lundi 27 juillet 2009

Saut: 294



Nous plongeons un peu plus en profondeur dans LA STATÉGIE DU DAUPHIN qui avance l’idée que «nous trouverons de nouveaux moyens de sortir des goulots et bouchons qui hypothèquent nos avenirs personnels et institutionnels.»

De même, cette théorie stipule que « rien n’est plus essentiel que la coopération pour faire face à une période de mutation rapide. Bien plus que la coopération et que la quête abondante d’un avantage personnel, la coopération est la voie à prendre pour provoquer le changement.»

… «… la création d’un climat de confiance et d’harmonie, celle de l’échange, celle de l’exploration mutuelle des vrais besoins – qui débouche sur la coopération…»

Selon la pensée des auteurs, le monde évolue à partir de vagues. Ils les nomment ainsi : la première (l’agriculture); la deuxième (l’industrie); la troisième (l’information); la quatrième (la productivité); la cinquième (l’imagination); il reste à nommer la sixième.

« L’essence même de la courbe d’information c’est la transmission des résultats d’apprentissage et des découvertes, et la volonté de partager cette information avec ouverture, franchise et créativité, afin que nous puissions tous nous en servir comme d’un levier.»

Un autre concept que je trouve pertinent s’articule ainsi autour de ce que Lynch et Kordis appellent L’Ère de l’Alibi :
une philosophie qui, depuis des décennies, nous a incités à croire que la faute humaine doit toujours reposer sur les épaules de quelqu’un d’autre; que la responsabilité d’un comportement nuisible à la société doit invariablement être attribué à la société elle-même; que les êtres humains sont nés non seulement perfectibles, mais identiques, de telle sorte que tout écart désagréable doit être le produit d’environnements désagréables.


Je vous propose maintenant quelques citations provenant des références utilisées par les auteurs de LA STRATÉGIE DU DAUPHIN :



Charles A. Garfield (professeur de médecine américain) a écrit : « Le secret de la bonne gestion de soi-même, c’est la capacité de s’observer. Mais il faut comprendre que l’observation de soi n’a rien à voir avec l’autocritique excessive, les jugements sévères ou la paralysie de l’analyse; c’est plutôt la surveillance continue de sa performance, dans une perspective suffisamment détachée pour permettre une évaluation juste.»

De Charles Milligan : « La vie ressemble beaucoup plus à la conduite d’une bicyclette qu’à la construction d’une forteresse. Le cycliste doit être alerte, souple, intelligent et habile. La mentalité de forteresse est stupide dans ce monde, et c’est sans doute notre armure psychologique et spirituelle qui causera notre perte.»

Alvin Toffler écrit dans LE CHOC DU FUTUR : « L’apprentissage est une approche – de la connaissance et de la vie – qui met l’accent sur l’initiative humaine. Il comprend l’acquisition et la mise en pratique de nouvelles méthodologies, de nouvelles habiletés, de nouvelles attitudes et de nouvelles valeurs nécessaires à la vie dans un monde en mutation. L’apprentissage, c’est un processus qui prépare l’individu à faire face à de nouvelles situations.»

Paul Watzlawick (théoricien de la communication et du constructivisme radical, membre fondateur de l’École Palo Alto) : « Il existe deux types distincts de changement : le premier se produit dans un système donné qui, lui, reste inchangé; le second, par contre, change le système.»

Le philosophe irlandais George Berkeley : « Nous commençons par soulever la poussière, puis nous prétendons être incapables de voir.»

Le paléoanthropologue américain Robert Ardrey : « Pendant que nous recherchons l’inaccessible, nous rendons le réalisable impossible.»

« L’art existe pour que nous ne mourions pas de la vérité.» Nietzche

« Voilà le vrai plaisir de la vie, celui de servir à l’atteinte d’un but ultime que vous reconnaissez comme supérieur, d’être usé à la corde avant d’être mis au rebut, d’être une force de la nature plutôt qu’un petit lourdaud égoïste plein de maux et de griefs qui se plaint de ce que le monde ne se consacre pas entièrement à le rendre heureux.» George Bernard Shaw


Si vous appréciez, je crois pouvoir y aller d’un dernier saut sur le même sujet.

Au prochain


mercredi 22 juillet 2009

Saut: 293


Qu’est-ce que l’on retrouvera en ouvrant le cahier de lecture numéro 3 ? D’abord, une surprise. Les cahiers, en pure logique… chronologique suivent le fil du temps… Évidence! Cela permet au crapaud de revoir ce qui l’intéressait à une certaine époque; celle du troisième, c’est vraiment une «ère administrative»… par chance qu’à côté des cahiers dits officiels, il y a toujours un petit cahier plus personnel, plus intime si l’expression peut convenir.

Une surprise dans le 3! La voici : LA STRATÉGIE DU DAUPHIN, de Dudley Lynch et Paul L. Kordis. Un texte accompagnait ces notes.

« Les idées contenues dans cet ouvrage révolutionnaire marquent le début d’une nouvelle ère dans l’art et la science de réaliser des gains – une ère caractérisée par le changement en constante accélération.
Trois mythes désuets ont encore cours dans le monde des affaires d’aujourd’hui, ceux du requin, de la carpe et de la carpe pseudo-éclairée, selon lesquels, dans les affaires : il faut gagner à tout prix (requin), il faut éviter de perdre (carpe) ou il faut faire rapidement des compromis pour en arriver à une situation où tout le monde est censé gagner, mais où personne ne voit ses besoins satisfaits (carpe pseudo-éclairée).
Pour être gagnant dans l’Ère de l’Information et de la Productivité, il faut apprendre à maîtriser une technique tout à fait différente : la stratégie du dauphin. Cette stratégie est destinée à remplacer des comportements qui sont dépassés en cette fin du 20ième siècle. Déjà, les managers débrouillards et les penseurs éclairés imitent les comportements du dauphin et obtiennent des résultats extraordinaires.
Recourant à la métaphore du dauphin pour illustrer la pensée post-Nouvel-Âge et les défis potentiels des années 1990, les auteurs examinent les besoins du monde des affaires dans plusieurs perspectives, que ce soit celle des découvertes d’Ilya Prigogine, Prix Nobel, sur les structures dissipatives, celle des obstacles biopsychosociaux au changement explorés par Clare W. Graves, celle des «horizons-temps» d’Elliott Jaques, celle de la géométrie fractale de Benoît Mandelbort ou celle des travaux effectués par d’autres «chaologues».
Les auteurs se sont donné pour mission de multiplier les pouvoirs du lecteur :
. le pouvoir de choisir instantanément et judicieusement entre les stratégies de la Mainmise, du Renoncement, du Désengagement, des Compromis et de la Percée;
. le pouvoir de penser avec endurance, de rêver avec intelligence et de voir plus loin que la carpe et le requin;
. le pouvoir de faire plus avec moins;
. le pouvoir d’agir avec souplesse, élégance et endurance parmi les vagues de changement rapides;
. le pouvoir de se donner des outils d’orientation et de changement personnels en plein milieu de la vague;
. le pouvoir d’user de représailles quand il le faut;
. le pouvoir de se focaliser implacablement sur les 20% des efforts qui rapportent 80% des résultats qui comptent.»

N’est-ce pas surprenant de retrouver un texte de cette mouture parmi les citations auxquelles le crapaud vous avait habitué… Avouez-le franchement! Mais je dois admettre que de retrouver ces textes qui me ramènent à un contexte particulier de ma carrière professionnelle n’est pas sans me réjouir et me rappeler que j’y ai puisé une foule de conseils fort pertinents dans la conduite (ou la gérance) des différents personnels qui me furent confiés.

Je veux tout de même vous en donner un peu plus. Voici…

«Je suis un REQUIN, et je crois qu’il y a pénurie. C’est pourquoi j’ai l’intention d’obtenir le maximum, quoi qu’il arrive. D’abord, j’essaie de les vaincre, et si je n’y parviens pas, j’essaie de me joindre à eux.
Éléments en présence : l’arnaque, le brouillard, le déni, la «dose», la supposition, la crise et l’emprise.»

«Je suis une CARPE, je crois qu’il y a pénurie. Étant donné cette croyance, je m’attends à ne jamais avoir ou faire assez. Par conséquent, si je ne peux échapper à l’apprentissage et à la responsabilité en m’en éloignant, généralement je me sacrifie.
6 solutions primaires que la carpe se prescrit pour éviter d’assumer sa responsabilité personnelle d’atteindre à l’abandon et au changement :
1) ne participe pas au jeu; 2) empêche les autres de gagner; 3) n’achève jamais rien; 4) sabote le jeu; 5) joue le rôle du «bon gars»; 6) devient un problème.»

«Je suis une CARPE PSEUDO-ÉCLAIRÉE, et je crois à un univers d’abondance absolue. Par conséquent, je ne crois qu’il y ait de vrai mal ni de vrais perdants. Ce n’est qu’une affaire de temps avant que tout le monde soit gagnant. Comme la guérison constitue mon seul besoin primaire, je ne suis pas à l’aise avec les représailles ou la fuite, je ne peux donc manifester mon amour par le pouvoir. Cela me rend impuissant, et cette impuissance me met en colère. Mais comme il important pour moi de conserver une image de spiritualité, j’exprime ma colère de façon cachée. Je crois que tout ce que nous avons besoin d’apprendre dans la vie, c’est lâcher prise, flotter, nous laisser être le conduit d’une force plus grande, et c’est ainsi que je justifie mon existence.
Il existe 2 types de carpe pseudo-éclairée : la cpe métaphysique et la cpe sociale.»

«Je suis un DAUPHIN, et je crois à la possibilité d’une pénurie comme à la possibilité d’une abondance. Comme je crois que les deux nous sont accessibles – que nous avons le choix -, que nous pouvons nous servir de ce que nous avons comme d’un levier et exploiter nos ressources d’une façon élégante, être flexible et faire plus avec moins sont les pierres angulaires de ma création, de mon monde.»

Vous avez sans doute cherché à vous situer parmi l’une des quatre définitions ou descriptions des auteurs du DAUPHIN. L’essentiel à retenir est de constater que les gens sont différents, seuls et en groupe, que certains comportements étant prévisibles on peut alors mieux percevoir avec qui nous frayons…

J’en rajouterai au prochain saut… un appât pour attirer le poisson!



samedi 18 juillet 2009

Saut: 292


Il y a de ces sauts, tout comme des journées d’été alors qu’elles sont véritablement des journées d’été, c’est-à-dire à la limite entre la canicule et ce que nous vivons actuellement, des sauts sans trop d’inquiétude… du soleil autour… une brise qui ressemble à une lotion solaire numéro 30… des sauts qu’on lit comme un roman léger… des sauts dans lesquels, sans trop le savoir, s’y cachent un petit rien… important. Vous verrez à la fin, tout juste avant «le carnet…» pour quelle raison celui-ci, sous des allures un peu anodines, se révélera majeur…

Avant de se lancer, le crapaud a une confidence pour vous. Il lit actuellement (en fait il s’agit d’une relecture) LA DIVINE COMÉDIE de Dante. Est-ce l’appel florentin qui commence à se faire entendre? Il ne le sait pas exactement, mais ce gigantesque poème m’attire autant par son côté «je-me-laisse-bercer» par la musique des vers que par ce souffle immense qu’il a fallu au poète italien pour l’achever. Deux exemples avant de vous laisser aller aux citations du saut 292 :

.« Nulle douleur, me dit-elle, n’est pire

Que de garder du temps heureux mémoire

Dans le malheur : ton docteur le sait bien.»

Chant cinquième (de l'Enfer)

.« Nous aussi, nous irons reprendre nos dépouilles,

Mais sans que nul de nous puisse la revêtir :

Il n’est juste d’avoir ce qu’on a rejeté.»

Chant treizième (de l'Enfer)




. Il ne faut pas juger les livres un par un. Je veux dire : il ne faut pas les voir comme des choses indépendantes. Un livre n’est jamais complet en lui-même; si on veut le comprendre, il faut le mettre en rapport avec d’autres livres, non seulement avec les livres du même auteur, mais aussi avec des livres écrits par d’autres personnes. Ce que l’on croit être un livre n’est la plupart du temps qu’une partie d’un autre plus vaste auquel plusieurs auteurs ont collaboré sans le savoir. (Jacques Poulin)


. … mon regard intérieur est tourné non vers ce que je laisse mais vers ce qui m’attend.

(Léon Tolstoï)


. Pourquoi cacher plus longtemps ce secret puisque j’ai réussi moi-même à le percer?

(Léon Tolstoï)


. Les idées abstraites sont le produit de cette faculté qu’a l’homme de capter à un certain moment un état d’âme à l’aide de la conscience et de la transporter dans le souvenir.

(Léon Tolstoï)


. Rien de ce que nous créons en nous n’a conscience de ce qu’il est.

(Jostein Gaarder)


. Ce n’est pas en effet ce château de sable qui est le plus important. Le plus important, c’est l’image du château de sable qu’a un enfant avant de commencer à le construire.

(Jostein Gaarder)


. Vouloir comprendre, c’est chercher à reconquérir un savoir perdu.

(Peter Hoeg)


. En lui, il y avait aussi le désespoir, le chagrin, que les soldats transformèrent en haine pour pouvoir continuer à être des soldats.

(Ernest Hemingway)


. L’exemple de John Rowls :

Imagine que tu sois membre d’une très haute assemblée qui déterminerait l’ensemble des lois pour la société de demain. Ils seraient obligés de penser à tout une bonne fois pour toute car lorsqu’ils trouveraient enfin un accord – et auraient voté toutes ces lois – ils tomberaient raides morts. Mais ils se réveilleraient instantanément dans la société dont ils auraient voté les lois. Ce qu’ils ne sauraient pas, en revanche, c’est quelle place ils auraient dans la société. Cette société serait une société juste, car elle aurait été conçue par des hommes égaux. Et les femmes? Cela ferait justement partie du jeu. On ne saurait pas si on se réveillerait dans la peau d’un homme ou d’une femme. Comme on aurait une chance sur deux, il y a tout lieu de croire que la société serait aussi juste pour les hommes que pour les femmes.


. Tu oublies vite Dieu quand Dieu ne te tient pas écrasé.

(Saint-Denys-Garneau)


Quelques Daniel Pennac :


. Résoudre le problème en supprimant son énoncé, encore un fameux truc pédagogique!


. L’école ne peut être une école du plaisir, lequel suppose une bonne dose de gratuité. Elle est une fabrique nécessaire de savoir qui requiert l’effort. Les matières enseignées y sont les outils de la conscience. Les professeurs en charge de ces matières en sont les initiateurs, et on ne peut exiger d’eux qu’ils vantent la gratuité de l’apprentissage intellectuel, quand tout, absolument tout dans la vie scolaire – programmes, notes, examens, classements, cycles, orientations, sections – affirme la finalité compétitive de l’institution, elle-même induite par le marché du travail.


. … le propre du sentiment, comme du désir de lire, consiste à préférer. Aimer, c’est, finalement, faire don de nos préférences à ceux que nous préférons. Et ces partages peuplent l’invisible citadelle de notre liberté.


POUR MON AMI PAUL, cette dernière citation de Daniel Pennac :

Qui dira jamais la solitude du correcteur de fond?




Et voilà. Le cahier de lecture numéro 2 s’achève ici… Le crapaud vient tout juste de le placer à droite du premier dans cette section de la bibliothèque, un peu en retrait, là où je ne vais plus jamais, ou presque. Qu’arrivera-t-il de lui? Du premier et des autres? Le temps saura le dire…


«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»

B L U E T T E (nom féminin)

. petite étincelle;

. petit ouvrage littéraire léger et spirituel, sans prétention;

. œuvre (livre, film, chanson) légère et sans prétention, empreinte de sentimentalisme.


D É L I N É A M E N T (nom masculin)

. contour, ligne, tracé.

Au prochain saut

dimanche 12 juillet 2009

Saut: 291



Le saut 291 (on commence le décompte avant le numéro 300) est écrit entre les 8 et 15 juillet. Important de le souligner car le 8 juillet - il y a quatorze ans, déjà, c’était le décès du paternel Gérard - aura été la dernière rencontre avec l’orthésiste de l’hôpital Santa Cabrini, celle qui ajustait ma botte pour lui donner l’angle exact facilitant la rééducation d’Achille et le 15, journée du rendez-vous avec l’assistant de la chirurgienne-orthopédiste qui procéda à la «recouture» du tendon.


Incroyable de constater combien une douleur, une blessure ou plus globalement sans doute tout événement qui perturbe le cours habituel des choses, cette douleur/blessure s’intègre à soi de manière insidieuse. Au début, une fois la colère apaisée, que le rationnel ait pris le dessus et que l’on devienne conscient au plus profond de son intérieur et autour de ladite douleur/blessure, que l’énergie engagée à vouloir modifier le passé, l’incident ou l’accident n’est que de l’énergie perdue, inutile; on passe alors à une autre étape, plus pragmatique. Étape de la réorganisation, celle de son quotidien d’abord… et tout aussitôt, celle d’examiner l’état dans lequel on se retrouve… et se regarder. Ça modifie l’image de soi que de vivre avec une douleur/blessure qui, elle, n’a qu’un seul objectif : s’en retourner d’où elle vient… sans trop savoir pourquoi elle est venue…


Et où retourne-t-elle exactement? Sans doute dans une sphère de l’inconscient qui nous était totalement inatteignable auparavant, un endroit fugace, organisé différemment pour chacun d’entre nous. L’un a souffert le martyre lors de la blessure, l’autre pas! Un troisième a craint tel ou tel effet de l’anesthésie, de la chirurgie ou du traitement, le quatrième n’a rien ressenti! Cela démontre, sur une bien courte échelle, la grande différence entre les êtres humains et un peu aussi, je crois, cet espèce de mouvement entre l’objet et l’être.


Je veux dire par là, du moins je tente de le faire, que chaque individu face à la quotidienneté agit et parfois réagit d’une façon qui lui ressemble et le «mécanise»; c’est sans doute cela qui le rend compréhensible aux autres. Avant la douleur/blessure, toute la mécanique est présente, organisée, synchronisée de manière telle que l’individu oublie comment fonctionne… son tendon d’Achille. Arrive une douleur/blessure – occasionnée ou non par un accident - tout est bouleversé à l’intérieur comme à l’extérieur. L’intérêt réside dans le processus utilisé par l’individu pour se retrouver, se remettre sur pied, réajuster son homéostasie… Intérêt multiplié par le fait que le procédé diverge pour chacun, pour chaque histoire… de cas.


Une fois la douleur/blessure réexpédiée dans cette sphère inconsciente, il se produit un autre petit quelque chose de passionnant : l’individu, doucement, sans qu’il ne s’en rende tout à fait compte, entre dans l’étape de l’oubli qui n’a rien à voir avec le déni qui aurait pu surgir au commencement. Comme si, retrouvant sa quotidienneté, la douleur/blessure prenant de moins en moins de place dans son univers rapproché, l’individu s’en déconnecte progressivement. Peut-être pas entièrement, mais il s’adapte à un nouveau genre d’agir… Dans mon cas personnel, le temps dira si cette douleur/blessure m’aura transformé superficiellement ou profondément.


Le temps. Le temps… Comme j’en aurais long à dire. J’y reviendrai parce que j’ai des choses à régler avec lui. Et cela malgré le poème (tempus/chronos) découlant d’une rencontre qui n’eut rien d’un accident ou d’un incident.


Dernière question : qu’est-ce qu’un accident? Mon ami ROBERT le définit ainsi :

Le sens philosophique d’accident : ce qui «s’ajoute» à l’essence, peut être modifié ou supprimé sans altérer la nature.

Un accident c’est un événement fortuit, imprévisible; un épisode non essentiel; un événement fâcheux, malheureux.

Ce qui rompt l’uniformité.


J’aime bien croire qu’un accident n’altère pas la nature. En effet, on ne peut définir un être à partir d’un accident. Il n’en fait partie que fortuitement. Lorsqu’il se présente et prend la forme d’une douleur/blessure, voici que ça ajoute à la définition de l’être, fâcheusement pour certains, alors que pour d’autres c’est entrer dans l’âge de la redéfinition.




«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»


A M P H I G O U R I (nom masculin)

. écrit ou discours burlesque rempli de galimatias;

. production intellectuelle confuse et incompréhensible

A N A C O L U T H E (nom féminin)

. rupture ou discontinuité dans la construction d’une phrase


Au prochain saut

mardi 7 juillet 2009

Saut: 290


J’aime bien le bruit froufroutant des pages que l’on tourne… Ces pages sur lesquelles les mains ont écrit avec un stylo à bille, d’un côté comme de l’autre, et qui donne ce léger craquement tout à fait particulier… Ce cahier no.2 a une longue, une profonde histoire, fort bien installée dans ma vie. Il me fut remis par un groupe d’élèves à la fin d’une année scolaire, celle de la Gaspésie, et daté du 24 juin 1989. On y lit ceci :

Dans ce livre tu écriras,

Ce que ton cœur te dictera.

Pensées d’hier, pensées d’aujourd’hui,

Qui resteront malgré le temps qui fuit.


Écrire pour dire, pour se souvenir,

Écrire en vers ou pour le plaisir,

Écrire pour quoi, écrire pour qui,

Écrire pour toi, pour penser ta vie.


C’est avec joie que nous te l’offrons,

Espérant qu’il te donnera satisfaction.

Nous te souhaitons, de tout notre coeur,

La réalisation de tous tes « p’tits bonheurs ».


Merci pour ta présence, tes attentions

Ta joie de vivre et ta grande compréhension.

Voilà notre souvenir!

Les Bouts en train


Ces élèves l’ont nommé : Mes souvenirs. Ils ne savaient pas que ce cahier allait contenir, au fil du temps, tant et tant de choses, qu’il allait être suivi par quelques autres comme il fut précédé par un premier, plus austère, qui ramassait le fruit de mes lectures. Le numéro 2 serait, aussi, un recueil de citations mais avec un… plus. Comme un journal. Journal que malheureusement j’ai cessé d’écrire. Je le regrette aujourd’hui.


Il contient aussi quelques photos des trois filles, photos scolaires autant du primaire que du secondaire. Comme il a eu 20 ans le 24 juin dernier, on comprendra que certaines font presque offices d’anthologie. Comme il a eu 20 ans le mois dernier, on comprendra qu’il trace un passage bien ciblé dans l’espace et dans le temps.


Le frémissement des page m’amène à…


SIMPLE COMME BONJOUR (Jacques Prévert)

L’amour est clair comme le jour

l’amour et simple comme bonjour

l’amour est nu comme la main

c’est ton amour et le mien


pourquoi parler du grand amour

pourquoi chanter la grande vie?

Notre amour est heureux de vivre

et ça lui suffit.


C’est vrai l’amour est très heureux

et même un peu trop… peut-être

et quand on a fermé la porte

rêve de s’enfuir par la fenêtre

Si notre amour voulait partir

nous ferions tout pour le retenir

que serait notre vie sans lui

une valse lente sans musique

un enfant qui jamais ne rit

un roman que personne ne lit

la mécanique de l’ennui

sans amour sans vie!


Un peu plus loin…


L’ALBATROS (Charles Baudelaire)

Souvent, pour s’amuser, les hommes d’équipage

Prennent des albatros, vastes oiseaux de mer,

Qui suivent, indolents compagnons de voyage,

Le navire glissant sur les gouffres amers.


À peine les ont-ils déposés sur les planches,

Que ces rois de l’azur, maladroits et honteux,

Liassent piteusement leurs grandes ailes blanches

Comme des avirons traîner à côté d’eux.


Ce voyageur ailé, comme il est gauche et veule!

Lui, naguère si beau, qu’il est comique et laid!

L’un agace son bec avec un brûle-gueule,

L’autre mime, en boitant, l’infirme qui volait!


Le Poète est semblable au prince des nuées

Qui hante la tempête et se rit de l’archer;

Exilé sur le sol au milieu des huées,

Ses ailes de géant l’empêchent de marcher.


Une page de friselis après…


SENSATION (Arthur Rimbaud)

Par les soirs bleus d’été, j’irai dans les sentiers,

Picoté par les blés, fouler l’herbe menue :

Rêveur, j’en sentirai la fraîcheur à mes pieds.

Je laisserai le vent baigner ma tête nue.


Je ne parlerai pas, je ne penserai rien :

Mais l’amour infini me montera dans l’âme,

Et j’irai loin, bien loin, comme un bohémien,

Par la Nature, - heureux comme avec une femme.


Peut-il y avoir agencement de mots aussi beau? Et pourtant ce cahier no. 2 en regorge… Il ne reste que quelques pages à découvrir et nous le ferons ensemble lors du…

Au prochain saut

vendredi 3 juillet 2009

Saut: 289


Je farfouille dans le cahier numéro 2, celui qui achève de se voir dépouillé minutieusement de toutes ses citations. J’y découvre des pages qui m’indiquent une lecture mais sans citation retenue ou une, deux tout au plus.

Il y a par exemple :

L’Étranger de Camus…

Les Enfants du sabbat d’Anne Hébert…

Le petit aigle à la tête blanche de Robert Lalonde…

Va savoir de Réjean Ducharme…

Histoire universelle des chiffres de Georges Ifrah…

Choses crues de Lise Bissonnette…

Le monde de Sophie de Jostein Gaarder…

Un enfant de la balle de John Irvong…

Le second violon d’Yves Beauchemin…

La ferme des animaux de George Orwell…

Les aurores montréales de Monique Proulx…

Le parfum de Patrick Süskind…

Le ventre en tête de Marie Auger…

Ulysse de James Joyce…

Black boy de Richard Wright…

Rigodon de Céline…

Portnoy et son complexe de Philip Roth…

L’amour en guerre de Guy Corneau…

Truismes de Marie Darrieussecq…

Lila dit ça de Chimo…

Vercoquin et le plancton de Boris Vian…

L’homme flambé de Michael Ondaatje…

Quittes et Doubles – Scènes de réciprocité de Lise Bissonnette…


Je ne cherche pas à comprendre le pourquoi et le comment de cette situation qui risque fort bien de se reproduire dans les autres cahiers de lecture qui connaîtront à leur tour le même sort… celui du dépouillage.


Mais j’ai tout de même été saisi par un texte (il est du philosophe Gaarder) que je vous invite à lire.


«Il était une fois un mille-pattes qui savait merveilleusement danser avec ses mille pattes. Quand il dansait, tous les animaux de la forêt venaient le voir danser et tous admiraient ses talents de danseur. Tous sauf un qui n’appréciait pas du tout la danse du mille-pattes : c’était une tortue…


Comment faire en sorte que le mille-pattes ne danse plus, se demandait-elle. Il ne suffisait pas de déclarer qu’elle n’aimait pas sa façon de danser. Elle ne pouvait pas non plus prétendre qu’elle dansait mieux que lui, cela eut été le comble du ridicule. Aussi conçut-elle un plan diabolique.


Elle écrivit une lettre au mille-pattes : «Ô mille-pattes incomparable! commença-t-elle, je suis fervente admiratrice de votre art consommé de la danse. Aussi je me permets de vous demander comment vous procédez quand vous dansez. Commencez-vous d’abord par lever la patte gauche no. 228 puis la droite no. 59 ? Ou attaquez-vous la danse en levant d’abord la patte droite no. 26, puis la patte droite no. 499 ? J’ai hâte de connaître la réponse. Respectueusement, la tortue.»


En recevant la lettre, le mille-pattes s’interrogea sur-le-champ pour savoir ce qu’il faisait exactement quand il dansait. Quelle patte levait-il en premier? Puis quelle patte levait-il ensuite?


Et c’est ainsi que ça se termine : le mille-pattes n’arrive plus à danser.


Voilà ce qui se produit quand l’imagination est bridée par la réflexion de la raison.»


J’ai souvent cité ce qui suit, c'est de Gaarder également, alors que dans mon rôle d’enseignant, j’avais à expliquer l’importance de la langue française dans le contexte nord-américain.


«La langue française peut très bien vivre sans monsieur Dupond, mais monsieur Dupond ne peut pas vivre sans la langue française. Ce n’est pas l’individu qui crée la langue, mais bien la langue qui crée l’individu.»


Il écrivait aussi :


« Je fais mon possible pour te faire découvrir tes racines historiques. C’est à ce prix seulement que tu seras un être humain, c’est-à-dire autre chose qu’un singe nu et que tu cesseras de flotter dans le vide.»


Je vous en offre deux autres, les dernières :


. Mais apparemment, nous autres hommes gardons dans notre conscience tout ce que nous entendons, même si nous ne croyons pas nous en souvenir. Tout peut surgir à un moment ou à un autre.


. Notre vie est une étrange aventure, pensais-je. Et pourtant la plupart des gens trouvent que le monde est «normal». En réaction, ils recherchent éternellement ce qui est «anormal» comme les anges ou les Martiens. Mais cela vient uniquement du fait qu’ils ne voient pas le monde comme une énigme.


Ce saut n’aura pas entièrement épuré le cahier 2, mais presque…


Au prochain saut

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