Otium 15
… pour laver la douleur
il n’y a que les larmes
et la poésie quand elle arrive
à toucher
la moelle de la langue
…
Tu as vu se découper devant tes yeux l’ombre de la beauté.
Toi qui ne reconnaissais que ta dette envers la douleur,
tu as soudain reconnu ta dette envers la joie.
- Louise Dupré, La main hantée
Par-delà le gouffre, la paix de l’âme par sa beauté
Et soudainement, en contrebas, le bleu du Verdon qui répond à la clarté du ciel d’azur! Nous étions en début juillet, en Provence, à un endroit si bien nommé sur la route pittoresque des Gorges du Verdon : Le point du sublime. Bien que déjà conquis par la magnificence du paysage qui se déployait devant, nous nous hâtions vers cette étape dont le nom déjà avait conquis notre âme. A cet endroit, depuis notre assise, nous nous régalions d’avoir pour un instant, le regard de l’aigle sur le monde, et plonger dans ce gouffre profond le sentiment d’être grands, et pourtant si petits.
Ô gouffre ! l'âme plonge et rapporte le doute.
…
L'œil fixe et l'esprit frémissant.
§ Victor Hugo
Cette profondeur dans l’âme, comme une perte de contact avec le sol me ramenait à cet instant où, à la suite de cet appel téléphonique, mon frère m’annonçât le décès de Patricia, mon épouse originaire de la Provence. Je m’essaie péniblement aujourd’hui de traduire ce moment ineffable, effroyable, qui me semblât alors une éternité jusqu’à ce qu’une main bienveillante m’effleurât l’épaule. Je rejaillis de ce gouffre, abasourdi, seul et pourtant si bien accompagné par cette ange qui devint ensuite ma compagne de vie. La vue qui se déployait au bas me donnait le vertige, celui qui propulse l’être dans l’humilité de notre existence, grain de sable au sein de l’infiniment grand.
Tu as vu se découper devant tes yeux l’ombre de la beauté.
Cette émotion ressentie au Point du Sublime, en plus de la ressentir avec un certain vertige, j’ai pu accueillir car amoureusement accompagné. J’étais en Provence, non loin du village où est née, et enterrée, Patricia. Ce n’était plus la douleur que j’éprouvais, mais la joie de me permettre d’avoir accès à la magnificence des lieux.
Ce moment de grâce, nous l’avons Claire et moi, bien célébré, ayant prévu d’amener avec nous une bouteille de bon vin et un fromage de chèvre de la région, celui du village de Banon. Tout était parfait : la somptuosité de l’endroit, ouvrait la voie à ce profond sentiment d’amour partagé qui caractérise maintenant notre union. La beauté de cet endroit m’était offert quelques années après cette profonde tristesse vécue à la suite du décès tragique de ma première conjointe. Ce sont ces mots de la poète qui me montent au moment d’écrire ces lignes :
Toi qui ne reconnaissais que ta dette envers la douleur,
tu as soudain reconnu ta dette envers la joie.
Me rappelant ce moment vécu voilà maintenant plus de vingt ans, et me l’évoquant par cette poésie de Louise Dupré, c’est de la reconnaissance envers la vie qui m’a été de nouveau offert après la mort de celle qui était devenue une amie. Dupré parle de joie, un sentiment tellement profond et qui vient de l’être, et que je veux traduire ici par beauté. Beauté de l’endroit et de l’expérience réunies. La beauté, dit-on, peut être durable (par exemple celle d’un tableau) ou éphémère : un instant peut être jugé beau, par exemple l’envol d’un oiseau. Au Point du Sublime, la beauté fut durable : l’émotion de vertige à la vue de ce gouffre se transforma en un sentiment de joie. La profondeur des Gorges du Verdon a donné accès à la profondeur de mon attachement à ce nouvel amour qui m’était offert. C’est alors la chanson de Ferré qui me remonte tout de suite:
Tu vins au coeur du désarroi
…
Ma vie est à partir de toi
- Pierre, février 2022
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Réflexions sur la poésie
«… pour laver la douleur
il n’y a que les larmes
et la poésie quand elle arrive
à toucher
la moelle de la langue »
…
« Tu as vu se découper devant tes yeux l’ombre de la beauté.
Toi qui ne reconnaissais que ta dette envers la douleur,
tu as soudain reconnu ta dette envers la joie. »
- Louise Dupré, La main hantée
Voici deux affirmations de la grande poète et écrivaine Louise Dupré qui m’amènent à faire le point sur mon rapport à la poésie. Je soupçonne que les deux citations m’aideront à préciser ma pensée, tout de même limitée et superficielle, sur le sujet.
À l’adolescence, il est indéniable que la poésie exerçait un puissant attrait sur moi. Je la découvrais entre les pages de mes Lagarde et Michard, ouvrages phare à l’école française que je fréquentais ; sur les rayons de la bibliothèque de mon père, où je revenais souvent à un magnifique exemplaire relié des Fleurs du mal de Baudelaire ; je m’enthousiasmais au contact des écrivains surréalistes ; je me laissais toucher en écoutant les mots de Brel, de Barbara, et en suivant la voix de Ferré dans ses interprétations de Rimbaud, Verlaine, Aragon ou de ses propres poèmes aux envolées parfois automatiques.
Puis ce fut, à l’occasion de mon entrée dans un cégep québécois, la découverte de nos poètes. J’y fréquentais nos classiques, ceux de la trempe des Alain Grandbois, des Anne Hébert et des Saint-Denys Garneau. Et me fut révélée, suscitant mon allégresse, la plume de ces poètes de l’Âge d’or de l’Hexagone : Jean-Guy Pilon, Fernand Ouellette, Paul-Marie Lapointe, Jacques Brault, Yves Préfontaine, Roland Giguère, Paul Chamberland, Gaston Miron et j’en oublie surement.
La poésie m’apportait de l’oxygène, de l’émerveillement, de la délicatesse ou de la puissance. Le jeu de la parole poétique m’enchantait : les mots sublimes et cristallins, les correspondances surprenantes, les images éblouissantes, le rythme et le ciselage des phrases, la musicalité des allitérations. Elle faisait vibrer ma corde esthétique. Parfois, elle entrait en écho avec mes humeurs plus sombres, rompant l’isolement douloureux, confirmant l’universalité du sort humain.
Puis — va savoir pourquoi — je l’ai perdue de vue ! Le travail, la rédaction publicitaire et commerciale, un glissement d’intérêt au profit de l’écriture romanesque ou des essais littéraires ?
Ce n’est donc que tout récemment, à la faveur de cours en création littéraire et d’une participation au groupe de lecture Solitude rompue animée par la poète Valérie Forgues, que j’ai renoué avec le genre.
Non sans un certain choc, cependant.
D’abord, on m’explique qu’il n’y a plus cette distinction entre les genres : la poésie d’un côté, le roman de l’autre. Il y a une panoplie, maintenant, d’écritures brèves dans lesquelles on peut classer ce qu’autrefois on désignait comme poésie.
Le genre foisonne. Aujourd’hui, il ratisse large et j’ai l’impression qu’on y trouve de tout, y compris un courant qui personnellement me heurte. Gérald Gaudet, prolifique auteur de réflexions sur la lecture et la création littéraire, fait observer : « Une longue fréquentation de la littérature (…) m’a permis de remarquer que depuis quelque temps beaucoup d’écrivains et d’écrivaines de la jeune génération exploitent la ferveur guerrière ou la fatigue trash comme vision du monde … »
Je reste vieux jeu. Je ne trouve pas que la poésie, ou ce à quoi je réfère quand j’utilise ce mot, soit le lieu de déposition d’une vision d’égoportrait déprimé, la voie de déversement d’un ego affecté ou désabusé. Il existe surement un véhicule plus approprié que « la poésie » pour hurler ce genre de cri primal autobiographique : le journal personnel exploitant des formes brèves, peut-être ? Je suis consciente de tourner les coins un peu ronds ici et je crains de manquer de justice à l’égard de ces jeunes poètes qui ont besoin de crier leur fatigue trash avec des mots trash.
Mais je ne puis m’empêcher de dire qu’en lisant de la poésie j’aspire à ressentir un sentiment d’éblouissement, d’émerveillement, de soulèvement — un supplément d’âme, en somme — plutôt que de me voir plombée dans la distillation désespérée d’une personnalité en mal d’existence. J’invoque la poésie « comme un remède contre l’abattement » (Jonathan Charrette). Personnellement, il me plait qu’on investisse la poésie pour « reconnaitre une dette envers la joie ».
Je reviens donc à Louise Dupré. Évidemment, la poésie n’a pas à toujours traiter de sujets lumineux pour provoquer ces ondes de choc intérieures qui participent de l’éblouissement. Oui, la douleur peut être un objet poétique. Mais pas en traitement primaire trash. Il convient d’opérer un travail de sublimation par le biais de la moelle des mots, comme le souligne la poète. Et la douleur ainsi transcendée par l’alchimie des mots se voit propulsée bien au-delà de la sphère psychologique. Elle est projetée dans l’univers esthétique, là où l’âme ressent le frisson. Je lisais cette citation de Baudrillard : « La langue, elle, est heureuse, même si elle désigne un monde sans illusion et sans espoir. Soit une intelligence sans espoir, mais une forme heureuse ». Ainsi, « la langue et l’écriture […] sont la résolution du malheur du sens par le bonheur de la langue ».
Sinon, se taire et rester dans les larmes.
Dans mon retour tardif à la poésie, j’ai aussi vu que, pour moi, la lecture en est ardue. Sans doute ne sais-je plus comment bien aborder la poésie, trop attentive et crispée encore dans la quête d’un sens, insuffisamment abandonnée à la lente posture d’ouverture au simple jeu des mots, des images et de la musique qui informent le sens. D’ailleurs, Louise Dupré affirme que : « La pensée ne précède pas le poème. Dans la poésie, c’est de l’exploration du langage que vient la pensée. Il s’agit d’un retournement. » J’imagine que le lecteur est convié au même retournement; une attitude à cultiver pour moi !
Par ailleurs, à l’occasion des lectures de Solitude rompue, j’ai eu du plaisir à étudier la « construction » des livres de poèmes, habituée que j’étais à ne lire qu’un texte isolément. Et là quoiqu’en dit la poète, j’y ai vu un impressionnant travail de pensée. Oui, j’ai été impressionnée et renversée par le voyage habilement élaboré dans lequel m’ont entrainée certains poètes à travers la trajectoire de leur recueil.
Conclusion ? « La beauté est le cœur de la poésie », je fais mienne cette observation de Fabrice Midal. Qu’il s’agisse de la beauté extrinsèque qui soulève et émerveille l’âme ou de la beauté immanente de l’ouvrage des mots, qui renverse et éblouit.
Finissons par Heidegger : « Penseurs et poètes : ceux qui disent parce qu’ils sont en quête de sens et ceux qui, du seul fait qu’ils disent, sont saisis par lui ».
Oui, en résumé je réclame de la poésie qu’elle soit l’expérience du saisissement !
Épilogue :
« La poésie – et ceci est bien sûr mon expérience personnelle – explose dans toute sa beauté sans qu’on la cherche; vous la sentez, avant même de l’avoir analysée. » Virginia Woolf
Claire janvier 2022
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Lorsque Nathan arrive, la salle est presque vide.
Les rencontres auxquelles il s’est joint il y a de cela un mois maintenant lui furent suggérées par une dame âgée qu’il a croisée dans un bus le menant à son village. Comme le hasard est imprévisible, elle se retrouva de nouveau assise près de lui alors qu’il revenait à Montréal. Ils n’échangèrent que quelques mots. Lorsqu’ils se laissèrent, elle lui remit un billet, en fait il s’agissait d’une adresse, celle d’un groupe de rencontre.
L’animatrice, constatant que tous les participants étaient maintenant arrivés, s’adressa à eux.
- Le thème d’aujourd’hui: douleur et joie. Ceux et celles qui souhaitent s’exprimer sont invités à lever la main. J’établirai un ordre de parole.
À sa première présence, Nathan ne s’était que nommé, souhaitant écouter et s’approprier la démarche.
- Pour le bénéfice de tout le monde, je vous demande de décliner votre nom et vous en tenir à une dizaine de minutes. Il vous sera possible de reprendre la parole si personne d’autre ne manifeste son intention de le faire. Respectons la règle qui veut qu’on n’interrompe pas la personne qui parle.
Ce soir, à sa quatrième participation, il allait faire le grand saut. Surtout que le thème l’y invitait.
.....
- Oui Rachel. Nous t’écoutons.
Cette jeune mère d’une paire de jumeaux ne pouvait retenir ses larmes lorsqu’elle parlait de ses enfants qui, selon ses propres paroles, la rendait à la fois heureuse et inquiète, oscillant entre joie et douleur.
Nathan écoutait.
- Merci Rachel, à toi Béatrice.
Toxicomane depuis trop longtemps déjà, cette femme que la vie se fait un malin plaisir à ravager le corps n’aborda que le thème de la douleur. La joie, c’était au début. Plus maintenant.
- Nous allons prendre quelques minutes pour se servir un café et nous reprendrons. Nathan, la parole sera à toi.
.....
- Je ne suis pas habitué à ce style de rencontre. Ce soir, je prends la parole car le thème m’incite à le faire. Les deux mots proposés se collent l’un à l’autre comme le plancher d’un appartement devient le plafond de celui en-dessous. Peu de distance, mais tout les sépare. Je viens de quitter ma blonde. Elle s’appelle Isabelle. Nous venons du même village. J’y étais le mois dernier. En fait, je suis retourné là-bas afin de mieux saisir ce que veut dire “ma vie continue”. Ensemble depuis notre entrée à l’école secondaire, nous nous sommes installés à Montréal afin de poursuivre nos études - elle est en infographie, moi, en électromécanique - ce qui aura été une occasion de vivre en couple, installés dans le même appartement. C’est ici que je veux d’abord parlé de la joie. Après avoir entendu Rachel et Béatrice nous raconter leur manière de voir cette émotion, je réalise qu’on ne peut pas complètement y entrer ou y participer, sans que la douleur, cet autre côté du miroir, ne soit proche ou du moins s’en approche. Mesurer la joie c’est plutôt difficile. Elle peut s’étendre d’un simple plaisir passager au bonheur continu. Je ne dis pas total car ça me semble plutôt irréaliste. Si je propose une comparaison je dirais que la joie c’est comme les intérêts que les banques te donnent sur les placements que tu déposes. C’est variable. Sujet à toute une série de conditions sur lesquelles tu n’as aucun contrôle. Tu les reçois et tu es content. Puis la vie continue... Avec Isabelle, nos cinq années passées à l’école secondaire puis celles que nous avons partagées au CEGEP, je ne trompe pas en disant qu’elles ont été joyeuses. Malgré le fait que nous soyons deux êtres passablement dissemblables - elle, c’est une explosion continue d’envies de tout, une volonté active à profiter de tout, une recherche à tout expérimenter, alors que moi c’est plus intérieur, plus dans le non-dit, la retenue - la joie d’être l’un près de l’autre, le plus souvent et le plus longtemps possible, nous habitait. Je n’ai aucun souvenir qu’un malheur nous ait atteint, surtout parce que Isabelle n’en voulait pas des malheurs. Tout le monde dans notre village voyait en nous le modèle parfait du couple idéal. On allait nous marier bien avant que nous y pensions. Je crois même qu’on servait d’exemple pour les autres jeunes qui gravitaient autour de nous et ceux qui nous suivaient. Nathan et Isabelle, c’était écrit en lettres rouges dans l’imaginaire des gens comme si ça l’était sur l’écorce d’un arbre dans la forêt qui entoure notre village, nos deux noms à l’intérieur d’un coeur taillé au canif. La question que silencieusement je me posais, avant que notre projet de s’installer à Montréal ne devienne réalité, je peux la formuler ainsi : est-ce que ça sera toujours comme c’est maintenant ? Je savais que les parents d’Isabelle ne voyaient pas d’un bon oeil l’idée de nous établir ensemble dans la grande ville. Trop jeunes. Pas d’expérience de la vie. Avaient-ils confiance en moi ou se disaient-ils ne pas suffisamment me connaître, moi, le jeune homme taciturne. Un jour, la mère d’Isabelle m’a comparé à une eau dormante, ce qui signifiait pour elle que mon caractère actuel risquait de se modifier et apporter un risque pour sa fille. Son père, plus pratique, appréciait mon choix de carrière et n’a jamais manifesté à mon égard quelque ressentiment que ce soit. Je dois dire que dans la maison d’Isabelle, l’atmosphère est la joie permanente. Pas tout à fait le même décor dans celle de mes parents. Mais je ne veux pas m’étendre sur mes histoires de famille... Pas le sujet du jour. Juste dire que j’étais toujours plus confortable chez ma blonde que chez moi. Lorsque nous sommes arrivés à Montréal, c’était la première fois que nous nous retrouvions l’un face à l’autre à temps plein si je peux utiliser cette expression. Isabelle me reprochait mes silences les interprétant comme une difficulté à ouvrir mon coeur... mon âme, disait-elle. J’encaissais ce que je percevais comme des réprimandes, me renfrognant davantage. L’impression que le climat entre nous devenait de plus en plus tiède, j’ai opté pour plus de silence encore. Nous en sommes arrivés à plus de distance entre nous, exactement l’opposé de ce qu’elle envisageait. Est-ce à ce moment-là que la douleur s’est fait un nid entre nous ? Je ne savais pas comment dire ce que j’arrivais difficilement à comprendre moi-même. Tout ce que nous avions imaginé dans nos têtes de jeunes adultes comme autant d’occasions durant lesquelles se déposerait la joie, eh bien cela ne se passait pas ainsi. La douleur, à l’opposé de la joie, ne fonctionne pas comme l’électromécanique. Ça s’installe petit pas par petit geste. Ça s’infiltre en vous par des voies diverses. Un phénomène que l’on croit comprendre mais beaucoup plus complexe, plus sournois. Moi, je la sentais s’enraciner par la diminution des joies qui exultaient d’Isabelle, par mes épisodes de plus en plus prolongés de silence, de mystère. Je devenais ce que ma blonde a nommé comme étant “celui qu’elle ne reconnaissait plus”... Moi-même, est-ce que je me connais vraiment ? Un bain qui recueille des joies, des bonheurs au risque de déborder ne peut s’imaginer qu’il puisse être vidangé en quelques instants...
Nathan fut interrompu par l’animatrice.
- Pourrais-tu être un peu plus personnel, moins informatif ? Je ne veux pas t’empêcher de parler, mais si tu souhaites que ce partage te permette de mieux comprendre la situation qui t’a poussé à prendre la parole, il serait intéressant que tu exposes davantage ce qui t’a amené à parler de douleur.
Le jeune homme, surpris par l’intervention l’invitant à mieux préciser son propos, prit un moment de réflexion, un pas de recul comme on le dit parfois dans ce type de groupe.
- Tu me pousses vers ce qui est le plus difficile pour moi... trouver les mots pour dire les sentiments, les émotions. On ne me l’a jamais appris et c’est comme si jamais j’en avais ressenti le besoin. Cette douleur que j’ai depuis le départ d’Isabelle, depuis que j’ai quitté l’appartement que nous partagions, il m’est impossible, non... je dirais plutôt... difficile à départager le subjectif de l’objectif... tout comme je n’arrive pas à m’enlever de l’esprit cette espèce de certitude que j’en suis responsable. La joie, je la partageais avec elle alors que la douleur, c’est comme si ça s’était installé en moi, m’obligeant à la gérer sans les outils nécessaires pour y arriver... Il m’arrive souvent de me mêler plus qu’il ne faut quand j’essaie de me démêler...
L’animatrice prit la parole.
- Tu as peut-être fait le premier pas ce soir en t’adressant à nous.
.....
Nathan sortit de la réunion. Il sauta dans le métro. Descendit à deux stations de l’appartement. Marcha.
- Oui... ma vie continue.
Jean, février 2022
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