… la suite…
La soif inextinguible de curiosité du chanoine Boudreau, celle qui le poussa à enrégimenter le bedeau Arthur dans une croisade dont l’objectif ultime était de lui rapporter quotidiennement les faits et gestes de tous ses paroissiens, tourna à la paranoïa. Voilà ce que découvrit, dans les heures suivants le décès du curé, le guide de pêche et de chasse, officiellement, officieusement braconnier, distillateur de sous-bassement d’église.
Ayant réussi à se distraire de l’attention de madame Aldège en entrant dans l’église, Arthur ouvrit la porte du confessionnal du curé qui en cachait une autre, invisible, menant au vide sanitaire, puis à la cachette secrète : la distillerie. Soucieux de respecter à la lettre son contrat le liant au chanoine, il allait démonter l’organisation. Les plans pour son érection et ceux de sa démolition étaient précis, nécessitant de la part de l’ouvrier qu’il ne se fit pas intercepter.
Il allait pouvoir faire disparaître le tout, du moins le croyait-il, en deux jours, trois au maximum. Quelles ne furent pas sa surprise et son étonnement de constater que tout au fond, derrière les futailles, quelque chose bougeait! S’activait. Habitué de par son métier de guide de pêche et de chasse à rapidement simuler l’immobilité, à retenir son souffle tout en fixant un banc de poissons ou une proie, Arthur figea littéralement, et compte tenu des lieux, sombrant dans un état hiératique. Une ombre se profilait sur le mur.
Dans sa tête, l’incrédule et peu scrupuleux bedeau, en des secondes coupées en fractions infinitésimales, revisita tout ce qui se disait au village, sous cape bien entendu, quant à la présence d’un fantôme à l’Anse-au-Griffon. Serait-il face à face avec le lémure du curé? Surtout que la silhouette bougeait vers le plafond pour s’écraser ensuite au sol dans un silence terrifiant. Le fanal qu’elle tenait à la main, tel un stroboscope, accentuait les formes ou les dévorait.
- Qui va là? dit-il d’une voix coupée par la frayeur.
Aussitôt, la noirceur enveloppa l’espace. Deux souffles se mêlèrent au remugle de la cave. On n’osait bouger. Des pas rapides résonnaient au-dessus de leur tête. Trottinaient puis s’arrêtaient. La sueur s’écoulant du front d’Arthur le glaçait. Il répéta les mêmes mots qui n’avaient rien de l’invective, craignant que la sécheresse de sa gorge n’arrive à l’étouffer. Pour seule réponse, le chuintement de pas allant de nulle part vers ailleurs. Arthur, à tâtons, chercha à se diriger vers le commutateur qu’il savait dans l’angle exact où se terrait le spectre. Il y arriva. Poussa vers le haut. Une lumière pâle et décolorée chassa l’obscurité.
Ce qu’il vit, horrifié, le pétrifia de stupeur. La réplique, mais alors là d’une exactitude gémellaire, du chanoine Boudreau. En plus jeune. Avec une autre similitude, plus difficile celle-là à cerner.
- Qui es-tu? osa le bedeau que la surprise fit bousculer une autre question sans même attendre la réponse.
- Que fais-tu ici?
Le jeune homme d’environ trente ans se leva. Arthur recula, prit une position défensive, cherchant fébrilement à se fournir lui-même des réponses aux questions lancées.
- Je m’appelle Nathaniel, fils du chanoine Boudreau.
- Le fils du curé? répondit Arthur, interloqué.
- Oui. Personne ne connaît mon existence. Vous êtes le premier à l’apprendre.
Cela était évident. Le bedeau tenta d’imaginer quelle aurait pu être l’effet sur la communauté de savoir que le curé, en plus d’être un père spirituel fut un père naturel.
- Ma mère, c’est Angèle.
Là c’en était trop pour l’associé du chanoine. Comment ce dernier avait-il pu ainsi cacher une telle situation? Dans l’histoire de l’alcool frelaté, Arthur avait apprécié les manœuvres et les subterfuges, mais avoir réussi pendant plus de trente ans, à camoufler une telle réalité, cela le dépassait. Ainsi que sa relation avec la ménagère. Il pataugeait à même la fiction pure. La réalité lui sautait au visage.
- Tu vivais où? lança le bedeau.
- Vous avez bien été capable de soustraire à la vue et au su de tout le monde cet alambic, comprenez bien que de me dissimuler dans une pièce au grenier du presbytère ainsi qu’une autre dans le clocher, lui fut tout aussi facile.
- Pendant tout ce temps?
…à suivre…
La soif inextinguible de curiosité du chanoine Boudreau, celle qui le poussa à enrégimenter le bedeau Arthur dans une croisade dont l’objectif ultime était de lui rapporter quotidiennement les faits et gestes de tous ses paroissiens, tourna à la paranoïa. Voilà ce que découvrit, dans les heures suivants le décès du curé, le guide de pêche et de chasse, officiellement, officieusement braconnier, distillateur de sous-bassement d’église.
Ayant réussi à se distraire de l’attention de madame Aldège en entrant dans l’église, Arthur ouvrit la porte du confessionnal du curé qui en cachait une autre, invisible, menant au vide sanitaire, puis à la cachette secrète : la distillerie. Soucieux de respecter à la lettre son contrat le liant au chanoine, il allait démonter l’organisation. Les plans pour son érection et ceux de sa démolition étaient précis, nécessitant de la part de l’ouvrier qu’il ne se fit pas intercepter.
Il allait pouvoir faire disparaître le tout, du moins le croyait-il, en deux jours, trois au maximum. Quelles ne furent pas sa surprise et son étonnement de constater que tout au fond, derrière les futailles, quelque chose bougeait! S’activait. Habitué de par son métier de guide de pêche et de chasse à rapidement simuler l’immobilité, à retenir son souffle tout en fixant un banc de poissons ou une proie, Arthur figea littéralement, et compte tenu des lieux, sombrant dans un état hiératique. Une ombre se profilait sur le mur.
Dans sa tête, l’incrédule et peu scrupuleux bedeau, en des secondes coupées en fractions infinitésimales, revisita tout ce qui se disait au village, sous cape bien entendu, quant à la présence d’un fantôme à l’Anse-au-Griffon. Serait-il face à face avec le lémure du curé? Surtout que la silhouette bougeait vers le plafond pour s’écraser ensuite au sol dans un silence terrifiant. Le fanal qu’elle tenait à la main, tel un stroboscope, accentuait les formes ou les dévorait.
- Qui va là? dit-il d’une voix coupée par la frayeur.
Aussitôt, la noirceur enveloppa l’espace. Deux souffles se mêlèrent au remugle de la cave. On n’osait bouger. Des pas rapides résonnaient au-dessus de leur tête. Trottinaient puis s’arrêtaient. La sueur s’écoulant du front d’Arthur le glaçait. Il répéta les mêmes mots qui n’avaient rien de l’invective, craignant que la sécheresse de sa gorge n’arrive à l’étouffer. Pour seule réponse, le chuintement de pas allant de nulle part vers ailleurs. Arthur, à tâtons, chercha à se diriger vers le commutateur qu’il savait dans l’angle exact où se terrait le spectre. Il y arriva. Poussa vers le haut. Une lumière pâle et décolorée chassa l’obscurité.
Ce qu’il vit, horrifié, le pétrifia de stupeur. La réplique, mais alors là d’une exactitude gémellaire, du chanoine Boudreau. En plus jeune. Avec une autre similitude, plus difficile celle-là à cerner.
- Qui es-tu? osa le bedeau que la surprise fit bousculer une autre question sans même attendre la réponse.
- Que fais-tu ici?
Le jeune homme d’environ trente ans se leva. Arthur recula, prit une position défensive, cherchant fébrilement à se fournir lui-même des réponses aux questions lancées.
- Je m’appelle Nathaniel, fils du chanoine Boudreau.
- Le fils du curé? répondit Arthur, interloqué.
- Oui. Personne ne connaît mon existence. Vous êtes le premier à l’apprendre.
Cela était évident. Le bedeau tenta d’imaginer quelle aurait pu être l’effet sur la communauté de savoir que le curé, en plus d’être un père spirituel fut un père naturel.
- Ma mère, c’est Angèle.
Là c’en était trop pour l’associé du chanoine. Comment ce dernier avait-il pu ainsi cacher une telle situation? Dans l’histoire de l’alcool frelaté, Arthur avait apprécié les manœuvres et les subterfuges, mais avoir réussi pendant plus de trente ans, à camoufler une telle réalité, cela le dépassait. Ainsi que sa relation avec la ménagère. Il pataugeait à même la fiction pure. La réalité lui sautait au visage.
- Tu vivais où? lança le bedeau.
- Vous avez bien été capable de soustraire à la vue et au su de tout le monde cet alambic, comprenez bien que de me dissimuler dans une pièce au grenier du presbytère ainsi qu’une autre dans le clocher, lui fut tout aussi facile.
- Pendant tout ce temps?
…à suivre…
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