jeudi 15 septembre 2005

Le neuvième saut de crapaud



L'environnement. Dans le sens d'ambiance. Je vous présente, ce matin, l'espace que j'occupe dans ce Montréal si grand et à la fois si difficile à cerner. Il faut pour apprécier cette île-ville posée sur le béton y trouver sa niche, sa place, son petit voilà-où-je-suis à cultiver, améliorer, protéger. Un peu comme un grand débat écologique.
Mon environnement, cet écrin de fleurs et d'oiseaux, l'arrière de mon appartement, ce jardin, c'est l'endroit du café le matin, de la lecture du journal LE DEVOIR, le lieu où viennent manger les oiseaux, ceux qui piaillent vers 7 heures parce que les croûtes de pain ne sont encore tombées dans la ruelle. Du bonjour de mon voisin promenant son chien, toujours à la même heure. Des trois vieilles dames, triplettes marcheuses, qui appellent mon persil les brocolis, ma vigne, la porteuse de raisins. Des écureuils que je chasse à coups de verre d'eau afin qu'ils ne dévorent tout sans rien laisser à mes habitués que sont les moineaux gris et les étourneaux qui ont découvert que le raisin est mûr. C'est drôle de les voir s'élancer dans la vigne, une patte sur la grande feuille et le bec à coups secs arracher le fruit qui leur était défendu, il y a à peine un mois. Des enfants en route pour l'école, sac en bandoulière, encore sous le choc des vacances achevées. Du bon vieux monsieur qui parle tout seul, la tête baissée, évitant les miettes et qui repassera dans une heure, toujours s'autoparlant. Du grand salut de mon propriétaire émerveillé par le temps inconduit à ce retraité qui flâne, assis sur sa chaise noire, les yeux cherchant le soleil au travers les fleurs. Et du silence. De cet incroyable silence emplissant les premières heures du jour. Il me quittera pour revenir tard ce soir à l'heure où mon jardin se colore différemment.
Le soleil. Il s'amuse dans mon jardinet comme un enfant affairé à bien replâtrer le monde. Au réveil, tout le travail qu'il doit aligner afin de traverser les énormes feuilles de la vigne. S'y glissant, il laisse partout d'inégales taches dorées. Les fleurs aiment. Sa qualité première est bien de modifier les couleurs, les rendre, à 7 heures le matin, tellement pures et réelles à espérer que jamais elles ne s'estompent. Ce sont des couleurs de lumière, avec des noms d'atmosphère. La lumière n'a-t-elle pas pour rôle de qualifier ce qu'elle touche? Et comme les yeux humains ne perçoivent pas tous de la même manière, il serait prétentieux de nommer ces couleurs qui s'attardent sur tout. Plus tard, elles auront un autre nom. Répondront d'une autre ambiance. Ce coquin de soleil, -on se plaît à dire qu'il tourne, c'est tout droit tiré de notre prétention à se situer au centre de tout- en avant-midi, le voilà qu'il est en pleine force, en toute totalité, presque frileux dans sa chaleur. C'est le temps de déplacer la chaise pour éviter un face à face perdu à l'avance. Je le sens là pour le laurier. Pour le géranium aussi. Tous les deux s'en nourissent. Leurs fleurs en sont un témoignage vivant. Blanc pour l'un, framboise pour l'autre. Cette année, j'ai planté du persil, de la ciboulette et du basilic afin de trancher les verts. Ils adorent se laisser chatouiller, le temps d'un avant-midi, avant de s'engouffrer dans un recul stratégique.
L'après-midi s'étire loin. Selon les jours, et cet été ils furent plus de soleil que d'eau, mon environnement se réchauffe, recherche le vent, aspire à l'immobilité comme s'il voulait d'une sieste à n'en plus finir. Lorsque le chien et le loup se disputent l'espace, j'ai cette impression très nette de me retrouver ailleurs. De retour du désert. Et c'est le règne du vent, léger et chargé des odeurs de la ville. Elles sont inégales mais combien fortes. Comme plusieurs portes de cuisine s'ouvrent sur le soir, les fumets flottent, s'étirent entre des bouffées de tabac et le diésel des automobiles. Un mélange aigre et doux. S'y mêlent les voix de voisins, le jappement du chien qu'on vient tout juste de laisser sortir et qui hurle aux passants derrière sa clôture de bois. Les entrechoquements des bouteilles que le livreur de bière livre. Les bruits des moteurs des avions en partance vers ou de retour de. Le clignement particulier des cordes à linge. La montée régulière du son des pneus des vélos partis du fond de la ruelle et explose devant moi, tout imprégné par cette douceur de l'air, indéfinissable.
L'environnement. Dans le sens de climat. Il me faudra en reparler un jour de pluie car là tout se transforme pour devenir absolument autre lieu. Je serai toujours émerveillé par cette magie du lieu s'habillant différemment selon les aléas de la nature, même si la nature urbaine peut d'aucune manière se comparer à celle où les fleurs sont sauvages, les lauriers ne poussent pas, les géraniums n'existent pas et que le vent en selle sur le soleil court après la lumière.

1 commentaire:

Anonyme a dit...

Ce que vous devez aimer les cathédrales de Monet vous Monsieur. Je me trompe?
RC

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...