dimanche 28 juin 2015

QUATRE (4) CENT-SOIXANTE-SEPT (67)



Photo prise à Bali par mon ami Olivier Faure


     À la minute même où mes yeux ont croisé cette photo, défilèrent toutes ces années - 35 au bout du compte - que j'ai consacrées à l'enseignement, à l'instruction, à l'éducation. Olivier, cet ami photographe qui sait capter puis immortaliser des instants fugaces les rendant criant de vérité, de beauté et d'originalité, me racontait l'historiette de cette image. Bali, une cour d'école dans laquelle des enfants, bruyants et indisciplinés, s'amusent et crient; Bali, quelques secondes plus tard, à l'appel de l'enseignant, les voici ces mêmes enfants, dans la classe, calmement installés derrière un bureau puis ces yeux, ces regards d'une intelligence que, parfois, seuls les enfants savent conserver, ces yeux, ces regards fixés sur l'enseignement, sur l'enseignant, sur ce qu'ils voient de grand devant eux, plus grand qu'eux encore. Olivier a su magnifiquement par cette photo nous en révéler toute leur intensité.

Cette photo a fait naître en moi ce poème. Il y est question d'un sapin, esseulé, à la limite isolé qui se voudrait pin ou baobab. Tout enfant, de sapin qu'il est, rêve devenir plus... devenir un pin, à la limite, baobab. Sa réalité, celle que décrit, qu'illustre Olivier par les ocres magnifiques de cette photo, l'enfant la découvre dans l'immobilité de ses racines qui plongent, invisibles, vers le sol mais aussi par la majesté de ses branches qui contre-plongent vers le firmament. 

Et l'éducation demeure cette nourriture qui permet à un rêve qui n'est pas, qui ne sera pas, peut-être, permet à la conscience de réaliser et prendre sa place dans l'univers, le remplir par toute sa stature, de croire que des racines esseulées voire isolées peuvent en rejoindre d'autres; à des branches, peu importe leur étendue, de signaler sa présence au monde.

Merci Olivier pour cette photo.



sapin


il vivait seul, ce sapin,
au coeur d’une plaine plus étendue encore que l’horizon qu’il coupait en son centre,
ombrageant le sol de sa forme triangulaire et imparfaite
il piquait le ciel en étendant ses longs doigts d’épines
il se voyait à travers son regard résineux
gigantesque pin, baobab colossal
abandonnant, enfouis à ses pieds, mille éperons aiguisés que charriait le vent rougissant
parmi le silence alentour, seul, bras écartés comme crucifiés, porteur de nids d’oiseaux de proie,
le sapin au tronc enceint de ravins sauvages fixait en permanence les destinés coriaces
arbre aux ramures solides, fluides, des vagues sur l’écorce du temps
il redoute la solitude, celle des attentes rabâchées, des mots ensevelis dans les trous du vent, ce briseur d’immobilité, 
celle qui cravache, qui éteint les espoirs funèbres d’un sapin
rêvant du baobab qu’il aurait pu être
du pin qu’il ne sera jamais, peut-être... 






À la prochaine

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