vendredi 30 août 2024

variation

VARIATION

Je suis de hasard
égaré dans un univers clos
que plus personne ne parcourt
 
Je suis d’hier encore
évadé depuis si longtemps
aucun guide au bout des pieds
 
Je suis devenir incertain
fugace brouillard du matin
qu’effiloche la  brise
 
Je suis de peu de mots
par la peur étouffés
au milieu d’une casuelle fragilité

   
                                   
 
Je le suis… ce hasard
qui mène ailleurs
là où je n’étais plus
 
Je les suis…  ces fades hiers
confinés nulle part
là où le temps s’émousse
 
Je les suis … ces incertains
ces vagues jours indécis
comme nuits sans lune
 
Je les suis … ces mots oubliés
les prend par la main
les porte vers les égarements
 
 
Ne fait-on que suivre
        ce qui nous échappe
                                        un suivant nous accompagne






mardi 27 août 2024

Si Nathan avait su (5)



Je croyais Nathan davantage habile à l’écrit qu’au parlé. Lors de cette rencontre, celle qui l’a mené au groupe de soutien, vraiment, il s’en est donné à coeur joie. Il y a dans cet extrait trois choses intéressantes : la continuité, la parole et l’écoute. Les deux amoureux se sont laissés, conservant toutefois en tête les notes d’une musique et un « la vie continue ». Nous saurons plus loin dans ce récit comment Isabelle vit l’événement, mais ayant plus de données sur Nathan dont la réaction première fut de retourner chez lui, dans son grenier de la maison familiale, puis à la suite d’une rencontre fortuite, une dame âgée lui a remis une adresse à laquelle se réunit régulièrement un groupe de soutien, je me centrerai sur celui que j’imagine se présentant la première fois et les suivantes, penaud, cherchant à disparaître dans le décor. Il aura écouté, d’abord ; voir les limites à ne pas franchir pour demeurer dans le respect inconditionnel de ceux et celles qui offrent leur âme dans toute impunité. C’est évident que la vie continue, mon cher Nathan. Peut-elle toutefois continuer dans d’autres directions ? Je me souviens avoir lu dans ton premier cahier ces quelques phrases. « Fini l’école primaire. Fini le temps du prof qui nous appelle «les amis ». J’entre au secondaire. Première année. Est-ce que ce sera le même bus ? Je suis le dernier à monter dedans. Notre maison est si loin du village. Certains disent qu’on est des sauvages. Ne me suis pas intéressé au choix d’école des autres. Je n’ai pas d’amis. N’en veux pas. N’en aurai pas. Pas important pour moi. Il y a Isabelle. J'étais dans la même classe qu’elle. Au secondaire, je sais pas. J’aimerais. On verra. Les vacances s’achèvent. Mon frère Benjamin sera en cinquième. Dernière année. Puis ce sera le CEGEP. On ne se parle pas beaucoup lui et moi. Il me trouve trop «bébé». Lui, c’est le chouchou de mes parents. Depuis toujours. Ça ne me fait rien. Je sais qu’il aime lire. Mon père trouve ça bizarre. Il aimerait mieux le voir s’intéresser aux travaux de la ferme. Benjamin, la ferme ça lui dit rien. Il veut voyager. Il parle de partir pour l’Europe. Peut-être avant d’entrer au CEGEP. Ma mère l’encourage. Mon père dit que ce sont des idées de fou. Benjamin n’est pas fou. Il lit. Tellement plus que moi. À l’école on a mis un mot rare à côté de mon nom : dislexique. Ça veut dire que je ne comprends rien à ce que je lis. Isabelle m’encourage. Mais je n’aime pas lire. J’aime mieux être tout seul dans mon grenier. Écouter de la musique électronique. Ça sonne comme je voudrais être. La prof du primaire a dit : le secondaire c’est continuer le primaire. Mais en plus difficile. Je verrai quand j’y serai. C’est loin l’école secondaire. En plus il y a beaucoup de monde. On aura plusieurs professeurs. Des nouvelles matières. J’ai toujours été le dernier de classe. Non, le gros Sirois et moi on se disputait la queue du peloton. Je gagnais plus souvent que lui. Les maîtresses disaient que je ne ressemble pas à mon frère Benjamin. Lui il était toujours premier de classe. Des étoiles dans son cahier, il y en avait des tas. Moi, pas du tout. Faudra travailler a dit ma mère. Le secondaire c’est pas le primaire. Faudra te forcer. Je sais que je forcerai pas. Je déteste l’école. J’aime que mon grenier. Mon père a défriché notre terrain en forme d’arc. La maison est comme dans un fer à cheval. Ouverte en avant. Entourée d’arbres sur les autres côtés. Moi, je suis en haut. Du côté nord. Dans les fenêtres sans rideaux, des arbres. Les fenêtres sont larges. Comme je les voulais. C’est pas pareil selon les saisons. C’est tout le temps à mon goût. Personne ne monte dans mon grenier. Benjamin dit que je vis sous les combles. Il a des mots que je ne comprends pas. Surtout qu’il les explique pas quand  il les dit. Moi je suis bien. Jamais personne ne vient ici. Aucun ami parce que je n’ai pas d’amis. Je n’en veux pas. Isabelle, peut-être. On verra.» Au moment où Nathan écrit ces mots, la première véritable continuité pour lui, à part la vie, est la poursuite de son cursus scolaire. Ça ne sera pas facile. Les échecs s’accumuleront en raison surtout du fait que jamais il n’ouvre un livre et que les avertissements pour devoir non remis s’accumulent. Ça lui passe par-dessus la tête. Ses parents, habitués à cette situation, ont comme lancé la serviette. Ils ne savent plus quoi répondre aux appels répétés de la direction de l’école secondaire les avisant que leur fils se dirige tête baissée sur le mur des échecs. Ils se consolent se disant que ce ne sont pas des absences. Les enseignants notent dans son dossier, de façon régulière, « Nathan n’est pas absent, il n’est tout simplement pas là. » Le seul intérêt qui l’incite à se présenter à l’école et ça sera ainsi jusqu’à la fin du secondaire, c’est Isabelle. Ils voyagent dans le même bus et durant le trajet elle réussit tant bien que mal à lui fournir l’essentiel des connaissances qui feront partie des évaluations. Elle, c’est une «bol». Tout ce qu’elle touche se transforme en réussite. Personne ne comprend l'intérêt qu’elle manifeste pour un garçon si différent. On trouve tout de même que les deux réunis, c’est beau à voir. Ils traverseront le cours secondaire, Nathan attaché aux pattes d’Isabelle et frapperont à la porte du CEGEP. C’est à ce moment qu’ils déménagent à Montréal, qu’ils partageront le même appartement. On retrouve dans un cahier, celui qui trace le parcours de la dernière année du secondaire, une page sur le bal des finissants, une activité traditionnelle pour les étudiants qui doivent maintenant se séparer et orienter leur vie dans un autre endroit que ce village n’offrant plus rien après le diplôme DES (Diplôme d’Études Secondaires). Ce diplôme, Isabelle le reçoit avec une très haute distinction alors que Nathan devra absolument s’inscrire à des cours de mise à niveau en raison de notes insuffisantes. Il écrit : « C’est à la fin qu’on s’aperçoit que 5 ans c’est court. Isabelle a tout réussi. J’ai tout échoué. Elle a les portes ouvertes. Moi, j’ai besoin de passer dans un labyrinthe pour entrer. Nous allons au bal ensemble. À l’après-bal aussi. Certains disent que c’est là qu’on peut prendre notre première «cuite». D’autres disent notre première «cuisse». Benjamin m’énerve. Il me dit que ça commence à être le temps de perdre ma virginité. Isabelle aussi, peut-être ? On verra sur place. Nous les gars on est plus des «jaseux» que des «faiseux». J’ai quand les oreilles ouvertes. Je pourrais en apprendre d’ici le bal. En parler à Isabelle, c’est pas évident. Comme on dit, on verra. Ses parents m’aiment bien. Je ne veux pas gâcher ça. Surtout qu’on doit partir ensemble pour Montréal. Il y tellement d’affaires qui arrivent en même temps. Des fois, je sais plus quoi penser. »
Selon moi tout s’est bien passé, du moins le narrateur de ce récit ne semble pas avoir perçu quoi que ce soit qui puisse modifier un tant soit peu leur projet à court terme. Retournons au texte, alors que Nathan se retrouve dans le métro de Montréal à la suite de sa prise de parole au groupe de soutien.


                                 


Nathan, assis dans le wagon du métro de Montréal - ligne orange, direction Berri-UQAM - sursaute lorsqu’il entend :

                                        “Prochaine station, De la Concorde ”.

- Quoi retenir de cette rencontre ? D’abord, il écoute plus qu'il parle et lorsque la parole lui est refilée, on l’invite à être plus personnel, plus intime. Qu’est-ce qui bloque l’expression de ce qui, selon l’animatrice et les autres participants, se loge en lui ? Serait-il muet à l’intérieur ne s’exprimant même pas à l’aide de la langue des signes ?
 
                                       “Station De la Concorde “
                                       “Prochaine station, Cartier”
 
- Il a aimé et devrait réfléchir au commentaire de l’animatrice à la fin de son intervention : “ Nathan, tu dois entrer en toi un peu comme si tu visitais un territoire vierge et nous partager les paysages que tu découvres. ” Il ne parvient pas à capter les messages surtout s’ils cachent un sens obscur. Pour lui, ça n’existe pas des paysages intérieurs. Il ne saurait dire comment il faut les décrire si c’était réel. Quand il se réfère aux autres participants du groupe de rencontre, il trouve extraordinaire de les entendre distinguer une émotion d’un sentiment et les suivre dans l’expression de ce qu’ils ressentent. Lui, il ne peut pas faire cela. Pas encore du moins. Peut-être que ça viendra un jour. Cela lui sera-t-il utile.

                                       “Station Cartier”
                                       “Prochaine station, Sauvé”
 
- « Au fait, qu’est-ce qu’il y a en moi ? Des choses cherchent-elles à surgir ? Des voies à poindre ? Quand j’écoutais ceux qui ont pris la parole dire leurs joies et leurs douleurs, la manière employée pour le faire m’a étonné. Ils révèlent des faits, se campent à leur côté, les examinent tout en les décrivant pour ensuite interpréter ce qu’ils voient. Ça semble si facile ... mais je n'y arrive tout simplement pas. Analyser des plans d’électromécanique, comprendre le fonctionnement de l’électricité et ce qu’on peut faire avec, ça c’est simple. Il n’y a pas de paysages dans ces domaines, des inputs et des outputs seulement. On arrive automatiquement au résultat que l’on cherche à obtenir. Si je prends pour exemple l’opération de décoder notre séparation, Isabelle et moi, au-delà de la source de douleur qui ne veut pas se tarir, je ne sais pas comment entrer en moi et, comme on le dit dans le groupe de rencontre, observer les contours d’un supposé paysage intérieur. »
       
                                       “Station Sauvé”
                                       “Prochaine station, Crémazie”
 
- « Je me souviens d’un enseignant à l’école secondaire, un prof d’histoire, qui nous répétait : « lorsqu’une personne s’adresse à nous, souvent elle parle d’elle-même. » Je ne sais pas si c’est exact, mais il se passe quoi lorsque tu ne parles pas. Isabelle me le reprochait. Tous les jours. “ Tu devrais dire ce que tu éprouves lorsque nous discutons, pas seulement opiner de la tête pour signifier ton accord à ce que je dis. ” Je recevais ces paroles comme un reproche, sans réagir, craignant la décevoir ou la perdre. Finalement, les deux options se sont réalisées. Ça serait peut-être une bonne idée de revenir sur notre dernière conversation et... m’exprimer. Mais cette discussion a été pour elle comme une conclusion à nos années de vie ensemble.»
 
                                           “Station Crémazie”
                                           “Prochaine station, Jarry”
 
- « Nous avions l’habitude, non, non, j’avais l’habitude de remplir l’appartement de musique ; souvent la même. Un jour, rentré de mes cours - en fait le jour de notre dispute - Isabelle a coupé le son et se planta devant moi. Ses yeux me fixaient. Elle dit :  “Cela ne peut plus durer. Nous vivons comme des automates. Toujours la même routine. Isolés comme des ermites. Même train-train. Dévorés par des habitudes de plus en plus ennuyantes, celles d’un muet et d’une extravertie”. J’ai reçu ses paroles avec stupéfaction. Nous n’avions pas le même regard sur la situation. En fait, je n’avais jamais regardé notre quotidien avec autant d’attention qu’Isabelle le faisait, insistant sur l’idée que nous devions mieux nous connaître maintenant que notre choix de vivre ensemble s’opérait ; ce qui lui semblait un tremplin était pour moi une réalisation, un but atteint.»
 
                                                “Station, Jarry”
                                                “Prochaine station, Jean-Talon”
 
Une jeune fille se lève, se dirige vers les portes du métro. Sort. Nathan remarque qu’elle a oublié un livre sur le siège qu’elle occupait. Il étire la main pour le récupérer. Le titre : LES LIVRES TIENNENT TOUT SEULS SUR LEURS PIEDS. L’auteur : Virginia Woolf.



                  
Il le parcourt se disant que voici certainement le premier bouquin qu’il  feuilletait mis à part les volumes scolaires. Il s’attarde sur une page prise au hasard : Car le paysage d’un écrivain est un territoire à l’intérieur de son cerveau ; nous courons le risque d’être déçus si nous voulons que ces villes fantômes soient faites de brique et de mortier. Nous y faisons notre chemin sans avoir besoin de panneaux indicateurs ou de policiers et nous pouvons saluer les passants sans avoir été présentés. Aucune ville, aucun individu, ne sont plus réels que ceux que nous inventons ; chercher à leur trouver un équivalent dans la réalité leur enlève tout leur charme. De même que les morts célèbres viennent en nous s’ils le souhaitent et quand ils le souhaitent, et que leur image est plus palpable et réelle que n’importe quel corps fait de chair et de sang.” Nathan relit le passage. Referme le livre. Le rouvre, se met à mémoriser les phrases qu’il vient tout juste de lire et découvre au centre du bouquin, une enveloppe postale.

                                                          “Station Jean-Talon”
                                                          “Prochaine station, Beaubien”
 
- « Il semble bien que cette image, celle de paysages se déployant à l’intérieur de soi, me poursuit depuis la fin de ma réunion jusque dans le métro. Isabelle dirait : “ C’est un signe dont tu dois en décoder le sens. ” A-t-elle raison ? »Toutefois, ce qui attire d’abord son attention, c’est la signature de la probable détentrice du livre : Gabrielle. La curiosité le pousse à jeter un oeil sur l’enveloppe. Même prénom. Il lui est toutefois impossible de déchiffrer le nom de famille qu’une eau de pluie, une larme peut-être ou encore quelques flocons de neige auraient effacé. 

                                                             “Station Beaubien”
                                                            “Prochaine station, Rosemont”
 
- Le fait que deux prénoms s’achèvent de manière identique, “ -elle ”, le captive davantage l'éloignant de la recherche de sens qu’un signe envoyé par l’entremise de quelques phrases tirées d’un livre oublié à la station Jarry. « Suis-je tant superficiel que cela me détourne des véritables questions ? Serais-je “ brique et mortier “ davantage que fantôme ? Plus “ panneaux indicateurs et policiers ” qu’inventeur de chemins à suivre ? Incapable de créer une ville et des individus, m’en remettant à la réalité ambiante ? »

                                                            “Station Rosemont”
                                                            “Prochaine station, Laurier”
 
Nathan manipule le livre sans s’arrêter sur une page en particulier.
 
                                                           “Station Laurier”
                                                           “Prochaine station, Mont-Royal”
 
Il se demande s’il peut y avoir un lien entre l’enveloppe postale et la page dans laquelle elle repose.
 
                                                            “Station Mont-Royal”
                                                            “Prochaine station, Sherbrooke”
 
Le wagon se vide de plus en plus.
 
                                                            “Station Sherbrooke”
                                                            “Prochaine station, Berri-UQAM”

Il descendra à cette prochaine.


                             

mercredi 21 août 2024

Un peu de politique à saveur bratacienne... (Billet 7)

 

Kamala HARRIS 


Il y a plus d'un mois que LE CRAPAUD n'a pas écrit sur la politique quelle qu'elle soit : américaine, européenne, canadienne ou québécoise. C'est l'été, donc un peu plus tranquille. 

En France, nous sommes encore dans l'attente de la nomination par le Président Macron d'un premier ministre, ce qui se comprenait bien en raison de la présentation des Jeux olympiques, mais je crois qu'il se réfugiera derrière la présentation des Jeux paraolympiques qui se tiendront dans son pays du 28 août au 8 septembre pour nous faire languir un bon moment encore.

Tel n'est pas le cas aux USA, mais j'y reviens dans deux instants après un court survol de la politique canadienne et québécoise. Sauf Pierre Poilèvre qui semble s'amuser à se promener au Québec ne cessant de crier haut et fort que «libéral» et «bloc» c'est du pareil au même. Il est certainement encouragé par des sondages qui démontrent une remontée du Parti Conservateur Canadien dans la Belle Province. De son côté, Justin Trudeau ne fait que se présenter à des activités partisanes ou encore dans les lieux dévastés par les feux de forêt ou les inondations. Pas de nouvelles de monsieur Shingh, il doit sans doute tenter de colmater les brèches que son pacte avec le Parti libéral du Canada ont ouvertes à l'intérieur de son parti. Pour sa part, le chef du Bloc québécois, monsieur Blanchet, est actuellement à Chicago assistant à la convention des Démocrates.

En entrée de jeu, je signalais que le dernier billet politique du CRAPAUD remonte au 11 juillet, une éternité plus une autre éternité. À ce moment-là nous avions deux vieillards représentant leur parti politique. L'intérêt pour ce duel a chuté lorsque le débat entre ces deux personnages - le 28 juin dernier - a placé le Président Biden dans une tourmente autant médiatique qu'à l'intérieur même du Parti démocrate. On sentait là que quelque chose devait bouger et c'est arrivé effectivement le dimanche 21 juillet, moins d'un mois avant ce qui, pour les uns, relevait de l'évidence, pour d'autres, d'une surprise calculée. Personnellement, je crois que la stratégie du Parti Démocrate était fort bien calculée : se placer en situation de défaite avant de rebondir avec une énergie renouvelée. En politique, on ne laisse jamais rien au hasard si on souhaite contrôler la situation. La carte cachée du Parti Démocrate était, et cela depuis le début, Kamala Harris.

Entre temps, et ce n'est pas banal, arrive l'attentat raté contre le candidat républicain le 13 juillet à quelques jours de la convention du ce parti qui se tiendra à Milwaukee. Sans être un adepte de la conspiration, j'ai tout de même une certaine difficulté à croire à ce mélodrame qui me semble tout à fait dans les cordes d'un personnage imbu de lui-même, convaincu d'être un surhomme et qui le prouve en échappant aux tirs d'un jeune homme embusqué mais tout à fait visible, cela à quelques mètres d'une cible que n'importe quel tireur le moindrement habile à tenir une arme ne raterait pas. Et voici que cinq (5) jours plus tard... le super-héros, oreille protégée par un pansement, apparaît devant une foule galvanisée. Un film, tout simplement un scénario de film !

Tout ceci nous mène à la situation présente, en date du 21 août 2024 : 76 jours avant le vote ; les deux candidats sont maintenant connus et le 3e semble vouloir flancher, se réfugiant possiblement dans le camp républicain. Par souci d'honnêteté intellectuelle, à partir de maintenant, LE CRAPAUD ne nommera plus le candidat républicain autrement que par «candidat républicain» et la candidate du Parti Démocrate, Kamala Harris.

Hier soir (20/08/24) à Chicago où se tient la convention du Parti Démocrate, plusieurs orateurs se sont présentés au micro afin de galvaniser les troupes, mieux faire connaître la vice-présidente américaine et, principalement, insuffler l'espoir, ce qui semblait avoir délaissé le parti avant le départ de Joe Biden. Comme tout cela peut également se quatifier en termes de dollars ($) on annonce que depuis un mois leurs coffres de  campagne se sont accrus de plus de 500 millions de $. 

Hier soir, le couple Obama a véritablement lancé la campagne sous de nouveaux auspices, certains diront un copier/coller des valeurs que nous avons connues lors des 8 ans de la présidence d'Obama. Personnellement, ce qui me plaît davantage c'est ceci :



Enfin... 

Du «me, myself and I» du candidat républicain, de son sybillin «Make America great again», nous arrivons à ce que je pourrais appeler une déconstipation du débat politique, des faces de «baboune» à celles rayonnantes et pleines d'espoir.

À suivre

lundi 19 août 2024

Évangile selon Garcia Lorca

                                                         Évangile selon Garcia Lorca

« J’aime la terre. Je me sens lié à elle dans toutes mes émotions. Mes plus lointains souvenirs d’enfant ont la saveur de la terre. Les bestioles de la terre, les animaux, les gens de la campagne, inspirent, suggèrent de secrets messages qui parviennent à très peu d’entre nous. Je les capte aujourd’hui avec le même esprit que celui de mes plus jeunes années.Sans cela, je n’aurais jamais pu écrire Noces de sang. »

   

 

Un flamenco                                                                         Un flamenco                                           Un flamenco

poignard à la main                                                    poignard à la main                                 poignard à la main

coeur d’argent                                                                  coeur d’argent                                        coeur d’argent

guitare andalouse                                                      guitare andalouse                                  guitare andalouse

 rues de Grenade                                                         rues de Grenade                                    rues de Grenade

en Espagne torride                                                  en Espagne torride                                en Espagne torride

un 19 août 1936                                                           un 19 août 1936                                    un 19 août 1936

était-ce le 18 ?                                                                était-ce le 18 ?                                        était-ce le 18 ?

les phalangistes,                                                           les phalangistes                                      les phalangistes

 escadrons de la mort                                         escadrons de la mort                            escadrons de la mort

 firent noces de sang                                     firent des noces de sang                      firent des noces de sang

 

« On le vit avançant entouré de fusils, / par une longue rue, / arriver dans cette froide campagne, / encore étoilée du petit matin./ Ils ont tué Federico / quand pointait la lumière. / Le peloton de ses bourreaux n’osa pas le regarder en face. / Tous fermèrent les yeux ; / ils prièrent : même Dieu n’y peut rien ! Mort est tombé Federico : – sang sur le front et plomb dans les entrailles – /… C’est à Grenade qu’eut lieu le crime, / sachez-le – pauvre Grenade ! -, dans sa Grenade » …
Antonio Machado

 

 


Ferrat connaît le chemin
Dali l’a dessiné
Manuel de Falla, mis en musique
Luis Bunuël, scénarisé 
Neruda, vociféré
Pedro Salinas, l’exilé
marionnettes de la Barraca 
romances et berceuses gitanes dans la casa de Bernarda Alba
le romancero gitano
récité sur le chemin de Viznar
la guardia civil, bandeau à la main, encensait la guerra espagnôla
deux balles de fusil
au milieu du front
Federico tomba.
Mort le Prince gitan.

                                          

« Dans tous les pays, la mort est une fin. Quand elle arrive, on tire les rideaux. Mais pas en Espagne. » 
Garcia Lorca
 
 
Marcelle Auclair, amie et biographe de Lorca, « les Anciens n'auraient pas tant cherché son corps de mort : ils eussent imaginé le poète emporté par deux aigles de neige et donné son nom à une étoile »

« Gacela » de la mort obscure
 
Je veux dormir le sommeil des pommes,
Et m’éloigner du tumulte des cimetières.
Je veux dormir le sommeil de cet enfant
Qui voulait s’arracher le cœur en pleine mer.
 
Je ne veux pas que l’on me répète que les morts ne perdent pas leur sang ;
Que la bouche pourrie demande encor de l’eau.
Je ne veux rien savoir des martyres que donne l’herbe,
Ni de la lune avec sa bouche de serpent
Qui travaille avant que l’aube naisse.
 
Je veux dormir un instant,
Un instant, une minute, un siècle ;
Mais que tous sachent bien que je ne suis pas mort ;
Qu’il y a sur mes lèvres une étable d’or ;
Que je suis le petit ami du vent d’ouest ;
Que je suis l’ombre immense de mes larmes.
 
Couvre-moi d’un voile dans l’aurore,
Car elle me lancera des poignées de fourmis,
Et mouille d’une eau dure mes souliers
Afin que glisse la pince de son scorpion.
 
Car je veux dormir le sommeil des pommes
Pour apprendre un sanglot qui de la terre me nettoie ;
Car je veux vivre avec cet enfant obscur
Qui voulait s’arracher le cœur en pleine mer.

                                                                 

 Tiré des SONNETS DE L’AMOUR OBSCUR
 
Je veux pleurer ma peine et te le dire
pour que tu m’aimes et pour que tu pleures
par un long crépuscule de rossignols
où poignard et baisers pour toi délirent.
 
Je veux tuer le seul témoin, l’unique
qui a pu voir assassiner mes fleurs,
et transformer ma plainte et mes sueurs
en éternel monceau de durs épis.
 
Fais que jamais ne s’achève la tresse
Du je t’aime tu m’aimes toujours ardente
de jours, de cris, de sel, de lune ancienne,
 
Car tes refus rendus à mes silences
Se perdront tous dans la mort qui ne laisse
Pas même une ombre à la chair frémissante.

                                                                               

 Poème de la soleá

 

Vêtus de manteaux noirs
pense que le monde est petit
et le coeur est immense.
Vêtus de manteaux noirs.
Pense que le tendre soupir
et le cri, ils disparaissent
dans le courant du vent.
Vêtus de manteaux noirs.
Le balcon est resté ouvert
et l'aube sur le balcon
tout le ciel est sorti.
Ay yayayayay,
que vêtus de manteaux noirs !

 


              Et tu seras debout
                 sur le balcon ouvert
                     entre soleil et poussière
                         un poignard à la main
                             dans l’autre une guitare
                                 murmurant
                                     de vieilles chansons andalouses
                                         que nous écouterons

 

                                  


Citations de Federico Garcia Lorca

« Rien n’est plus vivant qu’un souvenir. »


« On revient de sa jeunesse comme d’un pays étranger. Le poème, le livre est la relation du voyage. »


« Dans ce monde, moi je suis et serai toujours du côté des pauvres. Je serai toujours du côté de ceux qui n’ont rien et à qui on refuse jusqu’à la tranquillité de ce rien. »

 

 

Take this waltz - Leonard Cohen

La chanson est une adaptation d’un poème de Lorca, La petite valse viennoise.




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