465 kilomètres, c’est la mesure du réseau que composent les ruelles de la ville de Montréal. L’information provient d’André Carpentier, auteur du livre RUELLES, JOURS OUVRABLES, publié chez Boréal. Ces ruelles, il les a marchées durant près de trois ans. Au rythme des saisons. Revenant régulièrement à celles de son enfance, il nous fait découvrir la vie cachée de ce qu’il qualifie de rues ayant relevées ses manches et ses pantalons. Mais c’est à une découverte de soi que ces balades solitaires l’invitent.
… les personnes et les objets conservent quelque chose des yeux qui les ont observés, je dirais surtout s’ils sont transfigurés par une sensibilité. La nature morte a ses origines dans l’esprit vivant.
Cette lecture m’a ramené aux six heures quotidiennes de marche d’octobre 2004 à Paris. On ne découvre véritablement une ville que par nos semelles de souliers. Déambuler pour le nécessaire, le superflu mais principalement pour la flânerie.
Flâner, c’est comme naître ou mourir, ça ne se fait jamais mieux que seul; à quelques-uns si on veut, mais chacun pour soi, en suivant son instinct, quitte à se perdre de vue.
Ainsi qu’à mes nombreuses promenades montréalaises. Mon Compostelle. Urbain. Il y a de la magie dans les ruelles cachées sous leurs arbres servant d’ombrelles, leurs clôtures faisant office de garde-fous, les bruits étouffés par les sirènes au loin, des chiens, beaucoup, des chats surtout. Ils sont les maîtres incontestés de ces artères à l’inégale géométrie, aux culs-de-sacs inattendus, aux spectacles ravissants parfois navrants, aux découvertes de lieux, d’objets et de gens.
En fait, les ruelles se comportent comme des personnes vouvoyant d’abord le passant, puis le tutoyant, et souvent le désignant à la troisième personne, celle de l’étranger : C’EST QUI ÇUI-LÀ? Alors on se donne l’allure qui signifie JE NE SUIS QU’UN PASSANT, et leur air de rétorquer ALORS PASSEZ!
Découvertes de lieux. D’aussi loin que nos pas puissent nous supporter, nous éloignant du parallèle des rues pavanant leur nom sur des enseignes similaires, le biais par la ruelle nous plonge dans l’inconnu. Une sorte d’intimité par l’étroitesse de l’espace, l’immensité des couleurs, des odeurs et des agencements que l’humain manipule parfois avec une incroyable créativité. L’enfant sur son tricycle, à trois portes de la maison, découvrant des étendues qui lui font peur et revient, brave mais haletant vers un secteur plus familier. Ainsi se sent le marcheur à l’entrée d’une ruelle, tel un Jean-Jacques Rousseau déambulant tout en faisant défiler en lui des constructions philosophiques. Un monde de lieux. Le premier appelant l’autre, souvent le complétant, l’embellissant ou faisant regretter les nouveaux pas avancés vers ce trou de lumière sans tunnel, tout au bout. Des jardinets. Des garages. Des cordes à linge. Des poteaux. Des espaces qui se mériteraient des premiers prix à des concours d’aménagement floraux. De longs riens du tout. De courts bien trop beau pour ne pas s’y arrêter. Des drapeaux. Découvrir un lieu que le prochain réussira presque à nous faire oublier tient sans doute de la multitude mais surtout de la spécificité. Du coup de doigt dans son chez soi extérieur.
… nulle rencontre ne peut se produire sans le secours de l’imagination, qui est l’autre scène du réel.
Et elles sont nombreuses. Impromptues. Ce garçonnet courant après la balle qui fait office de rondelle de hockey. Cette fillette qui parle à sa poupée avec des mots appris d’avant elle. Ces adolescents cachés là où on ne peut que mieux les voir, déchirent rageusement leurs phantasmes. Ces jeunes gens garçons accroupis sous moteur de leur automobile. Des jeunes gens filles qui accompagnent les jeunes gens garçons tout en faisant semblant de s’y intéresser. Des papas et des mamans assis dans les marches d’escalier d’une galerie en bois, enregistrant des silences qui semblent faire du bruit. Des grands-parents mesurant les changements dans l’organisation de la ruelle comme autant d’années qui ont passées. L’unicité dans la diversité et dans une multitude sans fin.
Et nous-mêmes, que sommes-nous pour ceux qui nous ont vus passer?
Des histoires. Ou encore des poèmes, ces grands chantiers d’images. Ou simplement une ombre cherchant à rejoindre sa lumière. Pour moi, ce sont tellement d’histoires que je me raconte à partir de personnages, de situations ou encore plus de ces vagues impressions qui vous chahutent l’esprit jusqu’au moment où elles tombent sur la feuille en des mots qu’au départ on n’avait pas encore empruntés pour les leur donner.
On n’a pas idée de ce qui se hurle dans ce silence.
Rueller comme il n’est permis de le faire qu’à celui qui prend le temps d’accepter de le perdre pour trouver, au bout de la route, la force de répartir.
… les personnes et les objets conservent quelque chose des yeux qui les ont observés, je dirais surtout s’ils sont transfigurés par une sensibilité. La nature morte a ses origines dans l’esprit vivant.
Cette lecture m’a ramené aux six heures quotidiennes de marche d’octobre 2004 à Paris. On ne découvre véritablement une ville que par nos semelles de souliers. Déambuler pour le nécessaire, le superflu mais principalement pour la flânerie.
Flâner, c’est comme naître ou mourir, ça ne se fait jamais mieux que seul; à quelques-uns si on veut, mais chacun pour soi, en suivant son instinct, quitte à se perdre de vue.
Ainsi qu’à mes nombreuses promenades montréalaises. Mon Compostelle. Urbain. Il y a de la magie dans les ruelles cachées sous leurs arbres servant d’ombrelles, leurs clôtures faisant office de garde-fous, les bruits étouffés par les sirènes au loin, des chiens, beaucoup, des chats surtout. Ils sont les maîtres incontestés de ces artères à l’inégale géométrie, aux culs-de-sacs inattendus, aux spectacles ravissants parfois navrants, aux découvertes de lieux, d’objets et de gens.
En fait, les ruelles se comportent comme des personnes vouvoyant d’abord le passant, puis le tutoyant, et souvent le désignant à la troisième personne, celle de l’étranger : C’EST QUI ÇUI-LÀ? Alors on se donne l’allure qui signifie JE NE SUIS QU’UN PASSANT, et leur air de rétorquer ALORS PASSEZ!
Découvertes de lieux. D’aussi loin que nos pas puissent nous supporter, nous éloignant du parallèle des rues pavanant leur nom sur des enseignes similaires, le biais par la ruelle nous plonge dans l’inconnu. Une sorte d’intimité par l’étroitesse de l’espace, l’immensité des couleurs, des odeurs et des agencements que l’humain manipule parfois avec une incroyable créativité. L’enfant sur son tricycle, à trois portes de la maison, découvrant des étendues qui lui font peur et revient, brave mais haletant vers un secteur plus familier. Ainsi se sent le marcheur à l’entrée d’une ruelle, tel un Jean-Jacques Rousseau déambulant tout en faisant défiler en lui des constructions philosophiques. Un monde de lieux. Le premier appelant l’autre, souvent le complétant, l’embellissant ou faisant regretter les nouveaux pas avancés vers ce trou de lumière sans tunnel, tout au bout. Des jardinets. Des garages. Des cordes à linge. Des poteaux. Des espaces qui se mériteraient des premiers prix à des concours d’aménagement floraux. De longs riens du tout. De courts bien trop beau pour ne pas s’y arrêter. Des drapeaux. Découvrir un lieu que le prochain réussira presque à nous faire oublier tient sans doute de la multitude mais surtout de la spécificité. Du coup de doigt dans son chez soi extérieur.
… nulle rencontre ne peut se produire sans le secours de l’imagination, qui est l’autre scène du réel.
Et elles sont nombreuses. Impromptues. Ce garçonnet courant après la balle qui fait office de rondelle de hockey. Cette fillette qui parle à sa poupée avec des mots appris d’avant elle. Ces adolescents cachés là où on ne peut que mieux les voir, déchirent rageusement leurs phantasmes. Ces jeunes gens garçons accroupis sous moteur de leur automobile. Des jeunes gens filles qui accompagnent les jeunes gens garçons tout en faisant semblant de s’y intéresser. Des papas et des mamans assis dans les marches d’escalier d’une galerie en bois, enregistrant des silences qui semblent faire du bruit. Des grands-parents mesurant les changements dans l’organisation de la ruelle comme autant d’années qui ont passées. L’unicité dans la diversité et dans une multitude sans fin.
Et nous-mêmes, que sommes-nous pour ceux qui nous ont vus passer?
Des histoires. Ou encore des poèmes, ces grands chantiers d’images. Ou simplement une ombre cherchant à rejoindre sa lumière. Pour moi, ce sont tellement d’histoires que je me raconte à partir de personnages, de situations ou encore plus de ces vagues impressions qui vous chahutent l’esprit jusqu’au moment où elles tombent sur la feuille en des mots qu’au départ on n’avait pas encore empruntés pour les leur donner.
On n’a pas idée de ce qui se hurle dans ce silence.
Rueller comme il n’est permis de le faire qu’à celui qui prend le temps d’accepter de le perdre pour trouver, au bout de la route, la force de répartir.
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