mardi 22 décembre 2020

Projet ÉCRITURE

     Mon frère Pierre, ma belle-soeur Claire Pelletier et moi-même, nous nous sommes lancé un défi ; un défi écriture. Il consiste à pondre un texte à partir d'un déclencheur qui peut être une image, une photographie, une phrase, un extrait de musique ou tout autre chose que l'un de nous propose à notre imagination. Aucune règle autre que celles auxquelles nous voulons bien nous astreindre.

Le premier projet " ÉCRITURE " part de cette oeuvre de  Sébastien Laval, photographe professionnel à Poitiers depuis 1993.

Voici ce que cela donne.





Et si Rodin…


Et si Rodin

En esquissant son dessin

Avait assis son penseur

Les ischions posés sur la culasse

Glacée d’un canon,

De quelles pensées

Son esprit aurait-il été saisi ?

 

Et si Rodin

Avait modelé la glaise

De son esquisse

Fin 2020

Et en avait vu le bronze hissé

Sur la bouche d’un canon,

Sa pensée aurait-elle hurlé :

Feu !

 

Aurait-il déploré :

Feux, feux… tous les feux !

Fous furieux

Infinie folie

Flammes, toutes les flammes

Déflagrations, explosions, détonations

Depuis le début des temps,

Depuis la première étincelle

Entre les doigts de l’homme

Feux, flammes, fours

Crépitant, rugissant, brûlant, étouffant,

Dévastation, ravages, saccages

Provoqués impunément

Mises à feu et à sang

Et morts

Incalculables morts

À petit feu

Ruines, innombrables ruines

Croisades enflammées

Insupportablement répétées

Par d’impitoyables pyromanes

De pouvoir repus

Feux, feux rampants, incendies,

Brasiers de coupes à blanc

Vents suffocants, tourbillons torrides, tornades funestes

Terres de cendres

Embrasements, émeutes, insurrections

Engouffrement aux portes de l’enfer

Et stupéfaction de la pensée !

 

Et si Rodin

Observant la silhouette

Songeuse sur la culasse refroidie d’un canon

Noyée dans cet embrasement d’afflictions,

Aurait-il alors été empoigné

Par une pure pitié ?

Aurait-il souhaité

Insuffler dans l’esprit de son penseur

Recueilli sur la culasse d’un canon

D’autres desseins

Que ceux de méditer l’immonde ?

Lui aurait-il instillé

Le dilemme de songer à d’autres feux ?

Le doux feu de la flamme

D’une bougie

À peine vacillante

S’élançant dans le silence de la paix

Le feu flamboyant

D’un soleil d’aube

S’étirant dans la beauté du monde

Le feu crépitant d’étincelles

Luisant au fond des prunelles

De regards aimés

Le feu qui réchauffe

Le feu qui rassemble

Le feu qui anime l’amour

Le feu

Feu !

 Et si Rodin…

(Claire, décembre 2020)




Après la guerre, la paix! Vraiment?


« Quand les hommes vivront-ils d’amour ? », semble se demander ce jeune asiatique, pensif et recueilli. Cet engin de guerre m’est en effet si spontanément rébarbatif que je projette probablement sur ce garçon ma répulsion. La maison basse en arrière-plan me fait penser à quelque campagne du sud-est asiatique, la seule région d’Asie que j’aie visiter hormis le Liban. Elle m’apparaît d’ailleurs tellement triste, ayant la même couleur que ce canon qui occupe outrageusement la plus grande partie de l’espace sur cette photo. Métal gris et béton terne, et même le kaki soldatesque du veston de ce jeune, rien qui ne vienne égayer l’atmosphère lugubre de cette méditation solitaire. Sauf peut-être le blanc de la chaussette? 

Quel titre donner à cette image?  Après la guerre, la paix. Vraiment?

Certainement pas celle de l’âme. Comme si le photographe avait voulu laisser le doute envahir son champ de vision.

Que reste-t-il en effet à la jeunesse, à cette génération post-cataclysmique ? Où est l’espoir? 

En regardant de nouveau cette image, je m’attarde cette fois au jeune homme. Pourquoi s’est-il hissé sur ce canon? Peut-être comme pour les chats, afin de voir le paysage d’un peu plus haut que sur le sol. Sa main sur son menton m’amène à y voir une attitude pensive, dépourvue de tout sentiment de regret ou de jugement en lien avec l’objet sur lequel il s’est assis. Et d’ailleurs, que représente ce canon pour lui? Un instrument de la libération de son pays de quelque envahisseur? Je vois que la couleur blanche de sa chaussette m’amène à voir cette photo de façon moins lugubre. Voici en effet que je vois le gazon vert, sous et autour de l’engin de métal. Comme si le gazon avait repoussé sur une terre brûlée, la nature reprenant ses droits au-delà et malgré les horreurs humaines. Bien sûr les vêtements du personnage rappellent ceux des soldats. Sûrement sont-ils des surplus réutilisés par la population pauvre, étant gratuits; cela leur redonne une deuxième vie au moment où justement la vie revient.

 Finalement, en conciliant ces deux dimensions de ma lecture de cette photo, tristesse de la guerre d’abord, puis espoir de la paix, je termine ce petit essai en pensant à l’œuvre magistrale de Tolstoï : Guerre et Paix, un roman qui « se veut une histoire vraie de la guerre patriotique de 1812 contre l'invasion napoléonienne, telle que l'a vécue la génération des parents du romancier. »

 Comme pour Tolstoï, le thème de la guerre m’amène à reconsidérer toute l’importance vitale de la vie qui bat, celle pour laquelle les générations précédentes se sont battues.


(Pierre, décembre 2020)



Il fait gris...

 

... si gris qu’aucune ombre n’escorte le vieil homme et l’enfant qui s’avancent dans ce champ de ruines. Un peu de vert soutient le jaune des herbes oscillant au gré d’un léger vent poussiéreux. 

- Grand-père, pourquoi m’amènes-tu ici ?

- Pour que tu puisses voir les cendres.

- Lesquelles ? Je ne vois qu’un canon.

- Les cendres sont des débris, comme des spectres mélancoliques, reprit le vieillard dont le regard terne s’attriste à chacun de ses pas boiteux.

 Les deux visiteurs s’avancent sur ce terrain stérile.

 - Tu connais cet endroit, grand-père ?

- Regarde le canon.

- On dirait une statue, répond le jeune garçon se précipitant vers l’arme de fer.

- On érige des statues après la guerre alors que les canons, eux, on les utilise lorsqu’elle sévit. Pour chaque chose existe un avant et un après subsiste.

- C’est quoi la guerre ?

- Des moments qui assombrissent les gens.

- Pourquoi fait-on la guerre, demande le jeune garçon s’assoyant sur la  morne carcasse.

- C’est lorsque les gens ne s’aiment plus.

- On ne la fera pas nous, n’est-ce-pas grand-père ?

 Le vieil homme cherche à fuir la grisaille du jour de laquelle quelque morosité remonte en lui. Il surveille son petit-fils. Les enfants d’après la guerre ne voient dans les canons silencieux que des statues, des bustes de plomb sans savoir qui les a abandonnés dans leur profond mutisme.

 - Prends-moi en photo ?

- Ça laissera un trace de plus, mon enfant, reprend l’homme taciturne.

 Quels souvenirs raniment ces silencieuses ruines, alors qu’au plus fort des combats les bruits de la guerre assourdissaient ce champ devenu stérile, l’immortalisant au milieu de ces épaves amères ?

 - Parle-moi de la guerre.

- Tu le souhaites vraiment, mon garçon ?

- Oui, car je ne sais pas pourquoi les gens ne s’aiment pas. Toi et moi nous nous aimons, alors on ne fait pas la guerre. Mais d’autres l’ont menée.

- Parfois il semble plus facile de haïr.

- Et quand on ne s’aime plus, on fait la guerre, c’est ce que tu veux dire, grand-père ?

 Le vieil homme se déplace, pose sa tête à l’embouchure du canon. Il passe une main veineuse sur la poussière qui s’y est déposée, puis, regardant le jeune garçon qui balaie les alentours d’un regard penaud, entreprend, après l’avoir pris en photo, de lui raconter, dans des mots pouvant l’atteindre, la brumaille de cette journée semblable à celles qu’il a vécues, ici, dans cette vétuste aire de bataille, revêtu de son uniforme kaki .

 - Il fait gris aujourd’hui, mon petit. Durant la guerre, tous les jours sont gris. Personne ne réussit à détacher ses yeux de cette morne couleur qui enveloppe tous vos membres. Même quand le soleil resplendit, que les champs sont verdoyants, c’est encore gris. Les hommes qui font la guerre ne savent pas toujours pourquoi ils enfournent dans la gueule des canons ces pièces d’artillerie dont le but est de tuer. La guerre, c’est tuer. Avant. Pour éviter d’être tué.

- Toi, tu n’es pas mort à la guerre.

- J’ai été privilégié.

- Tu as fait comment pour ne pas mourir ? Interroge le garçon qui, tout d’un coup, sans tout à fait comprendre, mesure l’étroite distance entre la vie et la mort ; entre le bleu et le gris.

 Le vieil homme, doucement, à pas lents et feutrés, glisse sa main de la bouche du canon jusqu’à l’extrémité du tube, s’approche de son petit-fils fièrement dressé tel un cavalier solitaire.

 - Tous les jours pouvaient être le dernier jour. Les camarades qui ont survécu à la veille se levaient ; certains allaient, dans le même gris qu’hier,  vers leur dernier repos ; plusieurs autres aussi dans des champs pareils à celui-ci Moi, à mon réveil, je pensais à ta grand-mère, tes parents, tes oncles et tes tantes, me disant que je devais absolument passer à travers les plombs qui tombaient comme une pluie rageuse. C’est l’espoir de les retrouver qui m’a permis de ne pas mourir. En fait, je ne savais pas comment faire pour mourir. Quand tu te poses cette question - comment fait-on pour ne pas mourir ? - tu mises sur la chance et risques qu’elle soit de ton côté.

 Le jeune garçon ne semble pas bien saisir les paroles de son grand-père qui s’appuie sur le silencieux engin de guerre. À califourchon sur cette arme de combat que le temps a rendu muette, il est difficile de percevoir dans ses yeux interrogateurs si vraiment il conçoit les mots du vieil homme.

 - Et nous nous cachions.

- Vous vous cachiez de la mort à l’ombre du canon.

- C’est un peu cela.

Et les deux, main dans la main, reprirent la route en silence dans ce gris amer ; un vieil homme boite plus qu’à son arrivée...


(Jean, décembre 2020)

lundi 14 décembre 2020

Humeur vietnamienne

 



On me pose souvent la question : est-ce que la fête de Noël est soulignée au Vietnam ? Afin d’y répondre, je vous propose ce texte de monsieur Hữu Ngọc, intitulé LA NOËL DES HANOÏENS publié en décembre 1992. Cet article fait un bref retour sur l'histoire du catholicisme au Vietnam.

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    L’on sait que la Noël fêtée depuis le IVe siècle avait adopté les pratiques païennes célébrant le solstice d’hiver. Depuis plus d’un demi-siècle, les “ païens “ de Hanoï ont adopté la Noël catholique. 

Chaque année, le soir du 24 décembre, la foule, venue même des faubourgs lointains malgré le froid en général rigoureux, envahit littéralement le parvis de la Cathédrale dédiée à Saint-Joseph et les alentours de cette église bâtie en 1886. C’est à qui mieux mieux de trouver une place à l’intérieur du temple pour la messe de minuit, je parle également et surtout des non catholiques. C’est aussi une occasion pour les jeunes gens de se pavaner en costume “ new fashion “ ou de faire connaissance, de flirter, ou simplement de “ faire les quatre cents coups “. 

Et dire qu’il y a un siècle et demi, tout Vietnamien se hasardant dans un milieu catholique était exposé aux pires sévices. Vraiment, l’Histoire a fait un bout de chemin. 

L’histoire du catholicisme au Vietnam est pleine de tourments, peut-être à cause de son “ péché originel “. 

Le XVIe siècle marqua le début de l’expansion coloniale européenne à l’échelle mondiale. La découverte de nouvelles terres en Asie y favorisa l’extension du Royaume du Christ. Malheureusement, l’évangélisation se confondit souvent avec l’entreprise coloniale. L’encyclique Roman Pontifex de 1855 consacra en fait la division des sphères de domination politique entre Espagnols et Portugais. Au Vietnam, les Dominicains et les Espagnols ont fait leur apparition au XVIe siècle et au début du XVIIe siècle. Mais ce sont les Jésuites qui ont réussi à former vers 1650 un noyau de 30 000 fidèles. Les prêtres français des Missions Étrangères de Paris ont réussi cependant à évincer les prédicateurs portugais. L’un des missionnaires français, Alexandre de Rhodes, arriva en 1627 au village de Ba Làng à Thanh Hoa. Tandis qu’il semait la bonne parole aux paysans pêcheurs venus à la plage pour voir le bateau, le Seigneur Trinh Trang vint à passer. Il alla à sa rencontre, lui donna une montre et un livre de mathématiques. Il fut autorisé à prêcher et baptisa 200 personnes en deux mois. C’est ainsi que la catholicité a fait tache d’huile. 

Mais cette foi nouvelle heurta les croyances et coutumes indigènes. Régnant sans partage, elle interdisait le culte des ancêtres, la consommation des victuailles offertes en sacrifice et la polygamie, elle proclamait l’empire universel du Pape au détriment du roi vietnamien, Fils du Ciel. Le catholicisme, de ce fait, ne put pas devenir partie intégrante de l’organisme social vietnamien comme l’avait été le cas du bouddhisme et du confucianisme. Il fut interdit à plusieurs reprises. 

Les choses s’aggravèrent dans la deuxième moitié du XIXe siècle quand l’Église eut partie liée avec l’envahisseur français. L’administration coloniale et la hiérarchie catholique ont réussi à transformer la communauté catholique en faction hostile au reste de la nation, opposée au mouvement de libération nationale. Au cours des deux guerres d’Indochine, les colonialistes, anciens et nouveaux, surent tirer profit de cette situation ; typique fut le cas de Ngô Dinh Diêm. Cependant, des forces catholiques patriotiques ont combattu dans les rangs de la résistance, préparant la réintégration des catholiques dans le giron national à la fin de la guerre en 1975. Désormais, la Noël doit être la fête de la réconciliation nationale.


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vendredi 27 novembre 2020

Quelques citations en ces temps morbides !

 



Parfois, en certains moments difficiles de notre vie ou celle de la collectivité, il est recommandé de prendre “ un pas de recul “. Une fois fait, se retourner vers les auteurs, les penseurs, les philosophes peut s’avérer extrêmement intéressant pour nous aider à rejoindre notre âme, chérir notre coeur et clarifier notre cerveau.

Je vous propose ces quelques citations, souhaitant qu’elles puissent servir de baume en ces temps morbides.

 

• LES DEUX MORTS DE MA GRAND-MÈRE

( Amos Oz )

J’ai toujours été convaincu que les optimistes devaient être très malheureux, alors que les pessimistes ont une chance d’être, sinon heureux, du moins satisfaits. L’optimiste se lève tôt le matin, persuadé de trouver ses pantoufles près du lit. Elles n’y sont pas, et il est déçu. Puis il se coupe en se rasant, et cela l’irrite. Il veut préparer du café mais il n’y en a plus, ou bien l’électricité est brusquement coupée. Le pessimiste, au contraire, ne s’attend jamais à découvrir ses pantoufles près de son lit, et s’il les voit il est très content. Il veut faire du café, s’aperçoit qu’il en reste, et l’harmonie règne dans le monde.

 

• L’ÉTUDIANT ÉTRANGER

Philippe Labro )

Et je n’en étais pas conscient parce que j’étais encore trop inexpérimenté et je n’avais pas acquis la faculté de transformer un moment vécu, une observation subjective, en une généralité qui peut s’appliquer à une culture, une civilisation, des femmes et des hommes. Vous apprenez ces choses-là à mesure que vous avancez dans l’existence, quand vous avez suffisamment rencontré la mort ou la violence ou la beauté ou la crudité, ou tout cela à la fois et vous parvenez petit à petit à établir comme un éventail de comportements ou de valeurs, et à définir ce qui auparavant surgissait, spontanément, sans avertissement, et vous enregistriez sans comprendre. Le sphinx, alors, est en état de résoudre sa propre énigme et si l’histoire tout entière repose en un seul homme, tout doit pouvoir être expliqué à partir d’une expérience individuelle, une histoire comme un pays, comme les hommes de ce pays et qui ont fait cette histoire. J’avais lu ça dans Emerson et j’ai mis quelque temps à me pénétrer de ce phénomène de multiplication infinie des actions humaines, de cet unanimisme qui m’a toujours poursuivi, depuis, de façon parfois simpliste. Il se passe la même chose, en ce moment, à des milliers de kilomètres de distance, et cependant ce n’est pas du tout la même chose, et pourtant, c’est pareil. 

 

• L’AMOUR AU TEMPS DU CHOLÉRA

Gabriel Garcia Marquez )

…elle l’avait aidé à supporter l’agonie avec le même amour qu’elle avait déployé pour l’aider à découvrir le bonheur.

 

• LE TOMBEAU D’ÉTOILES

( Maxence Fermine ) 

On croit longtemps vivre entouré de gens, de proches, d’une famille aimante. À force d’habitude, on se croit préservé à jamais du malheur et de la solitude, pièce indispensable dans la grande mosaïque du monde. Et puis, un jour, la mosaïque se fendille et les joints éclatent, jusqu’à ce que chacune des pièces qui constituaient cette étrange fresque humaine s’isole un peu plus des autres. Alors on se retrouve seul face à son reflet dans le miroir, seul dans le cortège des jours qui défilent, et on comprend qu’il n’en était rien.

 

• LES LETTRES DE CAPRI

Mario Soldati ) 

Les passions les plus viles obéissent à un stratagème : quand elles nous assaillent, elles s’efforcent de ne pas nous inquiéter. Pour mieux se glisser en nous, elles se dissimulent derrière une prétendue légèreté. Et comme notre raison résiste, elles s’attaquent à notre vanité. Nous sommes si vains, si sûrs de tenir bon, que nous nous moquons volontiers d’elles; nous feignons d’en être animés, pour les parodier justement et nous complaire dans notre vertu. Mais nous sommes obligés ainsi de nous en occuper, de les expérimenter sur nous, de goûter leur douceur; nous nous y habituons entièrement et insensiblement, et devenons bientôt leurs esclaves.

Ainsi, un beau jour, notre raison chavire brusquement, elle aussi. Et soudain, la passion, les passions, que nous taxions jadis de bassesse ou de mensonge, nous apparaissent bientôt revêtues de grandeur et de vérité. Voilà notre chemin! Voilà la lumière! nous disons-nous alors en nous berçant d’un réconfort extraordinaire, mais trompeur. Nous sommes comme les autres, les gens convenables. Normaux. Nous n’avons plus de doutes. Quel repos! C’était si simple. Il suffisait d’avoir un peu d’humilité. Nous nous croyons humbles. Et c’est le début de notre ruine.

Le propre de l’humilité est que celui qui la possède croit en être privé !

 


• AU PAYS

( Tahar Ben Jelloun )

… le temps c’est nous, ce n’est pas le cadran de la montre, non, c’est toi qui fais le temps, tu fermes les yeux et tu es dans le passé, tu les fermes encore et tu te projettes dans le futur, quand tu décides de les ouvrir, pas de mystère, tu es dans le présent, celui qui est aussi mince qu’une feuille de cigarette, tu vois ce que je veux dire ?

 

• UN GARÇON PARFAIT

( Alain Claude Sulzer )

Si l’amour meurt, c’est la mort qui vient, si l’amour vient, c’est la mort qui meurt.

 

• L’ORIGINE DE LA VIOLENCE

Fabrice Humbert )

Le microscope a ceci de merveilleux qu’il nous enfonce dans un monde aux déclivités énormes, aux contours fabuleux, comme un conte visuel d’ordinaire inaccessible. La mince lamelle translucide, sur laquelle est déposée un minuscule fragment, révèle brutalement un univers, de sorte que l’infiniment petit recèle autant de richesses qu’une planète entière. Mais en même temps, l’œil collé à l’embout noir, absorbé par ce nouveau monde, ne voit plus rien de l’ancien.

 

• JADE

Michel Tauriac )

L’illusion est une des grandes causes de la souffrance humaine.

 

• LA TRISTESSE DES ANGES

Jon Kalman Stefanson ) 

Nombreux sont ceux qui choisissent de se taire quand la vie leur inflige les plus cuisantes brûlures, d’ailleurs, les mots ne sont souvent que des pierres inertes, des vêtements élimés et usés. Ils peuvent également être de mauvaises herbes, de dangereux vecteurs d’infection, des planches vermoulues qui ne supporteraient même pas le poids d’une fourmi et d’autant moins celui d’un homme. Pourtant, ils sont l’une des rares choses qui demeurent à portée de main lorsque tout semble se jouer de nous. Gardez bien cela à l’esprit. N’oubliez pas non plus ce que nul ne comprend : les mots les plus insignifiants et les plus improbables peuvent, sans qu’on s’y attende, se charger d’un lourd fardeau et conduire la vie pour la sauver par-delà les plus vertigineuses crevasses.

 


• À PROPOS DE COURAGE  

Tim O’Brien 

Une histoire existe pour l’éternité, même quand la mémoire est effacée, même quand il n’y a plus rien d’autre à se rappeler que l’histoire elle-même.

 

• NOUVELLES ORIENTALES 

(  Marguerite Yourcenar 

Il est sorti du monde des faits pour entrer dans celui des illusions, et il m’arrive de penser que l’illusion est peut-être la forme que prennent aux yeux du vulgaire les plus secrètes réalités.

 

. UN AMERICAIN BIEN TRANQUILLE

 ( Graham Greene) 

Assez d’ismes et de craties. Je veux des faits.

 

LE PORTAIL  

( François Bizot) 

Cette merveilleuse faculté qu’a l’être humain de s’attacher aux objets les plus dérisoires de son existence, aux instruments mêmes de son supplice, simplement parce qu’ils font partie du modeste décor de son quotidien, du simple fait qu’ils lui sont devenus familiers, occupa mon esprit pendant des heures. Sans doute en va-t-il de même de notre vie entière. Je méditai longuement sur ce que cette réalité révèle de la condition humaine, et je ne cesse encore aujourd’hui de m’en étonner.

 

. ENFANCE et ADOLESCENCE

( Léon Tolstoï )

 Mais, à mon sens, la non-conformité de la position d’un homme avec son activité morale est le signe le plus sûr de la vérité.

 

. L’IMMORALISTE

( André Gide)

Et comment une antique réponse eût-elle satisfait à ma nouvelle question : Qu’est-ce que l’homme peut encore ? Voilà ce qu’il m’importait de savoir. Ce que l’homme a dit jusqu’ici, est-ce tout ce qu’il pouvait dire ? N’a-t-il rien ignoré de lui ? Ne lui reste-t-il qu’à redire ? Et chaque jour croissait en moi le confus sentiment de richesses intactes, que couvraient, cachaient, étouffaient les cultures, les décences, les morales.

 


Voici donc ces quelques citations que j’ai glanées au fil de mes lectures autant vietnamiennes que québécoises depuis quelques années. Y revenir, parfois, me rend confiant et perplexe tout à la fois.

J’ose espérer qu’elles puissent trouver un chemin en vous.

mercredi 18 novembre 2020

Humeur vietnamienne

 



LE CRAPAUD avait prédit un balayage démocrate menant Joe Biden à la présidence des USA. 50% de ce pronostic s’avère exact, mais si je veux demeurer un instant sur le mot “ balayage “ ; disons qu’il y en a eu un, celui des contestations entrepris par le camp Trump afin d’invalider certains résultats ou d’exiger le recomptage des votes dans quelques états. Il y a toutefois autre chose sur laquelle il m’apparaît intéressant de discuter, à savoir l’état de la démocratie dans le pays qui se targue d’être le plus fier représentant de cette forme de gouvernement et d’administration de la chose publique.

En fait qu’est-ce que la démocratie ?

Voici quelques avenues puisées chez différents dictionnaires qui donnent à réfléchir. Choisissez celle qui vous plaira.

 - Régime politique, système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’ensemble des citoyens.

- Doctrine selon laquelle l’État doit permettre l’exercice de la liberté des citoyens.

- Mode d’existence collective  les mêmes avantages sont accordés à tous.

- Mode de vie  s’exerce la responsabilité collective.

Si on se permet d’aller à l’origine du mot et principalement à son application, il faut définir la démocratie à partir d’Athènes, dans la Grèce antique.

 La démocratie athénienne désigne le régime politique mis en place progressivement dans la cité d’Athènes durant l'Antiquité et réputée pour être l'ancêtre des démocraties modernes. Le terme démocratie vient des mots grecs δῆμος / dêmos («le peuple») et κράτος / krátos («la puissance, le pouvoir»). Il s'agit donc d'un régime où les décisions sont prises par le peuple. “

À partir cela, peut-on avancer l’idée que les USA en sont une ? 

Que depuis la révolution américaine, les guerres intestines entre le Nord et le Sud, l’établissement d’une fédération et la création des deux grands partis politiques ( Démocrates et Républicains ) les réalités géopolitiques ont mené notre voisin du sud à trafiquer un peu le concept ?

Nous pourrions généraliser le problème et le poser dans un questionnement plus global. Une dictature peut-elle revendiquer au titre de démocratie ? Les Anglais ont réglé la question en instituant une démocratie parlementaire sous la couverture d’une monarchie. Ce système est aussi le nôtre, au Canada. Par extension, nous pourrions énoncer que les pays républicains, qu’ils utilisent ou pas le suffrage universel, ressemblent passablement à ce type de fonctionnement politique.

Mais tel n’est pas mon propos que je définirai plutôt ainsi : à la suite de l’élection américaine 2020, le concept de démocratie en a-t-il pris un coup mortel ? Chose certaine il s’est affaibli et les comportements de certains partisans de Donald Trump le démontrent lorsqu’ils exigent la suppression du comptage de votes dûment enregistrés. Pour ma part, cela me semble inquiétant.

Il faut d’entrée de jeu mettre en relief la personnalité pour le moins atypique du 45e président américain qui, avant même la ou les journées du vote, proclamait à qui veut l’entendre que des irrégularités surviendraient. Voulait-il insinuer que tout ce qui n’irait pas en sa faveur prendrait des allures de fraude organisée ? Qu’un vaste processus d’escroquerie, de truquage ou de falsification était en marche afin de le déloger ? Ou bien faut-il mettre ses avertissements sur le dos d’un vaste complot dont l’objectif serait de chasser du pouvoir la seule et unique personne capable de diriger le pays, soit lui-même ?

Je ne suis pas, et de loin, un partisan de la candidature d’un tel infatué personnage qui durant quatre (4) années a changé d’idées comme il changeait de chemise, a mené des politiques racistes, sexistes et intégristes. Il faut regarder les différents mouvements qui le supportent pour s’interroger sérieusement ; le QAnon en est l’illustration la plus probante. C’est vraiment ici que se situe le péril pour la démocratie américaine. Lorsque je vois sur les antennes télévisées ces images de types hyper armés hurlant aux loups, je ne peux que m’inquiéter.

À un mois du vote (celui du collège électoral) qui légitimera le 46e président des USA, Trump n’a toujours pas reconnu l’évidence : il a perdu. Perdre - et dieu sait que cela n’est pas sa tasse de thé, ça serait génétique chez lui semble-t-il - est une chose, mais il ne faut pas occulter les dégâts dont il a parsemé le territoire de notre voisin du sud et ailleurs dans le monde : voilà son véritable héritage qu'on doit examiner de près.

Lorsqu’élu en 2016 - rappelons qu’à ce moment-là les chaînes télévisuelles avaient proclamé sa victoire contre tout attente, alors que maintenant c’est un abus de pouvoir - il le fut par une convergence des mouvements d’extrême droite américains qui ont proliféré par la suite.

Autant la droite que la gauche, en fait tout ce qui a tendance à s’éloigner du centre qu’on pourrait définir comme le lieu de l’équilibre, se sont durcies. Une polarisation est actuellement facile à reconnaître et je ne sais trop comment, une fois Joe Biden entré à la Maison Blanche accompagné par Kamala Harris, sa vice-présidente, quel chemin les deux nouveaux élus devront emprunter pour rafistoler des retailles particulièrement échancrées.

Les USA de 2020-2021 ne sont plus les mêmes qu’auparavant. Nous avions l’habitude de départager Démocrates et Républicains à partir de leur conception de la démocratie et de l’exercice du pouvoir. Actuellement, tout devient focalisé et cela risque d’être assez difficile d’envisager la suite des choses.

Le système électoral des USA est complexe, relevant en grande partie de chacun des états, mais une chose est plutôt certaine, le gouvernement fédéral installé à Washington devra revoir certains éléments qui caractérisent sa pratique de la démocratie.

Les dommages que Trump s’est amusé à multiplier tout au long de ses quatre années au pouvoir ne pourront se résorber le temps de le dire. Je crois qu’une réforme en profondeur s’impose, tout comme il sera nécessaire de revoir certains points de la Constitution américaine acceptée en 1787 et mise en application en 1789.

Au XXe siècle, certains ajustements techniques lui ont été apportées, mais il est de mon opinion qu’il faudra y aller plus en profondeur. Signalons seulement le IIe amendement qui se lit ainsi - Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.  On a remarqué lors des manifestations qui ont eu lieu afin de protester contre les forces policières s’étant attaqué à la clientèle afro-américaine, certaines gens armées jusqu’aux dents menaient le bal. Cet amendement doit disparaître de la Constitution américaine au plus vite sinon le clivage qui est le lot des USA actuellement risque de finir dans des bains de sang.

À quoi pourra ressembler l’ère Biden/Harris ? Difficile voire même impossible à prédire. Certains éléments ressortent quand même, indépendants du concept de démocratie, pivot de ce billet. Le premier et sans doute le plus important repose sur comment se fera la transition entre les deux administrations. C’est triste à dire, mais c’est presque une évidence, le passage des pouvoirs se jouera comme Trump veut bien que cela se fasse, c’est-à-dire à l’image d’une émission de télé-réalité. Il s’amusera jusqu’au résultat du collège électoral (en décembre prochain) et par la suite je ne serais aucunement surpris qu’il démissionne afin de ne pas être coiffé du titre de président perdant, laissant à son vice-président le mauvais rôle qu’il est incapable d’assumer.

Je ne crois qu’il assiste, en janvier prochain, à l’assermentation de la nouvelle administration et qu'il invitera ses supporteurs à vivre l’événement comme un grand jour noir, l’affublant même du titre de " deuil de la démocratie “. Il ne disparaîtra pas pour autant du paysage politique et son aura continuera de pourrir l’atmosphère avec ses fausses nouvelles, ses mensonges et j’en passe.

Une question ne peut être éludée : au pouvoir durant quatre (4) années, il est au courant d’une quantité de secrets d’État ; que fera-t-il de cette masse d’informations ? Faudra-t-il un sévère décret présidentiel lui rappelant qu’il est tenu à la réserve et qu’il risque de rigoureuses sanctions s’il s’y écartait ? Je ne serais aucunement surpris qu’il soit enclin à négocier son silence contre l’abandon des poursuites qui l’attendent lorsque l’immunité présidentielle lui sera retirée. Une chose est certaine, nous n’en avons pas fini avec ses frasques rocambolesques.

J’achève sur cette dernière question : puisque de plus en plus la démocratie ne semble se résumer qu’à l’exercice du droit de vote, ce rétrécissement du concept nous indique-t-il que le résultat d’une élection puisse être une photographie voire une radiographie d’une société ?

Pour être élu, un candidat doit obtenir 50% des voix plus une ou une certaine majorité si plus de deux aspirants sont en présence. Mathématiquement, cela peut signifier que le gagnant remporterait la palme alors qu’il n’atteint pas le fameux 50% et dans le cas d’un match à deux opposants, celui ou celle qui obtient 51% doit être conscient qu’un nombre important d’électeurs n’ont pas opté pour sa candidature. On nous servira la réponse toute faite suivante : une fois élue, la personne a maintenant la responsabilité de représenter tout le monde, ses partisans et les autres. D’accord, mais que fait-on de la ligne officielle des partis politiques qui obligent tout le clan à se ranger derrière elle ? 

Une  bien vaste question...


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