée et compter aussi rapidement que n’importe qui dans chacune de ses classes.

Une autre chose dont elle s’était départie fut la croyance au mauvais esprit (Tigre blanc) et au bon esprit (Dragon bleu). Jamais dans sa vie la mère de Dep n’avait mis sa destinée entre les mains parfois illogiques de la géomancie. Elle n’en parlait pas, esquissait un sourire narquois lorsque autour d’elle on expliquait les événements quotidiens à partir de ce qu’elle avait placé au rang de superstition.

Dep avait à peine quinze ans que sa mère, tous les soirs, installée sur le même balcon que maintenant, lui avait lu, lentement et s’arrêtant plusieurs fois afin de vérifier si sa fille saisissait correctement chacune des phrases qu’elle puisait dans ce livre qu’elle affectionnait spécialement et qui, encore aujourd’hui elle relit comme un précieux recueil, l’ouvrage de Pearl Buck, VENT D’EST, VENT D’OUEST.
 
Lorsque son institutrice, une française ayant survécu à la fin du colonialisme et  demeuré au Vietnam, un peu à l’est de Hanoï, afin de poursuivre son œuvre d’éducatrice, avait découvert chez la mère de Dep une curiosité soutenue pour ce qui se vivait plus loin qu’à l’intérieur de son patelin, cette institutrice lui avait donné ce livre, précisant de ne jamais le montrer à qui que ce soit, de le lire à la cachette et d’en faire profiter qui pouvait comprendre que l’on y trouvait des idées contraires à celles circulant autour d’elle mais sauraient l’instruire sur le monde, ses contradictions et ses possibilités.

Elle fut enchantée par ce regard sur le monde et comprit toutes les difficultés qui attendaient les femmes, tout ce à quoi on les astreindrait au nom des traditions, que le modernisme n’était pas l’incarnation du mal, qu’il y a toujours une version des faits et une autre, parfois contraire.

Enceinte de sa fille, elle souhaitait lui donner pour prénom celui de ''perle'' (ngọc trai) mais dans sa famille on ne comprenait pas le bien-fondé de ce choix et dût se contraindre à ne l’appeler ainsi que dans sa tête.

Dernière soirée ensemble, la mère et la fille. Alors qu’on pourrait s’attendre à des épanchements, les deux femmes, confortablement installées sur le perron face à l’étang, surent dans leur silence respectif que deux routes se dressaient devant elles. Chacune comprenait que la suite des choses reposait sur les frêles épaules de Dep, un peu comme le flambeau de la liberté et de l’avenir quittait ce village au nord d’Hanoï pour briller sur Nha Trang.

Aucune inquiétude chez la mère ne transparaissait dans le dernier regard qu’elle posa sur sa fille.

Toute la fébrilité que la nouveauté enracinait chez la fille emplissait ses yeux, ses mains recevant les gants maternels.


On invita les passagers en route vers Nha Trang à se rendre à la porte 64 pour l’embarquement immédiat. Dep s’assit dans le siège près du hublot, en plein milieu de l’avion qui, après avoir vérifié ses moteurs, prit la direction de la piste de décollage.  

À la prochaine

jeudi 12 février 2015

Poème



Le crapaud a toujours été sensible aux images qui l'assaillent, le surprennent, le captivent. Elles se logent dans un recoin de son cerveau là où la mémoire les emmagasine, parfois à l'insu du principal intéressé, y mûrissent, pour s'entrechoquer parfois avec une intruse. Cette dernière a souvent rien à voir avec les autres, ce qui en fait le charme.

Une image se pointe sous différentes apparences: des couleurs, des odeurs, des mots, des sons. Parfois, au cours d'une lecture, une expression ou une description me ramène à d'anciens souvenirs qui fracassent, font voler en éclats ce que l'auteur voulait insinuer. Alors tout cela se mêle, forme comme une fricassée dont je n'ai aucune idée s'il faut lui ajouter des épices ou tout autre condiment.

Et ça doit mûrir. Mûrir encore et longtemps. J'ai souvenance d'un poème qui mijota plusieurs mois. Les habitués du CRAPAUD se rappelleront Boris, à titre d'exemple, qui lui fermenta - si l'expression peut s'appliquer - jusqu'à ce voyage à Paris, visitant la ville de George Sand (Nohant-Vic), j'appris que son fils Maurice s'était vivement intéressé au monde magique des marionnettes. C'est à partir de ce moment que Boris devint intelligible pour moi.

Ce n'est pas toujours ainsi que cela se produit. Pas du tout. L'exemple d'aujourd'hui, le poème au café l'illustrera parfaitement.

Je suis installé dans un café du District 1 (Highlands Café) entreprenant la lecture de LES LETTRES DE CAPRI de Mario Soldati. Je ne vais pas souvent à cet endroit, seulement lorsque je dois rencontrer des amis vietnamiens qui travaillent dans les tours à bureau encerclant le café situé tout juste derrière la maison de l'Opéra de Saïgon.

Je lis, nullement concerné par ce qui grouille autour de moi. Le lunch s'achève, l'endroit se vide. Ne reste qu'une femme. D'où je suis, elle m'apparaît vietnamienne sans que j'en sois certain; asiatique, c'est sûr. Un stylo à la main, elle le fait pivoter sur la table; le menu y est demeuré. Devant elle une tasse de café latte refroidi; elle scrute la rue ou le stationnement rempli de motos (plusieurs cafés offrent un service de parking pour les travailleurs du coin).

Je cesse de lire. Bien des gens me disent: ''Lorsque, en public, tu regardes quelqu'un, tu ne te lasses pas avant d'avoir découvert ce que cette personne peut représenter.''  Il y a du vrai dans cela. D'ailleurs, le texte que je suis à préparer pour un prochain billet et qui s'intitulera Elle est en route mettra en valeur ce point de vue.

Je surveille. Emmagasine.
Voici ce qui en reste: 




au café


assise au fond du café
sous l’éventail qui tournoie
elle attend

le flot des paroles
fait tohu-bohu
autour d’elle

la fumée des Marlboro
emplit l’espace
                                              de légères arabesques

elle songe à écrire
le menu cartonné
l’y invite

elle griffonne
tu ne peux partir
tu es déjà en allé

de la page des apéritifs
elle fit
une boule de papier

dans la rue
les gens passent leur chemin



À la prochaine


mercredi 11 février 2015

Les chroniques de Saïgon (3)


2015, année de la CHÈVRE

Le Vietnam au rythme des fêtes


Le calendrier vietnamien est marqué à la fois par des fêtes traditionnelles (souvent bouddhistes) et par des fêtes civiles. Il existe 9 jours fériés au Vietnam et pour la majorité des Vietnamiens, ce sont leurs seuls jours de congés. Ces jours fériés soulignent certaines fêtes religieuses ou civiles et marquent ainsi l’identité nationale du pays. Par ailleurs, d’autres fêtes, moins reconnues officiellement, sont devenues très populaires. C’est le cas par exemple de Noël qui n’est pas férié au Vietnam mais qui remporte un vif succès auprès des populations urbaines, en termes de décorations au moins.

Pour un observateur extérieur, on ne peut que souligner l’importance accordée à ces fêtes, tant au niveau esthétique que gastronomique et créatif. Et s’émerveiller de voir toutes ces fleurs et spectacles qui forment l’identité culturelle du pays et le charme du Vietnam.

Voici la liste des principales fêtes soulignées au Vietnam :

.        1er janvier :  Nouvel An
.        Février, le jour de la pleine lune :Fête du Têt Nguyen Dan (Nouvel An                                                                 lunaire)
.        30 avril :     Libération du Vietnam (1975)
.        1er mai :      Fête du travail
.        à la pleine lune du 4e mois lunaire : Anniversaire de la naissance de                                                                        Bouddha
.        Le 15e jour du 7e mois lunaire : Fête des âmes errantes
.        Le 2 septembre : Fête nationale, fondation de la République en 1945
.        Le 15e jour du 8e mois lunaire : Têt Trung Thu (mi automne, fête des                                                                enfants).



Le calendrier lunaire

Adapté du calendrier chinois, le calendrier vietnamien commence en l’an 2637 avant J-C.  Ce qui le différencie aujourd’hui du chinois c’est surtout le début de la phase de la lune. Du fait du décalage horaire entre Hanoï et Pékin, les mois lunaires – et donc les dates des grandes fêtes – peuvent être ainsi décalés d’un jour. Par ailleurs,  quelques différences sur les éléments symboliques et leur interprétation existent aussi.

Aujourd’hui, la vie au Vietnam se déroule toujours au rythme du calendrier lunaire qui est l’appellation usuelle de ‘’calendrier luni-solaire’’. Le calendrier grégorien ne sert que pour les dates officielles. Le calendrier vietnamien, lui,
prévaut encore partout et dans tous les domaines (Têt, fiançailles, mariage, anniversaire de mort, …).

Prenant à la fois en compte les mouvements de rotation de la terre autour du soleil et les cycles des phases lunaires, c’est un calendrier luni-solaire. (Le seul calendrier purement lunaire qui soit réellement utilisé à grande échelle est le calendrier musulman). Le jour et l’année sont basés sur la course du soleil, alors que le mois est calculé en fonction de la lune. Chaque mois (lunaison) commence le jour de la pleine lune. Sa durée varie entre 29 et 30 jours et se différencie d’un mois à l’autre. Or l’année solaire a 365 jours, tandis que l’année lunaire environ 354. Pour rattraper les 11 jours qui manquent, un mois dit ‘’intercalaire’’ est ajouté au calendrier tous les 3 ans. L’année à 13 mois lunaires comptera environ 384 jours.

Les mois du calendrier vietnamien n’ont pas de nom particulier, juste leur rang dans l’année. Par ailleurs, la semaine dans le calendrier vietnamien commence aussi par le dimanche et se termine par le samedi, et chaque jour compte 24 heures.

Le cycle du temps dans le calendrier vietnamien


Chez les Vietnamiens, le temps est divisé en cycles de 60 ans. Depuis la création du calendrier, on est actuellement au 78e cycle. Chaque cycle est lui-même subdivisé en deux autres types de cycles : le premier, plus grand, compte 12 années appelées ‘’12 rameaux terrestres’’, chacun représenté par un animal. L’autre cycle compte 10 années, les ‘’troncs célestes’’ qui sont à la fois associés au cycle yîn – négatif – et yang – positif – (âm et et du’ong en vietnamien) et à la théorie des 5 éléments ou plus justement des 5 agents : le bois, le feu, la terre, le métal et l’eau.

À chaque nouvelle année correspond un animal symbolique (troc terrestre) auquel est associé un de ces 5 éléments. Ils imprégneront de manière significative la personnalité, la psychologie et la destinée des enfants qui naîtront au cours de cette année-là.

La tradition fixe la première année du RAT à 2697 ou 2698 avant notre ère, respectivement années de naissance et de procréation de l’Empereur Jaune, souverain mythique considéré comme le père de la civilisation chinoise et l’inventeur du cycle sexagésimal.

DONC :

. Un mois lunaire (lunaison) compte environ 29,5 jours.
. La nouvelle lune est le premier jour du mois.
. La pleine lune représente le milieu du mois.
. Le jour de Nouvel An a lieu le jour de la seconde nouvelle lune après le      solstice d’hiver.

Les animaux du zodiaque


         Le premier Bouddha invita tous les animaux au réveillon du Nouvel An. Mais douze (12) animaux seulement se rendirent à ce rendez-vous : le RAT chaleureux, le BŒUF déterminé, le TIGRE courageux, le LIÈVRE (chat au Vietnam) casanier, le DRAGON charismatique, le SERPENT frivole, le CHEVAL libre, la CHÈVRE (bouc ou mouton) dépensière, le SINGE acrobate, le COQ franc, le CHIEN justicier et enfin le COCHON généreux.

Bouddha leur dit :’’Pour vous remercier de votre présence, je décide d’attribuer à chacun une année et de renouveler chaque cycle tous les 12 ans. Chacun d’entre vous recevra des bénéfices lors de l’année qui lui est consacrée et lors des années consacrées aux animaux compatibles.’’ Ainsi, chacun des animaux a su quels autres animaux lui étaient compatibles, et qu’elles étaient leurs années favorables et défavorables et purent ainsi vivre une vie sereine.

Chaque année porte alors le nom et les traits de caractère d’un animal qui influent sur tous les événements qui s’y déroulent. Les Vietnamiens croient que les années où le signe correspond à leur année de naissance sont des années défavorables. Il ne faut donc se lancer des grands projets personnels, ou des voyages pendant ces périodes.

La légende chinoise ajoute également que le RAT mentait au CHAT en lui disant que le rassemblement serait plus tard. Le RAT monta ensuite sur le BŒUF pendant tout le trajet et souhaita la bonne année le premier à Bouddha, au moment où le BŒUF allait le dire. Le CHAT partit trop tard et arriva en treizième position. Et c’est ainsi que depuis le CHAT et le RAT sont devenus des ennemis naturels. Cependant, ceci n’est pas valable au Vietnam où le CHAT remplace le LIÈVRE chinois. (Les animaux peuvent varier car cette légende étant connue dans presque toute l’Asie, chaque pays l’adapte à sa faune).

2015 : l’année de la CHÈVRE


         La CHÈVRE est certainement le signe le plus féminin de l’astrologie vietnamienne. Sa douceur fait de la CHÈVRE un personnage très apprécié des autres.

Pacifiste, elle s’impose toujours délicatement pour éviter les conflits, et s’assurer du bien-être des gens. Même si ces derniers lui sont totalement inconnus, la CHÈVRE aime apporter le bonheur aux plus démunis, quitte à se priver elle-même.

En affaires, les personnes nées sous l’année de la CHÈVRE n’ont pas une âme de dirigeant, et n’apprécient pas non plus d’être contrôlées par une main maîtresse. Le pouvoir appartient à tous, et le référendum est un allié de force.


En amour, la CHÈVRE est un compagnon tendre, plein d’affection, qui n’hésitera pas à faire d’énormes sacrifices pour sa famille.

lundi 2 février 2015

Dernières photos de la Birmanie et citations de Aung San Suu Kyi

Est-ce à l'idée de quitter la Birmanie que le crapaud semble réfléchir ou encore se remémore-t-il tous ces moments émotifs vécus en si peu de temps?
À la recherche d'informations
Autobus birman bondé et un peu vieilli.
Autre moyen de transport


Birman et sa palanche
Horse car parqué au marché du Vieux Bagan


Avion confectionné à même un paquet de cigarettes Red Ruby


 Face au dernier temple visité à Bagan
Restaurant végétarien















Les petites pommes


Rue de Rangoun
Chaton de l'hôtel AKT de Rangoun

AKT, l'hôtel à Rangoun


À l'aéroport de Rangoun




Je terminerai ce court séjour en Birmanie par quelques citations de Aung San Suu qui nous permettent de mieux saisir l'étendue de la pensée de cette femme admirable.


C'est bien d'avoir du soutien. C'est bien d'avoir des gens qui ont pour vous de la sympathie et vous comprennent. Mais au bout du compte ce sont vos deux jambes à vous qui doivent vous faire avancer.

Nous avons remarqué au cours de cette tournée [dans les différents Etats de la Birmanie] que partout où la population osait agir politiquement, elle jouissait de plus de droits. Tandis que là où sévissait la peur, sévissait aussi l'oppression. C'est pourquoi, si nous voulons la démocratie, nous devons faire preuve de courage; et j'appelle courage le fait de faire ce que l'on pense juste, même si l'on a peur. La peur est inévitable. Nous devons seulement apprendre à la maîtriser. En Birmanie, nous avons tendance à user de la menace pour élever nos enfants. J'aimerais, de tout mon coeur, vous demander de ne pas le faire. Dans notre pays, pour apprendre à nos enfants ce qu'il faut faire et ce qu'il ne faut pas faire, nous préférons les menaces aux explications qui leur permettraient pourtant de comprendre par eux-même. Ce type d'éducation à base d'intimidation prévaut au point que nos dirigeants ne cherchent même pas à s'expliquer ce qu'ils font, et se contentent de recourir à la menace pour maintenir le peuple sous leur domination. Ce comportement fait partie de notre culture, et il nous faut le changer. Enseignons à nos enfants en leur expliquant les choses. C'est de notre responsabilité. Nous avons le devoir de leur apprendre le sens de la justice et de la compassion.

.  Les Kachins ont également institué trois types de gouvernement traditionnel. Le "gumalo-gumsa", plus fréquent au nord, est un système démocratique où chaque communauté se soumet aux décisions de la majorité.

Dans le système gumsa, le plus répandu parmi les groupes de langue jingpaw, l'autorité est détenue par les duwas, héritiers des terres. Il y a deux catégories de duwas: ceux qui ont droit à une patte de chaque animal tué par leurs sujets et ceux qui n'y ont pas droit. Les duwas les plus estimés sont ceux de la lignée des fils cadets, qui sont les héritiers chez les Kachins contrairement aux aînés.
Le troisième mode traditionnel d'administration locale des Kachins est le gumlao. Ce système qu'on peut qualifier de révolutionnaire est pratiqué dans la région de la vallée Hukawng par une population qui s'est révoltée contre l'autorité des duwas et a institué un gouvernement consultatif fondé sur le vote populaire. Cette révolution, qui date de trois ou quatre siècles, s'est imposée plus tard ailleurs. Sous la férule britannique, plusieurs communautés adeptes du gumlao sont revenues au système gumsa des héritiers duwas.


 . A notre époque même une seule voix peut être entendue partout dans le monde.

 . Ce n’est pas le pouvoir qui corrompt, mais la peur : la peur de perdre le pouvoir pour ceux qui l’exercent, et la peur des matraques pour ceux que le pouvoir opprime…Dans sa forme la plus insidieuse, la peur prend le masque du bon sens, voire de la sagesse, en condamnant comme insensés, imprudents, inefficaces ou inutiles les petits gestes quotidiens de courage qui aident à préserver respect de soi et dignité humaine. Un peuple assujetti à une loi de fer et conditionné par la crainte a bien du mal à se libérer des souillures débilitantes de la peur. Mais aucune machinerie d’État, fût-elle la plus écrasante, ne peut empêcher le courage de resurgir encore et toujours, car la peur n'est pas l'état naturel de l'homme civilisé.

To be forgotten, is to die a little.

. À quel point est-ce que j’essaie ? À quel point est-ce que j’avance ?  À quel point est-ce que je me bats ?

. La liberté de penser, c'est d'abord la liberté de poser des questions, or pendant longtemps, le peuple birman a été privé de ce droit. Beaucoup de jeunes ne savent même plus comment poser des questions. Il faudra consacrer encore beaucoup d'effort pour que notre loi fondamentale permette une véritable liberté de conscience.

. Mais je vous en prie, refusez la violence. L'oeuvre la plus honorable, la plus digne d'admiration qu'un peuple ou une nation puisse accomplir, c'est de réaliser ses aspirations en agissant dans la discipline et la non-violence.




À la prochaine, et comme le dit si bien le titre du blogue de Marie-Claude et Yvan, ON Y REVIENDRA.
















Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...