mercredi 25 février 2009

Saut: 265

André Langevin



Quelques entrefilets, ici et là, aussi courts qu’un fait divers. Trois mots. À peine. Signalant le décès de l’écrivain québécois André Langevin. LE DEVOIR sera plus prolixe.

Nous avons la mémoire courte. On ne parle plus de Langevin depuis longtemps. Encore un peu d’Hubert Aquin (un ami à qui Langevin rendit hommage en écrivant une lettre émouvante lors du décès de l’auteur de l’ANTIPHONAIRE) mais, à peine... trop peu.

André Langevin vient de mourir. D'accord, passons maintenant à autre chose. Voilà peut-être notre nouvelle mémoire : PASSONS À AUTRE CHOSE…

Le crapaud vous présente quelques notes sur cet auteur important qui se situe, assurément, parmi les innovateurs de la modernité dans le roman québécois.

André Langevin, né le 11 juillet 1927 à Montréal, vient de mourir, à Cowansville, le 21 février 2009.

Journaliste, il a travaillé pour plusieurs quotidiens dont LE DEVOIR où il assuma la responsabilité des pages littéraires entre les années 1945 et 1948. Par la suite, il se retrouvera à la Société Radio-Canada (principalement à la radio) et cela jusqu’en 1985 à titre de rédacteur d’information.

C’est en 1951, qu’André Langevin publie son premier roman, ÉVADÉ DE LA NUIT, qui recevra le Prix du Cercle du livre de France. En 1953, c’est POUSSIÈRE SUR LA VILLE puis LE TEMPS DES HOMMES, en 1956.

André Langevin rompt avec le roman du terroir en présentant des œuvres qui s’inspirent du courant existentialiste.

On n’entendra presque plus parler de lui pendant près de vingt ans. Nous arrive, en 1972, L’ÉLAN D’AMÉRIQUE (Grand Prix littéraire de la Ville de Montréal) puis en 1974, UNE CHAÎNE DANS LE PARC. Ses dernières œuvres.

Il recevra le Prix littéraire de La Presse, en 1975, de même que le PRIX ATHANASE-DAVID du gouvernement du Québec, en 1998.

Langevin a connu une enfance difficile; ayant perdu ses parents en bas âge il séjournera de longues années dans un orphelinat. Cela l’aura marqué, fortement même, et on note que plusieurs de ses personnages, tout comme lui, sont orphelins. Des hommes seuls qui doivent franchir les obstacles de la vie sans compter sur qui que ce soit, sur quoi que ce soit. Souvent, l’issue de leurs questions existentielles connaissent des fins tragiques.

C’est la psychologie des personnages qui intéresse Langevin et il nous la décrit par des phrases courtes mais d’une fulgurante précision.

Son œuvre est passée dans l’oubli, lui qui côtoya des contemporains tels Gabrielle Roy, Yves Thériault et surtout Hubert Aquin.

Son roman POUSSIÈRE SUR LA VIE, porté au cinéma vers la fin des années 1960, met en scène un jeune médecin nouvellement installé dans une ville minière. Il a de la difficulté à établir un lien de confiance avec la population et sent graduellement s’échapper sa nouvelle épouse. Faire face à ces défis lui est difficile voir impossible.

Voici quelques citations tirées de l’œuvre essentielle d’André Langevin.

. Le monde conserve encore assez de beauté pour en garder l'espérance.

. La haine exprime une faiblesse, que seuls haïssent ceux qui ne peuvent se libérer dans l'action.

. La liberté ne consiste pas à se soustraire aux lois naturelles et divines.

. Il faut savoir se satisfaire de l'accessoire parfois.

. L'amour : la métamorphose du papillon à rebours. Il naît papillon et meurt chenille.

. Il n'est nul besoin d'apparence pour aimer. C'est une foi qui accepte de ne pas interroger.

. On ne donne pas ses vingt ans ; on s'en sert pour goûter le plaisir et on les reprend pour effilocher le souvenir.

. L'amour ressemble assez à la lâcheté de deux ennemis que de vulgaires intérêts obligent à pactiser.

. Pour moi la liberté, c'est de pouvoir se rendre au bout de son bonheur.

. L'amour est l'expression la plus sensible de cette tentative de communication dont nous sommes tous victimes.

. Ce doit être cela la maturité, sentir ses chaînes tout à coup et les accepter parce que fermer les yeux ne les abolit pas.

. Il n'y a que deux sortes d'hommes sur la terre : ceux qui donnent et ceux qui reçoivent. Les seconds haïssent toujours les premiers.

. Seuls ceux qui sont très riches peuvent décider d'être fous.

. Tant qu'il n'y a rien d'expliqué, rien n'est définitif.

. La naissance et la mort d'un amour s'accomplissent peut-être toujours de la même façon, de même que les enfants et les vieillards se ressemblent entre eux, dans l'intervalle, il doit y avoir un jardin ou un désert; certains y hurlent, d'autres y chantent.

. Les mots qui n'ont jamais qu'un sens ordinaire, disent quand même la vérité quand ils ne vont pas bien ensemble.

. La justice, c'est une invention de ceux qui ont de la chance.

. L'amour, c'est quasiment injuste. Tu peux aimer qui te rendra malheureux et passer à côté de quelqu'un qui ferait ton bonheur. L'amour ce n'est pas une chose qu'on voit.

. L'humain déborde de résignation et possède, enfouie dans ses fibres les plus secrètes, la vocation de la douleur.

. Il faut beaucoup de simplicité pour aimer.

. La mort est le plus égoïste de nos actes.

. L'homme s'est forgé des mythes géniaux pour pouvoir croire en son esprit.

. Les couleurs sont à la vie ce qu'est le vêtement à la hiérarchie sociale.

. L'échec des autres réconforte toujours un peu.

. On ne trompe pas l'impuissance : c'est elle qui ment en tendant une main incapable de recevoir.

. La vie appelle la vie, et pour se reproduire, elle doit se dilapider.

. Ce n'est pas de mourir qu'il faut craindre, mais de vieillir.


Hommage à toi, André Langevin!


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dimanche 22 février 2009

Saut: 264

Paul Auster


Demeuraient encore quelques citations de Paul Auster auxquelles s'ajoutent, tirées de POUR QUI SONNE LE GLAS, celles d'Ernest Hemingway.

Très agréable à lire alors que défile un février qui semble plus court qu'à l'habitude... Serait-ce le peu de neige, le fait que nous ayons modifié l'heure différemment cette année de sorte que la lumière de l'aube nous rejoint plus vite ou tout simplement que le temps passe à vive allure? Retenez ce «à vive allure», j'ai l'impression qu'on le reverra bientôt.

Messieurs Auster, Hemingway, ainsi que Hoeg et Saint-Denys-Garneau, je vous cède la place.



À l’opposé, la tentation existe aussi, également forte, de regarder l’univers comme une extension de l’imaginaire.
Paul Auster

Il voudrait dire. Comme : il veut dire. De même qu’en français, «vouloir dire» c’est, littéralement : avoir la volonté de dire, mais, en fait : signifier. Il veut dire (il pense) ce qu’il souhaite exprimer. Il veut dire (il souhaite exprimer) ce qu’il pense. Il dit ce qu’il désire exprimer. Il veut dire ce qu’il dit.
Paul Auster

Jouer avec les mots comme le faisait A. dans son enfance revenait donc moins à rechercher la vérité que l’univers, tel qu’il apparaît dans le langage. Le langage n’est pas la vérité. Il est notre manière d’exister dans l’univers. Jouer avec les mots c’est simplement examiner les modes de fonctionnement de l’esprit, refléter une particule de l’univers telle que l’esprit la perçoit. De même, l’univers n’est pas seulement la somme de ce qu’il contient. Il est le réseau infiniment complexe de ces relations entre les choses. De même que les mots, les choses ne prennent un sens que les uns par rapport aux autres.
Paul Auster

La grammaire de l’existence comporte tous les aspects du langage : comparaison, métaphore, métonymie, synecdoque – de sorte que tout ce que l’on peut rencontrer dans le monde est en réalité multiple et cède à son tour la place à des multiples autres choses, cela dépend de ce dont celles-ci sont proches, ou éloignées, ou de ce qui les contient.
Paul Auster

L’écriture nous dispense de la nécessité d’exercer notre mémoire, puisque les souvenirs sont engrangés dans les mots.
Paul Auster

Errer de par le monde, c’est donc aussi errer en nous-mêmes. Ce qui revient à dire qu’aussitôt entrés dans le champ de la mémoire, nous pénétrons en nous-mêmes.
Paul Auster


Ernest Hemingway



Une fois qu’on voyait les choses comme elles apparaissaient à autrui, une fois qu’on était débarrassé de soi-même, ce soi-même dont il fallait constamment se débarrasser en guerre… En guerre où il ne pouvait y avoir de soi-même. Où l’on devait soi-même se perdre.
Ernest Hemingway

Quand il voit des mauvais signes, celui qui a peur se représente sa propre fin et il prend ses imaginations pour des pressentiments.
Ernest Hemingway

Mais vivre, c’était un champ de blé balancé par le vent au flanc d’un coteau. Vivre, c’était un faucon dans le ciel. Vivre, c’était une cruche d’eau dans la poussière du grain battu et l’envol de la balle. Vivre, c’était un cheval entre les jambes, une carabine dans les fontes, et une colline, et une vallée, et un ruisseau bordé d’arbres, et l’autre bord de la vallée avec, au loin, d’autres collines.
Ernest Hemingway

Aujourd’hui n’est qu’un jour parmi tous les jours qui seront jamais. Mais ce qui arrivera dans tous les autres jours à venir peut dépendre de ce que tu feras aujourd’hui.
Ernest Hemingway

Mais, tuer un homme, on en a la même impression que si on frappe son propre frère quand on n’est plus des enfants.
Ernest Hemingway

Il entendait la fusillade et, tout en marchant, il la sentait au creux de l’estomac comme si elle rencontrait un écho dans son propre diaphragme.
Ernest Hemingway


La parole de chaque être humain renferme la somme de son passé langagier.
Peter Hoeg



La mémoire qu’on interroge
A de lourds rideaux aux fenêtres
Pourquoi lui demander rien?
L’ombre des absents est sans voix
Et se confond maintenant avec les murs
De la chambre vide.

Où sont les ponts les chemins les portes
Les paroles ne portent pas
La voix ne porte pas

Hector de Sanit-Denys-Garneau




«un carnet d'ivoire avec des mots pâles»




B É N I – O U I – O U I (nom masculin invariable)
. personne toujours empressée à approuver les initiatives d’une autorité établie.
- (inconditionnel)



C A D U C É E(nom masculin)
. attribut de Mercure constitué par une baguette entourée de deux serpents entrelacés et surmontée de deux courtes ailes;
. emblème des professions médicales et paramédicales (avec un seul serpent).

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mercredi 18 février 2009

Saut: 263


Paul Auster et Marguerite Duras.
Le premier dans L’INVENTION DE LA SOLITUDE.
La deuxième dans ÉCRIRE.
Il et elle s’interrogent sur le geste d’écrire. C’est à une sorte de dialogue que je convie.

PA, ça sera Paul Auster alors que MD, Marguerite Duras.
Voici ce que cela donne.

(MD) Il y a une folie d’écrire qui est en soi-même, une folie d’écrire furieuse mais ce n’est pas pour cela qu’on est dans la folie. Au contraire.

(PA) Parler au futur, c’est user d’un langage à jamais en avance sur lui-même, à propos d’événements qui ne se sont pas encore produits, pour les assigner au passé, à un «déjà» éternellement retardataire; et dans cet espace entre le discours et l’acte s’ouvre une faille, et quiconque contemple un tel vide, est pris de vertige et se sent basculer dans l’abîme.

(MD) L’écriture c’est l’inconnu. Avant d’écrire on ne sait rien de ce qu’on va écrire. Et en toute lucidité.

(PA) … on ne peut pas écrire un seul mot sans l’avoir d’abord vu, et avant de trouver le chemin de la page, un mot doit d’abord avoir fait partie du corps, présence physique avec laquelle on vit de la même façon qu’on vit avec son cœur, son estomac et son cerveau. La mémoire, donc, non tant comme le passé contenu en nous, mais comme la preuve de notre vie dans le présent. Pour qu’un homme soit réellement présent au milieu de son entourage, il faut qu’il ne pense pas à lui-même mais à ce qu’il voit. Pour être là, il faut qu’il s’oublie. Et de cet oubli naît le pouvoir de la mémoire. C’est une façon de vivre son existence sans jamais rien en perdre.

(MD) C’est l’inconnu de soi, de sa tête, de son corps. Ce n’est même pas une réflexion, écrire, c’est une sorte de faculté qu’on a à côté de sa personne, parallèlement à elle-même, d’une autre personne qui apparaît et qui avance, invisible, douée de pensée, de colère, et qui quelquefois, de son propre fait, est en danger d’en perdre la vie.

(PA) La mémoire : l’espace dans lequel un événement se produit pour la seconde fois.

(MD) Si on savait quelque chose de ce qu’on va écrire, avant de le faire, avant d’écrire, on n’écrirait jamais. Ce ne serait pas la peine.

(PA) La mémoire, donc, non tant comme la résurrection d’un passé personnel, que comme une immersion dans celui des autres, c’est-à-dire l’histoire – dont nous sommes à la fois acteurs et témoins, dont nous faisons partie sans en être. Tout se trouve donc à la fois dans sa conscience, comme si chaque élément reflétait la lumière de tous les autres en même temps qu’il émet son propre rayonnement unique et intarissable.

(MD) Écrire c’est tenter de savoir ce qu’on écrirait si on écrivait – on ne le sait qu’après – avant, c’est la question la plus dangereuse que l’on puisse se poser. Mais c’est la plus courante aussi.

(PA) Oui, il est possible que nous ne grandissions pas, que même en vieillissant nous restions les enfants que nous avons été. Nous nous souvenons de nous-mêmes tels que nous étions alors, et ne nous sentons pas différents. C’est nous qui nous sommes faits tels que nous sommes aujourd’hui et, en dépit des années, nous demeurons ce que nous étions. À nos propres yeux, nous ne changeons pas. Le temps nous fait vieillir, mais nous ne changeons pas.

(MD) L’écrit, ça arrive comme le vent, c’est nu, c’est de l’encre, c’est l’écrit, et ça passe comme rien d’autre ne passe dans la vie, rien de plus, sauf elle, la vie.

(PA) Dans une œuvre de fiction, on admet l’existence, derrière les mots sur la page, d’une intelligence consciente. Rien de pareil en présence des événements du monde prétendu réel. Dans une histoire inventée, tout est chargé de signification, tandis que l’histoire des faits n’a que celle des faits eux-mêmes.



Si Marguerite Duras et Paul Auster ont réfléchi et écrit sur le geste d’écrire, il serait intéressant de voir le point de vue du lecteur. Qui de mieux placé que Daniel Pennac pour nous en proposer un.

(DP) L’homme construit des maisons parce qu’il est vivant mais il écrit parce qu’il se sait mortel. Il habite en bande parce qu’il est grégaire, mais il lit parce qu’il se sait seul. Cette lecture lui est une compagnie qui ne prend la place d’aucune autre, mais qu’aucune autre compagnie ne saurait remplacer. Elle ne lui offre aucune explication définitive sur son destin mais tisse un réseau serré de connivences entre la vie et lui. Infimes et secrètes connivences qui disent le paradoxal bonheur de vivre alors même qu’elles éclairent l’absurdité tragique de la vie. En sorte que nos raisons de lire sont aussi étranges que nos raisons de vivre. Et nul n’est mandaté pour nous réclamer des comptes sur cette intimité-là.




«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»

A D A M A N T I N (adjectif)
. qui a la dureté, l’éclat du diamant
. constituant l’émail des dents


B A S A L T E (nom masculin)
. roche éruptive dont la pâte compacte et noire est formée de microlithes avec de grands cristaux de feldspath d’olivine.
- coulée de basalte : lave


C A I L L O U T I S (nom masculin)
. revêtement ou ouvrage de petits cailloux concassés et agglomérés
. (géol.) cailloutis glaciaire : cailloux, graviers et sables charriés par un glacier.


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samedi 14 février 2009

Saut: 262


Samedi matin, 14 février, Saint-Valentin, planète Terre…

Retour de Québec. Chorale tout à fait réussie. Avons, Gérard-de-Puy-Landry et Jean-Luc-l’ami-rose…. chaleureusement renoué avec cette tradition de la chorale qui franchit le XXième siècle pour solidement s’installer dans ce XXIième, sur la planète Terre, en terre québécoise, sur cette ligne droite reliant Québec à Montréal en passant par Saint-Hyacinthe.

De ces amitiés– elles se font rares - d’au-delà de trente ans, de celles qui transcendent l’espace et le temps, et avec quel panache!, lorsqu’elles sont soudées à une aussi merveilleuse coutume, bien boire/bien manger/bien discuter, méritent d’être soignées aux petits oignons, aux plus délicieuses liqueurs et aux plus beaux discours.

Le chorale, pour nous trois, c’est la façon de nous dire qu’au-delà du temps, au-delà des petits ennuis du train-train quotidien de la vie, qu’au-delà des distances, il y a et il y aura toujours notre si indispensable amitié. Essentielle amitié.

Gérard et Jean-Luc, en ce matin de Saint-Valentin, je vous remercie d’être si chers à mes yeux et à mon chœur… pardon, mon cœur.

Voici, puisé à la cave du thème ombre et lumière, ce poème, le dernier parmi les premiers de l’année.



en appel à la lumière


en appel à la lumière
à cette clarté
du fond des âmes rêveuses
là où s’éclaircit la noirceur

en appel à la lumière
à ces âmes boiteuses
qui pilonnent des icebergs de courage
au centre des lumières boréales

en appel à la lumière
sans réponse ni écho
comme ces chevaux dans la nuit
mutilant de leurs sabots
d’imprévisibles étincelles de lune

puis… au matin… repartis…
hennissant à l’aube d’une lumière hésitante
les chevaux martelèrent une marche invisible
aux couleurs du matin… aux couleurs du jour

en appel à la lumière
à cette formidable puissance
qui déposent des rectilignes irisées
sur le chemin des célestes chevaux essoufflés
éclaboussant l’air de grands traits jaunes

en appel à la lumière
les âmes rêveuses, les âmes boiteuses
enveloppées d’une fluorescence diaprée
s’égarèrent dans les pas des chevaux sur la neige


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samedi 7 février 2009

Saut: 261

Mario Cyr

À l’occasion de la sortie du roman REVENIR À TOI, publié aux éditions Les Intouchables, le dixième de mon ami Mario Cyr, je vous offre, dans ce saut, quelques citations que j’ai conservées suite à mes lectures de son œuvre qui a débuté en 2000.

Deux mots sur REVENIR À TOI.

Mario, et cela se remarque depuis le roman VIEILLIR, travaille beaucoup le style. Le résultat est intéressant : dynamique, il manie l’ellipse avec un doigté tout à fait personnel.

Dans ce dernier opuscule, les retrouvailles d’anciennes amours (deux hommes; un homme et une femme; deux femmes) deviennent l’occasion d’une rétrospective, d'une introspection, d'une échappée de ces mots impossibles à prononcer jadis mais qu'aujourd'hui, ils se permettent de dire. Un face-à-face qui aurait pu être déchirant, mais l'auteur ne le voit pas ainsi. Il lui aurait été possible, facile même de tomber dans la nostalgie mais une certaine pudeur, une retenue respectueuse lui fait plutôt diriger le regard des personnages vers le sens profond de ces amours, ce qui leur en reste mais surtout, je dirais, sur les essentiels souvenirs bourrés d’émotions et de sentiments, ceux qui leur auront permis de devenir ce qu'ils sont...

Bravo, mon cher Mario.

Les voici ces quelques passages tirés des romans de Mario Cyr.


. L’absence, c’est comme la vérité : une fois qu’on en a souffert, ça ne s’efface plus. Et l’absence comme la vérité ouvrent d’infranchissables gouffres entre ceux qu’elles isolent. (Vieillir)

. Pour qu’il existe, le bonheur, il faut qu’il y ait une frontière, un obstacle entre lui et vous. Il ne peut être désiré, convoité que de l’extérieur. (Vieillir)

. Ce qui explique que nos âmes pourrissent, c’est notre paresse à satisfaire leurs besoins, qui sont nos rêves. (Vieillir)

. On peut vivre avec un fantôme en tête, mais on ne peut jamais pleurer dans ses bras. (Vieillir)

. Mais le présent, le futur ont-ils vraiment une réalité dans ce système d’où vient notre âme et où elle retournera? Ces notions sont-elles ignorées? Le temps n’est peut-être qu’un incident, un éternuement de l’éternité, un frisson. (Vieillir)

. Il n’y a plus que les mots, la terreur des mots. Et je ne leur oppose aucune résistance. Éclats de charbon qu’on pellette dans la gueule brûlante d’une chaudière, ils nourrissent ma vieille, ma très ancienne soif inavouée et secrète : devenir complément d’objet indirect. Devenir celle à qui l’on donne et ne plus être celle qu’on donne.
(Et les mouettes tournoient obstinément au-dessus de nos corps)

. On ne peut pas tout recevoir d’un seul être. On ne peut pas tout en attendre. (L’éternité serait-elle un long rêve cochon?)

. C’est quand on veut vous en priver que vous apparaît tout le sens de la dignité. (Journal intime d’Éric, séropositif)

. Il n’y a peut-être pas beaucoup d’espoir dans cette maladie. Mais il y a de l’espoir dans la façon d’être malade. (Journal intime d’Éric, séropositif)

. Solitude, liberté : deux versants de la même montagne. (Ce n’est qu’avec toi que je peux être seul)

. Ceux qui entrent dans votre vie comme on entre dans un moulin, le font parce qu’ils y trouvent du réconfort. Ils pensent pas nécessairement à s’intéresser à vous. (Ce n’est qu’avec toi que je peux être seul)

. On ne choisit pas les images qui nous envahissent la tête. Pendant que ma mère prie à mon chevet, pendant qu’elle s’entête à cogner à la porte d’un paradis sourd, je me rends compte soudain que, durant toute ma vie, j’ai regardé dans la cage de verre du monde, sans jamais rien en retirer, sans rien faire d’autre que de frôler la réalité du bout d’une pince chromée commandée de l’extérieur. Il y a toujours eu une paroi de verre entre la vie et moi. (Hacker)

. On fait tellement de choses pour tuer le temps. Pourquoi ne meurt-il jamais? (Revenir à toi)

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mardi 3 février 2009

Saut: 260



La surprise à laquelle je faisais référence dans le dernier saut, en lien avec le thème ombre/lumière qu’abordait le poème ombre et lumière d’âme, eh! bien la voici : peu mais alors là très très peu de citations. Qu’est-ce que cela signifie? Sans doute que mes lectures de jadis et de maintenant n’ont que fort peu tourné autour de ce thème ou encore qu’il ne s’est jamais tout à fait présenté à mon esprit.

Mais il y a ces Monique Proulx, Jean Rouaud et Saint-Denys-Garneau… Et cette formidable allégorie de Platon qui nous sera racontée par Jostein Gaarder. Les voici.


. Je reste une ombre légère en retrait.
Monique Proulx

. La pénombre n'a pas son pareil pour imposer avec une autorité naturelle le silence.
Jean Rouaud

. Dans le bas du ciel, cent visages
Impossibles à voir
La lumière interrompue d'ici là
Un grand couteau d'ombre
Passe au milieu de mes regards
Hector de Saint-Denys-Garneau


. Imagine des hommes qui habitent une caverne. Ils sont assis le dos tourné à la lumière et sont pieds et poings liés, de sorte qu’ils sont condamnés à ne voir que le mur devant eux. Dans leur dos se dresse un autre mur derrière lequel marchent des hommes brandissant diverses formes au-dessus du mur. Parce qu’il y a un feu derrière ces figures, celles-ci jettent des ombres vacillantes contre le mur au fond de la caverne. La seule chose que les habitants de cette caverne puissent voir est par conséquent ce «théâtre d’ombres». Ils n’ont pas bougé depuis qu’ils sont nés et pensent naturellement que ces ombres sont la seule réalité au monde.
Imagine maintenant que l’un des habitants de la caverne parvienne enfin à se libérer. Il se demande d’abord d’où proviennent ces ombres projetées sur le mur de la caverne. Que va-t-il selon toi se passer quand il va découvrir les formes qui dépassent du mur? Il sera dans un premier temps ébloui par les formes, puisqu’il n’a vu jamais que leurs ombres. À supposer qu’il réussisse à escalader le mur et à franchir le feu pour se retrouver à l’air libre, il serait alors encore davantage ébloui. Mais, après s’être frotté les yeux, il serait frappé par la beauté de tout ce qui l’entoure. Il distinguerait pour la première fois des couleurs et des contours bien précis. Il verrait en vrai les animaux et les fleurs dont les ombres dans la caverne n’étaient que de pâles copies. Il se demanderait d’où viennent tous les animaux et toutes les fleurs. Alors, en voyant le soleil, il comprendrait que c’est lui qui permet la vie des fleurs et des animaux sur terre, de même que le feu dans la caverne permettait d’apercevoir des ombres.
Maintenant l’heureux habitant de la caverne pourrait s’élancer dans la nature et profiter de sa liberté reconquise. Mais il pense à tous ceux qui sont restés là-bas. C’est pourquoi il veut y retourner et, dès qu’il est redescendu, il essaie de convaincre les autres habitants de la caverne que les ombres sur le mur ne sont que le pâle reflet vacillant de choses bien réelles. Mais personne ne le croit. Ils montrent le mur du doigt et maintiennent que la seule réalité est ce qu’ils voient. Et ils finissent par le tuer.


Ce que Platon illustre avec l’Allégorie de la caverne est le chemin du philosophe qui va des représentations incertaines aux vraies idées qui se cachent derrière les phénomènes naturels. Il pense sans aucun doute à Socrate que les «habitants de la caverne» mirent à mort parce qu’il dérangeait leurs représentations habituelles et leur montrait le chemin d’une vraie vision intérieure. L’Allégorie de la caverne devient une métaphore du courage du philosophe et de sa responsabilité vis-à-vis des autres hommes sur le plan pédagogique.
Platon veut démontrer que le contraste entre l’obscurité de la caverne et la nature à l’extérieur est le même qui existe entre le monde sensible et le monde des idées. Cela ne veut pas dire que la nature est sombre et triste, mais qu’elle l’est, comparée à la clarté du monde des idées. L’image d’une belle jeune fille n’est pas non plus sombre et triste, bien au contraire. Mais ce n’est qu’une image.
Jostein Gaarder


«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»

B A R B A C A N E (nom féminin)
. au Moyen-Âge, ouvrage avancé, percé de meurtrières. – Meurtrière pratiquée dans le mur d’une forteresse pour tirer à couvert;
. ouverture verticale et étroite dans le mur d’une terrasse pour l’écoulement des eaux.


C A C O G R A P H I E (nom féminin)
. état d’un écrit très fautif (graphies, syntaxe, vocabulaire, style)

- charabia

C'est un 3 février, celui de 1997, que meurt l'écrivain tchèque Bohumil HRABAL, auteur de l'extraordinaire livre UNE TROP BRUYANTE SOLITUDE.

Au prochain saut

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...