Têt Trung thu, fête des enfants
D’origine fête de culte à la lune dans l’espoir d’une saison florissante, la plus belle soirée de mi automne appelle à se prélasser au tour de la table pour contempler la pleine lune magnifique en dégustant des petits morceaux « gâteau de lune » avec du thé, son compagnon exclusif. Intimes ou conviviaux, on profite de ces moments de partage en se réunissant chaleureusement entre proches ou entre collègues, même une simple demi-heure autour du thé. Haute en couleurs, la fête de la pleine lune devient au Vietnam la fête la plus importante dans le calendrier des enfants. Des objets de toute sorte, lanternes de forme d’étoiles, masque des personnages légendaires, tête de lion, flambeau et jouets multicolores abondent les quartiers depuis des jours. Plus ou moins occupés, les grands - parents et parents s’apprêtent à préparer eux- même des cadeaux pour les petits.
Qui de mieux pour nous apprendre davantage que monsieur Hữu Ngọc. Je lui laisse donc la parole.
LA FÊTE DE LA LUNE
Je suis né dans le vieux quartier d'Hanoï, rue du Chanvre, là où se retiraient les lettrés confucéens et les mandarins peu fortunés. On y imprimait par xylographie des livres en idéogrammes, on y vendait du papier et des pinceaux pour écrire. Cet endroit avait une particularité que les jeunes générations arrivent difficilement à imaginer : chaque année, du 1er au 15e jour de la 8e lune, il se transformait en une véritable foire aux jouets en papier. Têtes de licorne, lampions multicolores en forme de lapin, de crapaud, de poisson, de dragon, lampes à ombres chinoises mouvantes, que sais-je encore ? Pendant la même période, on vendait des tam-tams à la rue des Tam-tams, des jouets en métal à la rue des Ferblantiers, des gâteaux à la rue du Sucre. Hanoï connaissait l'atmosphère d'allégresse du Têt, Nouvel An Lunaire.
En vérité, la fête de la Mi-automne qui atteint son summum la nuit du 15e jour de la 8e lune est elle-même un Têt - (littéralement "noeud de bambou" ) - désigne la limite entre deux périodes aux conditions météorologiques différentes, limite souvent marquée par des cérémonies et des fêtes. Dans le cycle des saisons qui traduit l'alternance des principes Yang (mâle) et Yin (femelle), la fête de la Mi-automne ou Têt Trung thu est célébrée aux environs de l'équinoxe d'automne, au moment où le Yin (le froid, les ténèbres, la lune) commence à prendre les dessus sur le Yang (la chaleur, la lumière, le soleil). La nuit du 15e jour, dans le ciel d'une pureté de cristal, la lune d'une rondeur parfaite brille avec un éclat féérique. En la contemplant dans toute sa splendeur, les lettrés composent des vers et goûtent l'alcool de riz aux chrysanthèmes. Les gourmets se délectent des bulots farcis de hachis de porc cuits au bain-marie avec des feuilles de gingembre. Les astrologues en herbe observent le disque lunaire pour prédire l'avenir du pays. S'il resplendit d'un pur éclat, la récolte de riz sera excellente. Si elle est jaune, les vers à soie donneront des cocons remarquables. S'il passe au vert ou au bleu, la famine sévira.
Avec la lune, le dragon est à l'honneur parce qu'il apporte la pluie indispensable aux rizières et protège les importantes récoltes d'automne. La danse du Dragon exécutée au cours de la Fête a perdu son sens rituel. La procession comprend en plus des étendards aux cinq couleurs, des lanternes figurant des fruits, des animaux aquatiques, une licorne (ou un lion = su tu) représentée par sa tête en bambou et en papier prolongée par une bande d'étoffe rouge qui constitue la queue.
Aux légendes relatives à la fécondité comme celle du Dragon, il faut encore mentionner le lièvre et le crapaud dont le Palais se trouverait dans la lune. (Thien cung : Palais du crapaud). Selon un conte populaire, quand le Crapaud grince des dents en temps de sécheresse, l'Empereur du Ciel doit ordonner à ses dragons d'arroser de pluie la terre. D'aucuns croient que les lièvres, symbole de la piété bouddhique, conçoivent en regardant la lune.
La fête de la Mi-automne est essentiellement celle des enfants. De mon temps, chaque famille aisée organisait une "Table des Enfants", sur laquelle on "exposait le festin" (bày có) à leur intention : c'était une sorte d'arbre de Noël, dotée d'une autre signification. Sur cette table, on mettait des fruits de la saison (kakis, pommes-cannelles, pamplemousses...), des fleurs taillées dans les papayes vertes, des figurines en farine de riz teintée (pigeons, carpes, lièvres, chiens, chats...), des noix de coco transformées en lapins, des licornes ou des chiens au corps hérissé de poils faits de pamplemousses épluchés, des oeufs de la fécondité aux cinq couleurs, des liasses de bâtons de canne à sucre rouge foncé, des gâteaux bánh dẻo blancs et gluants, bánh nuong jaunes et frits au four de forme ronde comme la lune. Les filles de la maison faisaient montre de leur adresse à cette occasion parce que le "festin exposé" était jugé par des visiteurs parmi lesquels des prétendants possibles. La fête durait tard la nuit tandis que dans la rue résonnaient les tam-tams, les gongs et les cymbales qui accompagnaient les processions de lampes.
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Cette année, cette fête sera célébrée le 1er octobre 2020.
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