dimanche 17 juillet 2016

humeur vietnamienne: ''Je suis...''

Je suis

     Sur Facebook, au fil des événements, nous retrouvons en plus de divers commentaires qui se permettent d'écorcher la grammaire et la syntaxe (aussi bien en français qu'en anglais) nous sommes inondés d'opinions parfois aussi extrêmes que celles que l'on veut pourfendre. 

S'ajoutent, média social oblige, quelques photos prises dans les minutes mêmes d'un événement se produisant ou s'achèvant. Du journalisme de terrain. Du journalisme populiste, aussi. Le tout amplifié de slogans puisés dans la même trousse et qui s'articulent autour du devenu célèbre ''Je suis''.

Vous vous souvenez du ''Je suis Charlie'', ''Je suis Paris'' et tous les autres qui empruntèrent la même route. Le dernier... ''Je suis épuisé''. Il est apparu suite à la catastrophe niçoise. 

''Je suis épuisé'' de quoi, au fait? Des attentats terroristes? Des échecs répétés des autorités à déjouer ces plans diaboliques? Ou tout simplement ''Je suis épuisé'' d'être un ''je suis''?

Je suis est la conjugaison du verbe être à la première personne du singulier de l'indicatif présent. Le ''Je suis'' se fusionne donc au présent. Le verbe être se définit ainsi: exister, avec l'idée d'éternité, sans commencement ni fin... vivre en général... en conformité avec la réalité... se montrer, se comporter dans des circonstances particulières, dans ses relations avec autrui... une fidélité avec soi, avec ce que l'on a toujours été... s'affirmer... participer...

Sans doute le verbe le plus utilisé de la langue française, à la fois concret et abstrait, le verbe être, dans ce qui nous occupe ici résonne entre l'optimisme et le pessimisme.

Il n'est pas dans mon propos d'analyser, de tenter de comprendre les intentions des uns et des autres, encore moins de culpabiliser le hasard n'ayant pu conjurer le triste sort qui s'abat sur d'innocentes victimes. Les faits sont les faits: la vie, puis l'explosion, puis la mort... De ''je suis'' plusieurs deviennent des ''j'étais''. En une seconde. Certains n'ayant à peine eu le temps de réaliser ce qui leur arrivait.

Restent les autres. Dont nous... Plus près encore de ces horreurs, les gravement blessés, les traumatisés à vie, ceux qui n'auront plus qu'à dire ''Je serai''. 

Depuis la naissance plutôt spontanée de l'EI (je crois qu'on ne l'a pas vue venir trop occupé que nous étions à s'acharner sur Aï Qaïda), le monde a changé. Le monde change inéviablement! Mais cette fois il change de manière complexe. On tente, afin de nous faire saisir l'ampleur de la situation, de simplifier en mettant tout sur le dos de l'islamisme intégral, du djiadisme en particulier.

On le fit lors de chacun des grands conflits dont l'histoire humaine est truffée: guerres civiles, guerres de religions, guerres de libération nationale, guerres mythiques, guerres mondiales et j'en passe. Chaque fois, il nous fallait des responsables, des coupables, des raisons. On en même venu avec les Conventions de La Haye en 1899 et de 1907 à codifier le jus bellum et le jus in bello.

Selon ces conventions, la guerre est un droit auquel on ajoute des prérogatives et des éléments à respecter, des lignes à ne pas franchir. Ainsi les consciences peuvent mieux accepter de voir tomber au champ d'honneur, dans les tranchées, puis maintenant dans des éclats d'obus et de bombes terrifiantes, des hommes, des femmes et des enfants. On récompense même, à coup de médailles, les vainqueurs et on ajuste notre discours aux sensibilités vécues par les survivants.

De la guerre dite traditionnelle et bien encadrée dans des textes que personne ne respecte mais qu'on utilise pour accuser l'ennemi de malversations, nous sommes arrivés au terrorisme. La terreur. 

C'est exactement le type de situation qui survient quelle que soit la géographie où elle s'abat. La terreur afin que l'on réalise, avec fracas, que ce qui la motive se drape comme un tattoo dans les idéaux que l'on poursuit, que l'on défend ou que l'on cherche à imposer. On n'a qu'à voir les motifs inscrits dans les revendications des différents attentats, et cela depuis au moins 2001; chaque fois, quasi comme un mantra, reviennent la même haine de l'homme envers un autre homme, différent... de l'homme envers la femme, sujet devenu objet... d'un système politique ou religieux qui logent pourtant sous des enseignes idéologiques.

Souvent on me pose la question: qu'y a-t-il de différent entre le Canada et le Vietnam, en terme politique ou des droits humains? Ma réponse est toujours la même: je n'en vois pas. La corruption, la prévarication se ressemblent, siamoises aux nôtres. Les droits sont bafoués sans vergogne pour des raisons de ''sécurité''. Les riches continuent de s'enrichir, les pauvres de s'appauvrir. Les lois économiques, des dogmes dont on ne peut mettre en doute leur légitimité. L'état n'est pas les gens, l'état c'est une caste fermement installée, prête à tout pour protéger ses acquis.

Le vocabulaire a changé: la terreur et l'horreur, pas encore. 

Alors que faut-il écrire sur Facebook? ''Je suis...'' ou quoi encore? ''Qui suis-je?'' ''Que serai-je''? Vers quel vocabulaire faut-il se tourner? D'abord, je crois qu'il nous faut tous réaliser notre impuissance à contrer l'horreur. Il y aura d'autres attentats, d'autres revendications, d'autres morts. Et si ce n'est de la part d'extrémistes de quel acabit qu'il soit, c'en sera d'autres.

Toutes les religions prônent une vie meilleure souvent ultérieure à celle-ci. Tous les régimes politiques reposent sur l'espoir d'un mieux-être à venir. Pour cela, on affine nos armes. De plus en plus mortelles autant qu'inhumaines. Pour les religieux, les politiques, il faut des sauveurs. Ces sauveurs sont, souvent, ceux du passé. D'un passé qui n'a plus rien à voir avec notre fugace présent. Et tous, nous regardons vers l'avenir.

Que sera-t-il cet avenir? Proche ou éloigné? 

Identique à ce qu'il fut, à ce qu'il est tant et aussi longtemps que chacun de nous, dans la simplicité complexe de notre quotidien n'arriveront pas à voir plus loin que les voiles, plus loin que nos différences qui ont le mérite de nous faire qui nous sommes.

L'esperanto fut une tentative afin de rapprocher par le biais d'une langue commune les humains de cette planète à la fois fragile et combien résiliente. Un échec en raison de sa négation même des diverses cultures. Un échec en raison que cette langue n'a pas réussi à incarner le ''je suis'' incrusté dans nos communauté propres.

''Je suis épuisé''. Je saisis toute la détresse de ce message, mais c'est tout de même d'une déclaration... 

Un trop facile pastiche me permet d'achever cette humeur en disant, à l'inverse du Cogito, ergo sum de Descartes: JE SUIS, DONC JE PENSE.

À LA PROCHAINE

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