L'homme est plus petit que lui-même. (Günther Anders)
Je me disais, tout en relisant les quelques citations qui accompagnent ce billet, qu’il fallait bien que j’écrive deux ou trois mots suite au décès de Fidel Castro. Sans doute ce que dit Gunther Anders sur l’homme aura modifié l’azimut de mon propos. Tout comme le lien paru sur Facebook dans lequel on entend Marine Le Pen prononcer un discours enflammé au Parlement européen suite aux événements survenus à Paris le 13 novembre 2015 : la fusillade au Bataclan.
J’ai un vague souvenir de la Révolution cubaine, des avancées de Castro et du Che vers La Havane où trônait un certain Batista soutenu par les USA. Les Américains avaient asservi l’île à tous leurs caprices, déshumanisant ce peuple profondément vaillant. Les quelques kilomètres séparant Cuba et la Floride permettaient aux Yankees de s’y rendre, s’appropriant des terres à prix ridicule et utilisaient la population de manière frisant l’esclavagisme.
Castro souleva le peuple, lui promettant la libération du joug qui les écrasait. Et il chassa Batista. Plusieurs Cubains ont fui ce qu’ils croyaient voir venir, c’est-à-dire une dictature communiste. Ils ont fui principalement vers la Floride où ils forment une communauté importante, parfois influente.
Le vulgaire imbécile est toujours avide de grands événements, quels qu'ils puissent être, sans prévoir s'ils lui seront utiles ou préjudiciables; le vulgaire imbécile n'est ému que par sa propre curiosité.
(Ludovico Ariosto, dit l'Arioste)
Je ne veux pas entrer dans des analyses socio-politiques mais force est de voir que le changement de régime n’a absolument rien changé au quotidien des gens. On me dira que l’éducation a été davantage mise à leur portée, que les soins de santé se sont grandement améliorés et c’est vrai. Pour m’y être rendu à plusieurs reprises, j’ai pu le constater. Sauf qu’il m’a été donné de voir aussi que le droit de parole, le droit de penser, le droit de se déplacer à l’intérieur tout comme à l’extérieur n’existaient plus. La censure était constante et la délation omniprésente.
... mais ce que nous disons ne nous ressemble pas toujours.
Jorge Luis Borges
La qualité de vie ne s’est pas améliorée. Au contraire. On n’a jamais répondu aux besoins primaires des Cubains, sous le régime dictatorial de Castro. Tous ceux et toutes celles qui s’y sont rendu comme touristes savaient que d’apporter de petites choses aussi insignifiantes qu’une brosse à dent rendaient les habitants très heureux.
À quoi peut bien servir une constitution qui proclame l’indépendance d’un pays si dans le tous les jours on doit se débrouiller avec rien pour obtenir le minimum. Les tickets de rationnement des produits alimentaires par exemple ne leur permettaient de recevoir si peu que c’en était gênant de l’observer.
Pour voir une chose il faut la comprendre. Jorge Luis Borges
La question qui s’impose est la suivante : si le peuple cubain avait su ce qui allait leur arriver, connaître la suite des choses, aurait-il combattu à côté de Castro? Rien ne peut légitimer un régime dictatorial qu’il soit de droite ou de gauche. Encore moins d’extrême-droite et d’extrême-gauche. Les Russes l’ont réalisé plusieurs années après Lénine et Staline et ne pleurèrent pas longtemps la chute des dictateurs du Kremlin.
Il l'appela Utopie, mot grec qui veut dire un tel lieu n'existe pas. (Quevedo)
La société idéale n’existe pas. N’existera jamais. Seuls les rêveurs y croient. Est-ce que la base du communisme réside dans le fait qu’il est en mesure de nous y mener? Cette doctrine s’écorche lorsqu’elle se voit affublé du pouvoir. Le pouvoir réussit à se maintenir grâce à la corruption et dans le fait d’écraser toute forme d’opposition. Je suis toujours stupéfait de constater que ce qu’on l’on reprochait au régime que l’on veut abattre devient le nouveau credo. Le Vietnam en est aussi un fort bon exemple.
La puissance peut briser la conscience humaine et le respect de soi. (Duong Thu Huong)
Fidel Castro est décédé. Raoul, son frère, le remplace depuis déjà quelques années. Il aurait été élu démocratiquement, semble-t-il. Comment associer démocratie et dictature? On dira que tout se fait selon les normes prescrites par la constitution cubaine. Aucun Cubain non-membre du Parti Communiste n’a droit de parole et peut-être même n’a pas droit de citer. Il n’est dans les faits qu’un récepteur de propagande. Combien de fois, discutant avec un Cubain, on lui annonçait des nouvelles extra-insulaires dont il n’était pas au courant?
Je ne me réjouis pas du décès de Fidel Castro, je ne peux que souhaiter que son ombre qu’il croyait protectrice disparaisse de l’île. Qu’avec lui, vestige des années 1960, on en arrive à ne plus revoir ce type de ''libérateur'' se couronne le lendemain, dans un paternalisme parfois criminel, maître absolu. On assiste au même drame en Corée du Nord. La Birmanie des militaires logeait à la même enseigne.
On lui a toujours préféré le mythe du Che. Ce James Dean militaire a fait rêver également mais jamais son combat fut autre que celui de la guerre. Ses allures angéliques lui donnaient bonne presse tout comme ses déclarations fracassantes. Mais dans la vie des gens, ceux et celles qui tous les jours doivent gagner leur pain à la sueur de leur front, les belles images et les beaux mots sont perçus autrement. On aime les héros, et les héros les plus populaires propulsent devant eux des idéaux souvent irréalisables.
... l'homme a besoin de croire à un idéal, tout en se disant secrètement que cet idéal ne le concerne pas.
(Duong Thu Huong)
Les dictateurs finissent toujours par tomber. Lorsqu’ils disparaissent d’autres frappent à la porte. Il est tellement plus simple de gérer sans que rien ne nous nuise. Ce n’est pas pour rien que les prisons cubaines, coréennes, vietnamiennes, chinoises et j’en oublie sont remplies de poètes, d’écrivains, d’objecteurs de conscience. Que la censure soit autorisée pour des raisons d’État. Que s’opposer de quelque manière que ce soit est vu comme une atteinte à la sécurité nationale. Que la répression change de signification quand les intérêts des porteurs de pouvoir sont menacés.
Castro était de ce type. En nommer d’autres serait fastidieux. Les dégâts dont on peut leur imputer la paternité sont nombreux. Il faudrait être en mesure de connaître le fond de la pensée des citoyens vivant sous leur férule pour mieux les apprécier.
Et que vient faire Marine Le Pen que je citais au début du billet? Je l’écoutais babiller, accusant l’Europe, accusant l’intégrisme islamiste de tuer la société française. Son discours tient la route tout comme celui de Castro à l’époque. C’est ce qui me fait la craindre. Les idées de repli sur soi, de rejet des autres, la croyance que ''chacun chez soi'' est la solution à tous les problèmes actuels, tout comme le promeut Donald Trump, font du chemin.
Ce n’était pas tant qu’il mentît que le fait qu’il n’y avait pas de vérité à dire.
(Ernest Hemingway)
Nous avons la mémoire courte. Les politiciens le savent et jouent sur ce tableau. Castro est devenu politicien et a agi de même. C’est de bonne guerre mais il restera, je crois, que tout doucement un nouvel ordre mondial arrivera en raison de notre propension à détruire la nature autour de nous. Au-delà du populisme, au-delà des sauveurs auto-proclamés qui verront le jour utilisant un discours qui jettera de la poussière aux yeux, il restera un fait indéniable : nous sommes sur une planète qui lentement se désagrège mais qui reprendra ses droits nous remettant, aux dictateurs que nous sommes face à elle, notre ticket de départ.
Ce ne seront pas les Castro et autres du même acabit qui apporteront les véritables solutions aux problèmes de notre cupidité.
... le temps transforme tout en illusion.. L'oubli est le compagnon de la vieillesse, on peut bien tenter de la conjurer, rien n'y fait.. La vie demande des choses bien concrètes dont on ne mesure la valeur que trop tard: toujours après coup...
(Duong Thu Huong)
À la prochaine
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