vendredi 27 novembre 2020

Quelques citations en ces temps morbides !

 



Parfois, en certains moments difficiles de notre vie ou celle de la collectivité, il est recommandé de prendre “ un pas de recul “. Une fois fait, se retourner vers les auteurs, les penseurs, les philosophes peut s’avérer extrêmement intéressant pour nous aider à rejoindre notre âme, chérir notre coeur et clarifier notre cerveau.

Je vous propose ces quelques citations, souhaitant qu’elles puissent servir de baume en ces temps morbides.

 

• LES DEUX MORTS DE MA GRAND-MÈRE

( Amos Oz )

J’ai toujours été convaincu que les optimistes devaient être très malheureux, alors que les pessimistes ont une chance d’être, sinon heureux, du moins satisfaits. L’optimiste se lève tôt le matin, persuadé de trouver ses pantoufles près du lit. Elles n’y sont pas, et il est déçu. Puis il se coupe en se rasant, et cela l’irrite. Il veut préparer du café mais il n’y en a plus, ou bien l’électricité est brusquement coupée. Le pessimiste, au contraire, ne s’attend jamais à découvrir ses pantoufles près de son lit, et s’il les voit il est très content. Il veut faire du café, s’aperçoit qu’il en reste, et l’harmonie règne dans le monde.

 

• L’ÉTUDIANT ÉTRANGER

Philippe Labro )

Et je n’en étais pas conscient parce que j’étais encore trop inexpérimenté et je n’avais pas acquis la faculté de transformer un moment vécu, une observation subjective, en une généralité qui peut s’appliquer à une culture, une civilisation, des femmes et des hommes. Vous apprenez ces choses-là à mesure que vous avancez dans l’existence, quand vous avez suffisamment rencontré la mort ou la violence ou la beauté ou la crudité, ou tout cela à la fois et vous parvenez petit à petit à établir comme un éventail de comportements ou de valeurs, et à définir ce qui auparavant surgissait, spontanément, sans avertissement, et vous enregistriez sans comprendre. Le sphinx, alors, est en état de résoudre sa propre énigme et si l’histoire tout entière repose en un seul homme, tout doit pouvoir être expliqué à partir d’une expérience individuelle, une histoire comme un pays, comme les hommes de ce pays et qui ont fait cette histoire. J’avais lu ça dans Emerson et j’ai mis quelque temps à me pénétrer de ce phénomène de multiplication infinie des actions humaines, de cet unanimisme qui m’a toujours poursuivi, depuis, de façon parfois simpliste. Il se passe la même chose, en ce moment, à des milliers de kilomètres de distance, et cependant ce n’est pas du tout la même chose, et pourtant, c’est pareil. 

 

• L’AMOUR AU TEMPS DU CHOLÉRA

Gabriel Garcia Marquez )

…elle l’avait aidé à supporter l’agonie avec le même amour qu’elle avait déployé pour l’aider à découvrir le bonheur.

 

• LE TOMBEAU D’ÉTOILES

( Maxence Fermine ) 

On croit longtemps vivre entouré de gens, de proches, d’une famille aimante. À force d’habitude, on se croit préservé à jamais du malheur et de la solitude, pièce indispensable dans la grande mosaïque du monde. Et puis, un jour, la mosaïque se fendille et les joints éclatent, jusqu’à ce que chacune des pièces qui constituaient cette étrange fresque humaine s’isole un peu plus des autres. Alors on se retrouve seul face à son reflet dans le miroir, seul dans le cortège des jours qui défilent, et on comprend qu’il n’en était rien.

 

• LES LETTRES DE CAPRI

Mario Soldati ) 

Les passions les plus viles obéissent à un stratagème : quand elles nous assaillent, elles s’efforcent de ne pas nous inquiéter. Pour mieux se glisser en nous, elles se dissimulent derrière une prétendue légèreté. Et comme notre raison résiste, elles s’attaquent à notre vanité. Nous sommes si vains, si sûrs de tenir bon, que nous nous moquons volontiers d’elles; nous feignons d’en être animés, pour les parodier justement et nous complaire dans notre vertu. Mais nous sommes obligés ainsi de nous en occuper, de les expérimenter sur nous, de goûter leur douceur; nous nous y habituons entièrement et insensiblement, et devenons bientôt leurs esclaves.

Ainsi, un beau jour, notre raison chavire brusquement, elle aussi. Et soudain, la passion, les passions, que nous taxions jadis de bassesse ou de mensonge, nous apparaissent bientôt revêtues de grandeur et de vérité. Voilà notre chemin! Voilà la lumière! nous disons-nous alors en nous berçant d’un réconfort extraordinaire, mais trompeur. Nous sommes comme les autres, les gens convenables. Normaux. Nous n’avons plus de doutes. Quel repos! C’était si simple. Il suffisait d’avoir un peu d’humilité. Nous nous croyons humbles. Et c’est le début de notre ruine.

Le propre de l’humilité est que celui qui la possède croit en être privé !

 


• AU PAYS

( Tahar Ben Jelloun )

… le temps c’est nous, ce n’est pas le cadran de la montre, non, c’est toi qui fais le temps, tu fermes les yeux et tu es dans le passé, tu les fermes encore et tu te projettes dans le futur, quand tu décides de les ouvrir, pas de mystère, tu es dans le présent, celui qui est aussi mince qu’une feuille de cigarette, tu vois ce que je veux dire ?

 

• UN GARÇON PARFAIT

( Alain Claude Sulzer )

Si l’amour meurt, c’est la mort qui vient, si l’amour vient, c’est la mort qui meurt.

 

• L’ORIGINE DE LA VIOLENCE

Fabrice Humbert )

Le microscope a ceci de merveilleux qu’il nous enfonce dans un monde aux déclivités énormes, aux contours fabuleux, comme un conte visuel d’ordinaire inaccessible. La mince lamelle translucide, sur laquelle est déposée un minuscule fragment, révèle brutalement un univers, de sorte que l’infiniment petit recèle autant de richesses qu’une planète entière. Mais en même temps, l’œil collé à l’embout noir, absorbé par ce nouveau monde, ne voit plus rien de l’ancien.

 

• JADE

Michel Tauriac )

L’illusion est une des grandes causes de la souffrance humaine.

 

• LA TRISTESSE DES ANGES

Jon Kalman Stefanson ) 

Nombreux sont ceux qui choisissent de se taire quand la vie leur inflige les plus cuisantes brûlures, d’ailleurs, les mots ne sont souvent que des pierres inertes, des vêtements élimés et usés. Ils peuvent également être de mauvaises herbes, de dangereux vecteurs d’infection, des planches vermoulues qui ne supporteraient même pas le poids d’une fourmi et d’autant moins celui d’un homme. Pourtant, ils sont l’une des rares choses qui demeurent à portée de main lorsque tout semble se jouer de nous. Gardez bien cela à l’esprit. N’oubliez pas non plus ce que nul ne comprend : les mots les plus insignifiants et les plus improbables peuvent, sans qu’on s’y attende, se charger d’un lourd fardeau et conduire la vie pour la sauver par-delà les plus vertigineuses crevasses.

 


• À PROPOS DE COURAGE  

Tim O’Brien 

Une histoire existe pour l’éternité, même quand la mémoire est effacée, même quand il n’y a plus rien d’autre à se rappeler que l’histoire elle-même.

 

• NOUVELLES ORIENTALES 

(  Marguerite Yourcenar 

Il est sorti du monde des faits pour entrer dans celui des illusions, et il m’arrive de penser que l’illusion est peut-être la forme que prennent aux yeux du vulgaire les plus secrètes réalités.

 

. UN AMERICAIN BIEN TRANQUILLE

 ( Graham Greene) 

Assez d’ismes et de craties. Je veux des faits.

 

LE PORTAIL  

( François Bizot) 

Cette merveilleuse faculté qu’a l’être humain de s’attacher aux objets les plus dérisoires de son existence, aux instruments mêmes de son supplice, simplement parce qu’ils font partie du modeste décor de son quotidien, du simple fait qu’ils lui sont devenus familiers, occupa mon esprit pendant des heures. Sans doute en va-t-il de même de notre vie entière. Je méditai longuement sur ce que cette réalité révèle de la condition humaine, et je ne cesse encore aujourd’hui de m’en étonner.

 

. ENFANCE et ADOLESCENCE

( Léon Tolstoï )

 Mais, à mon sens, la non-conformité de la position d’un homme avec son activité morale est le signe le plus sûr de la vérité.

 

. L’IMMORALISTE

( André Gide)

Et comment une antique réponse eût-elle satisfait à ma nouvelle question : Qu’est-ce que l’homme peut encore ? Voilà ce qu’il m’importait de savoir. Ce que l’homme a dit jusqu’ici, est-ce tout ce qu’il pouvait dire ? N’a-t-il rien ignoré de lui ? Ne lui reste-t-il qu’à redire ? Et chaque jour croissait en moi le confus sentiment de richesses intactes, que couvraient, cachaient, étouffaient les cultures, les décences, les morales.

 


Voici donc ces quelques citations que j’ai glanées au fil de mes lectures autant vietnamiennes que québécoises depuis quelques années. Y revenir, parfois, me rend confiant et perplexe tout à la fois.

J’ose espérer qu’elles puissent trouver un chemin en vous.

mercredi 18 novembre 2020

Humeur vietnamienne

 



LE CRAPAUD avait prédit un balayage démocrate menant Joe Biden à la présidence des USA. 50% de ce pronostic s’avère exact, mais si je veux demeurer un instant sur le mot “ balayage “ ; disons qu’il y en a eu un, celui des contestations entrepris par le camp Trump afin d’invalider certains résultats ou d’exiger le recomptage des votes dans quelques états. Il y a toutefois autre chose sur laquelle il m’apparaît intéressant de discuter, à savoir l’état de la démocratie dans le pays qui se targue d’être le plus fier représentant de cette forme de gouvernement et d’administration de la chose publique.

En fait qu’est-ce que la démocratie ?

Voici quelques avenues puisées chez différents dictionnaires qui donnent à réfléchir. Choisissez celle qui vous plaira.

 - Régime politique, système de gouvernement dans lequel le pouvoir est exercé par le peuple, par l’ensemble des citoyens.

- Doctrine selon laquelle l’État doit permettre l’exercice de la liberté des citoyens.

- Mode d’existence collective  les mêmes avantages sont accordés à tous.

- Mode de vie  s’exerce la responsabilité collective.

Si on se permet d’aller à l’origine du mot et principalement à son application, il faut définir la démocratie à partir d’Athènes, dans la Grèce antique.

 La démocratie athénienne désigne le régime politique mis en place progressivement dans la cité d’Athènes durant l'Antiquité et réputée pour être l'ancêtre des démocraties modernes. Le terme démocratie vient des mots grecs δῆμος / dêmos («le peuple») et κράτος / krátos («la puissance, le pouvoir»). Il s'agit donc d'un régime où les décisions sont prises par le peuple. “

À partir cela, peut-on avancer l’idée que les USA en sont une ? 

Que depuis la révolution américaine, les guerres intestines entre le Nord et le Sud, l’établissement d’une fédération et la création des deux grands partis politiques ( Démocrates et Républicains ) les réalités géopolitiques ont mené notre voisin du sud à trafiquer un peu le concept ?

Nous pourrions généraliser le problème et le poser dans un questionnement plus global. Une dictature peut-elle revendiquer au titre de démocratie ? Les Anglais ont réglé la question en instituant une démocratie parlementaire sous la couverture d’une monarchie. Ce système est aussi le nôtre, au Canada. Par extension, nous pourrions énoncer que les pays républicains, qu’ils utilisent ou pas le suffrage universel, ressemblent passablement à ce type de fonctionnement politique.

Mais tel n’est pas mon propos que je définirai plutôt ainsi : à la suite de l’élection américaine 2020, le concept de démocratie en a-t-il pris un coup mortel ? Chose certaine il s’est affaibli et les comportements de certains partisans de Donald Trump le démontrent lorsqu’ils exigent la suppression du comptage de votes dûment enregistrés. Pour ma part, cela me semble inquiétant.

Il faut d’entrée de jeu mettre en relief la personnalité pour le moins atypique du 45e président américain qui, avant même la ou les journées du vote, proclamait à qui veut l’entendre que des irrégularités surviendraient. Voulait-il insinuer que tout ce qui n’irait pas en sa faveur prendrait des allures de fraude organisée ? Qu’un vaste processus d’escroquerie, de truquage ou de falsification était en marche afin de le déloger ? Ou bien faut-il mettre ses avertissements sur le dos d’un vaste complot dont l’objectif serait de chasser du pouvoir la seule et unique personne capable de diriger le pays, soit lui-même ?

Je ne suis pas, et de loin, un partisan de la candidature d’un tel infatué personnage qui durant quatre (4) années a changé d’idées comme il changeait de chemise, a mené des politiques racistes, sexistes et intégristes. Il faut regarder les différents mouvements qui le supportent pour s’interroger sérieusement ; le QAnon en est l’illustration la plus probante. C’est vraiment ici que se situe le péril pour la démocratie américaine. Lorsque je vois sur les antennes télévisées ces images de types hyper armés hurlant aux loups, je ne peux que m’inquiéter.

À un mois du vote (celui du collège électoral) qui légitimera le 46e président des USA, Trump n’a toujours pas reconnu l’évidence : il a perdu. Perdre - et dieu sait que cela n’est pas sa tasse de thé, ça serait génétique chez lui semble-t-il - est une chose, mais il ne faut pas occulter les dégâts dont il a parsemé le territoire de notre voisin du sud et ailleurs dans le monde : voilà son véritable héritage qu'on doit examiner de près.

Lorsqu’élu en 2016 - rappelons qu’à ce moment-là les chaînes télévisuelles avaient proclamé sa victoire contre tout attente, alors que maintenant c’est un abus de pouvoir - il le fut par une convergence des mouvements d’extrême droite américains qui ont proliféré par la suite.

Autant la droite que la gauche, en fait tout ce qui a tendance à s’éloigner du centre qu’on pourrait définir comme le lieu de l’équilibre, se sont durcies. Une polarisation est actuellement facile à reconnaître et je ne sais trop comment, une fois Joe Biden entré à la Maison Blanche accompagné par Kamala Harris, sa vice-présidente, quel chemin les deux nouveaux élus devront emprunter pour rafistoler des retailles particulièrement échancrées.

Les USA de 2020-2021 ne sont plus les mêmes qu’auparavant. Nous avions l’habitude de départager Démocrates et Républicains à partir de leur conception de la démocratie et de l’exercice du pouvoir. Actuellement, tout devient focalisé et cela risque d’être assez difficile d’envisager la suite des choses.

Le système électoral des USA est complexe, relevant en grande partie de chacun des états, mais une chose est plutôt certaine, le gouvernement fédéral installé à Washington devra revoir certains éléments qui caractérisent sa pratique de la démocratie.

Les dommages que Trump s’est amusé à multiplier tout au long de ses quatre années au pouvoir ne pourront se résorber le temps de le dire. Je crois qu’une réforme en profondeur s’impose, tout comme il sera nécessaire de revoir certains points de la Constitution américaine acceptée en 1787 et mise en application en 1789.

Au XXe siècle, certains ajustements techniques lui ont été apportées, mais il est de mon opinion qu’il faudra y aller plus en profondeur. Signalons seulement le IIe amendement qui se lit ainsi - Une milice bien organisée étant nécessaire à la sécurité d'un État libre, le droit qu'a le peuple de détenir et de porter des armes ne sera pas transgressé.  On a remarqué lors des manifestations qui ont eu lieu afin de protester contre les forces policières s’étant attaqué à la clientèle afro-américaine, certaines gens armées jusqu’aux dents menaient le bal. Cet amendement doit disparaître de la Constitution américaine au plus vite sinon le clivage qui est le lot des USA actuellement risque de finir dans des bains de sang.

À quoi pourra ressembler l’ère Biden/Harris ? Difficile voire même impossible à prédire. Certains éléments ressortent quand même, indépendants du concept de démocratie, pivot de ce billet. Le premier et sans doute le plus important repose sur comment se fera la transition entre les deux administrations. C’est triste à dire, mais c’est presque une évidence, le passage des pouvoirs se jouera comme Trump veut bien que cela se fasse, c’est-à-dire à l’image d’une émission de télé-réalité. Il s’amusera jusqu’au résultat du collège électoral (en décembre prochain) et par la suite je ne serais aucunement surpris qu’il démissionne afin de ne pas être coiffé du titre de président perdant, laissant à son vice-président le mauvais rôle qu’il est incapable d’assumer.

Je ne crois qu’il assiste, en janvier prochain, à l’assermentation de la nouvelle administration et qu'il invitera ses supporteurs à vivre l’événement comme un grand jour noir, l’affublant même du titre de " deuil de la démocratie “. Il ne disparaîtra pas pour autant du paysage politique et son aura continuera de pourrir l’atmosphère avec ses fausses nouvelles, ses mensonges et j’en passe.

Une question ne peut être éludée : au pouvoir durant quatre (4) années, il est au courant d’une quantité de secrets d’État ; que fera-t-il de cette masse d’informations ? Faudra-t-il un sévère décret présidentiel lui rappelant qu’il est tenu à la réserve et qu’il risque de rigoureuses sanctions s’il s’y écartait ? Je ne serais aucunement surpris qu’il soit enclin à négocier son silence contre l’abandon des poursuites qui l’attendent lorsque l’immunité présidentielle lui sera retirée. Une chose est certaine, nous n’en avons pas fini avec ses frasques rocambolesques.

J’achève sur cette dernière question : puisque de plus en plus la démocratie ne semble se résumer qu’à l’exercice du droit de vote, ce rétrécissement du concept nous indique-t-il que le résultat d’une élection puisse être une photographie voire une radiographie d’une société ?

Pour être élu, un candidat doit obtenir 50% des voix plus une ou une certaine majorité si plus de deux aspirants sont en présence. Mathématiquement, cela peut signifier que le gagnant remporterait la palme alors qu’il n’atteint pas le fameux 50% et dans le cas d’un match à deux opposants, celui ou celle qui obtient 51% doit être conscient qu’un nombre important d’électeurs n’ont pas opté pour sa candidature. On nous servira la réponse toute faite suivante : une fois élue, la personne a maintenant la responsabilité de représenter tout le monde, ses partisans et les autres. D’accord, mais que fait-on de la ligne officielle des partis politiques qui obligent tout le clan à se ranger derrière elle ? 

Une  bien vaste question...


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