Le quinzième otium date de plusieurs semaines. Il aura suffi de vacances à Maria (Gaspésie) et d'un défi, celui lancé par notre amie commune, Marielle, pour que surgisse - et le voici - cet otium.
La vieille maison au bout du chemin
Hospitalière cette vieille maison au bout de chemin de campagne
Isolée du bruit routier, elle offre la paix du silence paysan
On y accède par un sentier bordé de cerfs gracieux mais vigilants
On la nomme ancestrale, elle le mérite bien étant donné son grand âge
Mais l’ancêtre, ne serait-ce pas cette épinette centenaire
Qui la pare si bien, appuyée sur cette clôture à cinq lices
Offrant ainsi au citadin de passage un panorama bucolique
Avec un air d’antan
Et comme pour ajouter à l’enchantement du lieu,
Une petite rivière, la Martien nord aux eaux limpides
Coulant discrètement dans l’arrière-cours, offre à l’occupant
Son chant alangui se mariant au doux gazouillis des merles et des pies
Vraiment à la maison ancestrale du père Audet
Tout n’est qu’ordre et beauté, luxe calme et volupté
Texte : Pierre Turcotte
Photos : Laurent Turcotte
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Il était une fois…
…une épinette rustique qui avait pris racine dans un vaste champ non encore défriché, à proximité de la mer et d’une chaîne montagneuse.
Dans les balbutiements de son existence, l’arbrisseau jouait du coude avec ses congénères. Il étirait le cou pour voir plus loin, par-delà leurs têtes. Il était convaincu qu’il y avait beaucoup à admirer dans les alentours. Déjà, sa cime se sentait appelée par l’insondable profondeur bleue du ciel, mais les horizons lui échappaient, trop cordé qu’il se trouvait encore, parmi les êtres à épines qui l’encerclaient.
Puis un jour, survint un couple, abondamment équipé pour prendre possession de la terre en vue d’y fonder famille. L’épinette se souvient d’une époque de grand remue-ménage : rugissements des scies à chaîne, grondements des moteurs de tracteurs, stridence des cris d’humains. De son sommet, l’épinette apercevait des têtes et des têtes de conifères tomber et elle frémissait de crainte, en sentant l’étau du ravage se resserrer auprès d’elle.
Mais miraculeusement, grâce à son impressionnante génétique, les humains la remarquèrent et lui accordèrent grâce. L’espace libéré du corset que lui imposait ses acolytes, l’épinette prit rapidement des proportions enviables. Ses branches se déployèrent majestueusement. La brise et le vent s’y engouffraient allègrement et ensemble, ils apprirent à chuinter et à chanter. Elles accueillirent aussi des volées d’oiseaux qui se courtisaient en piaillant, gazouillant et vocalisant. Les maîtres du domaine, entendant l’arbre chanter et être chanté le baptisèrent l’épinette mélodieuse.
Pendant ce temps son tronc, lui, cherchait à s’élever toujours davantage. Afin d’aider la cime à mieux voir ! Mieux voir en toutes saisons, mieux voir à chaque quartier de l’horizon.
En vérité, l’épinette ne savait plus où donner de la tête. Si elle la tournait vers l’Est, elle découvrait alors la mer passer par toute la palette des bleus, des argentés et des blancs selon l’humeur et l’heure des journées; et toujours vers l’Est, elle s’émerveillait de la poussière d’or que les aubes engendraient autour de l’équinoxe. Si elle la tournait vers l’Ouest, alors elle pouvait admirer la chaîne de la montagne ciselée par des cours d’eau ruisselants, ses sommets enveloppés de chevelures de brume les jours les plus frais et par derrière, les pommelés lavande ou les braises chatoyantes dans les cieux, avant le scintillement des étoiles.
Entouré de tant de splendeurs, l’arbre n’était que joie. Un seul regret l’habitait, celui de ne pouvoir assouvir son irrépressible envie d’étreindre le tout. Car comment embrasser avec un seul membre, comment embrasser quand notre corps s’étire d’une seule venue ?
Petit à petit, une solution se dessina. En effet, les propriétaires du domaine se mirent à observer un subtil changement dans la morphologie de l’épinette qu’ils avaient sauvée et qu’ils ne cessaient de vénérer. Ils avaient l’impression que son tronc cherchait à s’élargir. Ils finirent par comprendre que celui-ci était en train de se diviser. Comme si du fondement de départ, deux bras se détachaient. C’était en effet le projet du majestueux conifère.
Il avait trouvé le moyen de trafiquer son essence afin de pouvoir enlacer de tout son être les splendeurs qu’il surplombait, depuis les merveilles du levant jusqu’aux chef-d’œuvre du couchant.
L’impériale épinette n’était plus qu’amour et fusion.
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Quatrain qui n’en est pas un...
Le tapis vert picoté de fleurs jaunes
paralyse face au bleu de la mer...
Une feuille séchée, avide d’eau,
crapahute d’épaves délavées en galets gris...
Ô mer, sous ton géant parapluie d’azur,
creux réceptacle de souvenirs colorés,
de blêmes tristesses,
guide mes pas hésitants qui déambulent
sur des chemins bronzés menant vers la route...
Jean /juin 2022
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