Le cadre mis en place émet l’hypothèse voulant que l’humain du XXIe siècle, ébranlé par l’apparation d’un nouveau paradigme dans lequel il peine à se reconnaître, doit s’adapter à une façon de vivre qui allierait des idées divergentes dont il ne saisit pas toute l’étendue parce qu’elles proviennent d’ailleurs, qu’il n’a pas reçu ou cherché à prendre connaissance des informations nécessaires à leur juste préhension et soumis, parfois malgré lui, à de l’information s’apparentant davantage à des "modes d’emploi", des façons rapides de se les approprier, de sorte qu’il nage entre vulgarisations simplistes et incompréhension pure et simple.
Il lui est plus réconfortant de s’en remettre aux bases mêmes de sa civilisation (parfois les plus superficielles) craignant d’avoir à modifier en profondeur sa manière d’être. Rien de plus normal alors que l’actualité confirme à ses yeux l’idée que le danger, venu d’ailleurs, s’en prend directement aux fondements mêmes de sa pensée occidentale traditionnelle (souvent les plus apparentes).
Autant les méchants russes de l’époque de la guerre froide représentaient la catastophe, autant, maintenant, celle-ci provient du monde islamiste. Cette idée paraît réductrice, mais tout semble concourrir à la subsumer.
Départageons deux termes essentiels à mon propos.
Un musulman est un fidèle de l’islam, religion monothéiste fondée par Mahomet au début du VIIe siècle et dont le fondement est le Coran, livre saint et parole de Dieu révélée à Mahomet, et la Sunna, enseignement et vie du prophète. Le mot islam signifie soumission à la d’Allah (Dieu). Les musulmans se divisent en deux courants principaux: le sunnisme (84%) et le chiisme (16%).
L’islamisme est un mouvement regroupant les éléments les plus radicaux de l’islam. Ces courants veulent faire de l’islam une idéologie politique qui passe par l’application rigoureuse de la charia (loi islamique basée sur les préceptes du Coran) et la création d’états islamiques.
Il découle de ces deux définitions que l’inquiétude ressentie par beaucoup de gens réfère davantage à l’islamisme qu’aux musulmans professant leur foi comme tout autre individu religieux. C’est ici que se présente des agents de discorde majeurs: le rôle de la femme lui semble archaïque, le fait qu’elle ne soit pas considérée comme égale à l’homme (cela dans tous les domaines), mais à son service; la manière dont se pratique l’islmamisme choque; une certaine intransigeance lorsqu’il s’agit de leurs rituels; s’ajoute inévitablement l’idée que cette croyance préconise un ultra-conservatisme, le non-progrès; la violence des terroristes actifs depuis avant 2001, prétendant agir au nom d’Allh, se confond avec l'image qu'il se fait de cette religion.
À ce premier péril s'ajoute celui de l'environnement qui pend au-dessus de la tête de notre humain du XXIe siècle, comme une épée bien connue. Celui-ci s'ajoute à ce qu'il doit gérer le faisant osciller entre "énigme" et "mystère".
Énigme, c’est une chose difficile ou impossible à comprendre alors qu’un mystère, c’est ce qui ne peut être expliqué par l’esprit humain dans la nature, ou dans les destinées humaines: ce qui est inconnaissable.
Je m’en tiendrai à l’énigme, sans doute parce que l’être humain en soi en est une formidable. Sans débattre des évidences, à savoir que le monde musulman est ce qu’il est, qu’il n’a pas encore, à ce que je sache, prit la direction d’une remise en question de ses croyances intrinsèques comme l’on fait d’autres religions, d’autres spiritualités, force est d’admettre que cette façon de voir le monde dans lequel nous vivons se trouve encore à des lunes de ce que la science nous a appris au cours des siècles et encore maintenant. L’agnoticisme (doctrine ou attitude philosophique qui considère l’absolu inaccessible à l’esprit humain) ainsi que l’athéisme (doctrine ou attitude fondée sur la négation d’un Dieu personnel et vivant), ne peuvent en aucun cas y trouver leur place.
Pour une foule de gens, la spiritualité doit primer sur la religion, être un apanage personnel et considérée comme un choix individuel comportant des pratiques qui n’ont pas à être perçues comme prosélytiques, une réalité nous appartenant en propre.
Dans l’histoire de l’Occident, et les exemples pullulent, les religions ont cherché à endoctriner afin de civiliser des sauvages - s’entend par ce terme des gens n’ayant pas été mis en contact avec une civilisation, évoluant dans des milieux proches de la nature ou conservant certaines qualités considérées comme idéales. En remontant très loin, on peut constater que la fusion entre les religions et les états qui les régentaient, poursuivaient des objectifs qui, sans être communs, ne pouvaient être isolés l’un de l’autre. Cela nous aura marqué.
Existait-il, à une époque encore récente, un péril chrétien lors que cette religion cherchait à étendre son réseau d’influence ? Si oui, si la comparaison tient la route avec ledit péril islamiste actuel, alors examinons-en les conséquences. Si non, alors faut-il parler d’un tel péril ? Notre énigme devient dilemne...
Le 13 janvier 1898, Émile Zola publie en première page du journal L’Aurore, un important article sous forme de lettre adressée au Président de la République française Félix Faure, qu’il titrera J’accuse. Il démolissait systématiquement les preuves, qui selon lui n’en furent pas, ayant mené à la condamnation du capitaine Alfred Dreyfus, accusé de trahison. Cette affaire souleva la question de l’antisémitisme qui s’infiltrait dans la société française et par extension, au monde européen. Zola venait de lancer une pierre dans la mare...
Y aurait-il un lien plus ou moins direct à établir entre la montée de ce sentiment haineux et raciste avec l’arrivée, quelques années plus tard, du parti dirigé par Hitler, en Allemagne, le Parti national-socialiste des travailleurs allemands et des tristes conséquences qu’en subirent plus de 6 millions de Juifs ? On serait porté à y voir une cause et son effet.
Par extension, peut-on penser qu'en réaction au péril islamiste, certaines gens y trouvent là un modèle, une marche à suivre ? La question se pose, du moins certains y répondent en promouvant l’idée que chacun devrait demeurer chez lui... que toute forme d’immigration en provenance de pays musulmans s’apparenterait à une invasion déguisée... que bientôt les lois occidentales seraient un copier/coller de la charia... qu’il faudrait interdire la construction de mosquées et refuser que des cimetières musulmans s’installent sur notre territoire... que les accomodements raisonnables ne seraient que des excuses pour ne pas s’intégrer à notre culture... que de toute manière, un musulman ne saurait, jamais au grand jamais, s’adapter à nos valeurs occidentales...
Je parlais de repli sur soi (individuel et collectif) dans un billet précédent. On le ressent, mieux, on le voit apparaître sous diverses formes alors que le concept de nationalisme est déformé pour en faire une idéologie de haine et de fermeture aux autres. L’effet champignon produit par certaines idées mène à la création de mouvements défendant par des mots, parfois extrêmement subversifs, que l’identité occidentale est menacée par l’extension de l’islamisme. Les gestes irréparables que sont les tueries qui nous ont tous horrifiés, que ce soit en France, au Québec et plus récemment en Nouvelle-Zélande, furent glorifiées par des adeptes de la vengance du christianisme face aux barbares islamistes avides de sang impur. D’autres les citent en exemples pour démontrer que le mouvement islamiste est plus que présent, il se fait menaçant.
D’autre part et à son opposé, on évoque des arguments allant dans le sens que notre monde ne peut résoudre cette douloureuse équation qu’on optant pour le multiculturalisme ou, pour les plus modérés, l’interculturalisme.
Allons voir ce qui en est au niveau des définitions.
Le multiculturalisme est un terme utilisé dans de nombreuses disciplines comme en sociologie, en anthropologie et en philosophie politique. C’est un terme ambigu qui peut signifier un pluralisme culturel dans lequel les différentes ethnies collaborent et dialoguent sans avoir à sacrifier leurs identités particulières.
L’interculturalisme est une philosophie d’échange entre les groupes culturels d’une société. La notion d’interculturalisme intervient comme moyen privilégié de sensibilisation à la diversité culturelle.
Il est facile de constater que ces deux notions revêtent des habits fort différents selon leurs provenances. Au Québec, cette question est cruciale du fait qu’on ne peut l’isoler de la situation politique. Un débat qui mériterait des heures et des heures de discussions. Une chose toutefois m’apparaît indéniable: l’une et l’autre se sont invités dans le débat et on ne peut esquiver ou faire semblant que cela n’est pas une donnée importante puisqu’elle se situe au coeur même des chartes des valeurs, autant canadienne que québécoise. De plus, l’ombre Trudeau obscurcit encore le paysage, lui qui voyait le nationalisme comme une plaie, se référant aux mouvements qui s'y réclamaient lors de la Deuxième guerre mondiale et par après.
Peut-on parler d’un certain clivage de la société par rapport au péril islamiste ? Je le crois, et la pensée critique en prend pour son rhume. On se réfère, d’une part, à des complots bien orchestrés par de machiavéliques individus et d’autre part, ceux qui croient que vivre ensemble est l’idéal à poursuivre. Le doute et son associé, le questionnement en profondeur, ne doivent pas laissé place à des convictions inébranlables comme celle voulant que deux rouleaux compresseurs sont en marche, que rien ne pourrait les arrêter et qu’au bout de sa route, NOUS serions tous perdants face au péril islamiste et celui que je vais maintenant aborder.
J’en appelle à l’intelligence des gens, à leur discernement, conscient des routes tortueuses qui nous y ont menés, à quelles sources s’elles s’abreuvent. Dans un billet subséquent, je compte m’interroger sur ce qui, à mon avis, doit être fait à court et à moyen terme.
La crise environnementale représente donc notre second péril, par son ultimatum lancé à la survie même de l’espèce humaine sur cette planète étouffant sous les émanations du carbone. La nier relève quasiment de l’hérésie (un mot directement lié à la religion, faut le faire...).
À la différence du premier péril qui relève plus de la perception et de l'ignorance, celui-ci est à notre portée, nous pouvons agir directement afin de l’écarter, sauf que la volonté politique ne semble pas suivre le mouvement qui, admettons-le, commence sérieusement à interpeler la conscience des pays de la Terre. L’Occident s’en préoccupe davantage alors que l’Orient se plait à y voir un vice lié au capitalisme à outrance, l’oeuvre d’une importante partie du monde remontant quasi à l'ère de la révolution industrielle. Sauf que l'extension du néo-libéralisme se propage comme une pandémie un peu partout.
Comment réagira l’humain du XXIe siècle, l’Occidental surtout, face à ces deux crises majeures ? Selon le sociologue Edgar Morin qui fait l’éloge de la pensée complexe, "... la crise se manifeste non seulement comme fracture dans un continuum, perturbations dans un système jusqu’alors apparemment stable, mais aussi par la transformation des complémentarités en antagonismes, le développement rapide des déviances en tendances, l’accélération de processus déstructurants/désintégrants.”
De mon côté, le portrait m’apparaît suffisamment clair. Il n’est ni optimiste ni pessimiste, et je ne penche pas vers le fatalisme qui, souvent, ressemble à une façon élégante de tirer sa référence face aux questions.
On verra bien.
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