Le projet de loi 21, adopté sous baîllon par l’Assemblée nationale du Québec, aura force de loi dès cette fin de semaine. Se pointera alors le dilemne de son application quotidienne. À la toute fin du processus, le gouvernement a soumis une définition de ce que peut ou pourrait être un signe religieux. Il faut se demander si cet exercice à clarifier les choses ou les a-t-elle embrouillées ? La question devra se résoudre sur le terrain... déjà passablement miné.
Il ne m’apparaît pas risqué de dire qu’il faudra un certain temps avant que l’on puisse en apprécier sa portée et son étendue. Ce seront surtout les commissions scolaires qui devront défricher ce nouveau chantier puisque déjà, et cela depuis un bon moment, les fonctionnaires du gouvernement, voyant venir la vague, auront su s’ajuster aux principes que soustendent ce que l’on peut maintenant nommer la loi 21.
Une question demeure et reste entière. Est-ce que cette loi règle à tout jamais la question de la laïcité de l’État, sa neutralité face aux diverses religions ? Personnellement, je ne le crois pas. Tant et aussi longtemps que des questions fondamentales ne seront pas résolues, à savoir une fiscalité favorisant les religions, l’exemption pour les écoles privées à caractère religieux d’appliquer la loi 21 dans son intégralité, rien ne sera finalisé et ces passe-droits perçus comme un accroc à ladite laïcité, demeureront un boulet attaché aux pieds de cette législation.
L’interdiction du port de signes religieux dans les services publics doit, à mon point de vue, être élargie. Je disais à des amis qu’il nous semblerait quelque peu incongru le fait qu’un curé d’une paroisse déambule sur la rue en habits sacerdotaux, alors, par extension, pourquoi cela ne devrait-il pas être généralisé à tout ce qui de près ou de loin se rapproche d’un signe affichant son appartenance à une quelconque religion ? J’ajoute qu’il devrait en être de même pour tout symbole dont l'objectif cherche à détruire les bases d'une société démocratique. Je songe ici à la croix gammée qu’exhibent des groupes néo-nazis; on pourrait en citer d’autres.
On me dira qu'une telle approche s’oppose au concept de liberté ou de démocratie qui permet l’expression des idées, fussent-elles anarchistes. Sans doute, mais il me semble cohérent, si l’on souhaite préserver les valeurs collectives auxquelles adhèrent les citoyens d'une société, qu’il faille absolument les défendre, à tout le moins les sauvegarder. Trop souvent, cherchant à soutenir des droits individuels, nous piétinons sans vergogne des droits collectifs alors que ceux-ci doivent primer.
Combien de fois nos institutions promulgent-elles des règles afin de protéger, semble-t-il, ceux et celles qui se retrouvent dans des situations minoritaires ou encore d’infliger à une majorité des obligations qui, déjà, font partie de leur hygiène de vie ? Ces règles, pour la plupart, ne font que fragilement soutenir et ne permettent pas à ceux pour qui on les installe, une adaptation à la société ou une certaine correction de comportements inadéquats. Je cite en exemple: lorsqu’une école interdit l’utilisation du téléphone portable en classe, un règlement qui s’adresse à tous, mais qui, dans les faits, ne vise que quelques individus n’ayant pas compris que cela ne va pas de soi. Même chose lorsque l’on exige d’un étudiant ou d'une étudiante que l'on se présente à l’école vêtu(e) de manière décente, cela inscrit dans un code de vie. Il y a là, selon moi, une forme d’infantilisme.
On me dira oui, mais certains ne le font pas, alors instaurons une règle. Exactement ce qu'énonce mon propos: ladite règle n’existera qu’en raison de l’attitude de quelques individus et non pas comme étant un comportement généralisé.
Je remarque qu’ici, au Vietnam, lorsque nous nous promenons en forêt, en montagne, que l’on se retrouve face à un danger potentiel (la présence d’un cours d’eau dangeureux, d’une falaise, etc.) on ne retrouve pas une pancarte plus grande que le danger lui-même, annonçant qu’il faille faire attention. On croit les gens assez intelligents pour s’en rendre compte par eux-mêmes. Oui, mais il y a les enfants. Quelle belle occasion donnée aux parents de faire de la prévention qui vaut mille fois mieux que la coercition !
La loi 21, puisqu’il faut maintenant la nommer ainsi, infantilise-t-elle le Québécois moyen ? Ce Québécois ne peut-il pas, par lui-même, comprendre que les religions, pour ceux qui les pratiquent, doivent obligatoirement se manifester dans des lieux de culte et non en public ? La religion ne relève pas du domaine public, elle concerne strictement un groupe de personnes adoptant des codes, des attitudes, des prescriptions qui lui sont propres et auxquels ses adeptes se soumettent volontairement et librement.
Cette règlementatation dont certains la jugent arbitraire, opprimante et contraire à l’esprit des chartes canadienne et québécoise des droits et libertés, s’est avéré nécessaire en raison principalement de ce que les signes ostentatoires représentent. On n’a qu’à se rappeler la levée de bouclier lorsque l’idée de retirer le crucifix a soulevée (on ne peut avoir plus signe religieux que celui-ci) autant à l’Assemble nationale du Québec qu’à la mairie de Montréal. Songeons aussi au procès qui a abouti en Cour suprême du Canada quant à la pertinence ou non de reciter une prière avant la tenue d’un conseil municipal au Saguenay !
Pour définitivement passer à autre chose - ceci représente l’opinion de plusieurs citoyens québécois - une seule avenue se dessine devant nous, selon moi: la religion, oui, mais strictement dans les lieux de culte. Un point c’est tout.
Imaginons un scénario loufoque: qu’en serait-il si une quelconque religion utilisait la monnaie canadienne comme étendard, comme signe religieux, devrions-nous interdire les billets de banque ? Ceci me semble aussi ridicule que de se poser la question au sujet de l’anneau de mariage.
J’attends la venue d’un gouvernement qui puisse régler efficacement ce problème en le prenant en amont, à sa source et non en aval comme le fait la loi 21.
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