Un peu plus de vingt heures dans les airs, en altitude; franchir la moitié de la terre; traverser une douzaine de fuseaux horaires; pour certains, voilà un supplice. Je dirais que pour certaines oreilles cela l'est également.
L'altitude ne soumet pas les gens aux mêmes stress, aux mêmes inquiétudes.
Je vous offre ce poème né dans un 747 de Qatar Airways quelque part entre Montréal et Doha ou Doha et Bangkok, lors de la dernière envolée ou peut-être avant.
en
haute altitude
?qui empêchera la pluie de tomber sur les rues sèches de
Saïgon
regards tournés vers le ciel
en altitude, bizarrement, tout
se joue par oreille,
entre tympan et tambour ou
plus creux encore
rien à voir avec le service de la jeune hôtesse, soliste
qui va qui vient puis revient encore,
colombe égarée titubant dans l’allée étroite
l’altitude cause en musique synchronisée
impulsions input output, simultanément
à plusieurs milliers de
kilomètres au-dessus des nuages coagulés,
on croirait des volcans
à cent-quatre-vingts degrés d’el conda pasa, le bout de
la terre en déséquilibre,
étendue noire artificielle, entre vide et néant, au milieu
de rien,
ou, le rien reprenant son vol vide le néant de ses reliefs
abyssaux
l’altitude englobe les distances,
au sol elles pourraient se déplier sur un, deux trois
continents
galère aérienne voguant, électrique
que personne ne semble devoir pouvoir
arracher
au plus pur, au plus
insensible silence
d'un avion en mal de puissance
la jeune fille empile des verres plastique vert à vitesse
tgv
cela étouffe les chocs supersoniques
à bout de bras, l’altitude, ce capitaine aux longs cours
galvanise ses harmonieuses éclaboussures jusqu’aux
confins de l’espace,
au creux du trou noir rempli de navettes égarées,
ellipses du temps
tel un port altier, au cœur du
noyau de sable,
il se resserre avec la
frénésie du soleil constricteur,
catapulté par-delà la porte de
l’éternité,
sans fin, sans début, sans
cible en son centre désorienté
le sarrau bourgogne de la stewardess et l’obscurité de la
cabine se confondent,
tout dort encore
l’immobilité stagnante soumet la vitesse effrénée de
l’appareil,
les vifs soubresauts inquiétants
l’ombre en état d’apesanteur,
fantôme fugitif,
lentement traînasse tout en léchant
les hublots,
son vif reflet glisse
comme une masse terrifiante
qui broie les dos ligotés aux camisoles factices
statue noctiluque, la jeune fille aux doigts graciles
qu’elle a colorés du même rouge,
bourgogne,
depuis mille heures au moins, entre les longs sifflements
saccadés, les lamentations énergiques,
ratisse autour du petit rai de lumière que les étoiles
fugaces déposent à ses pieds,
des frissons et d’autres frissons encore,
involontaires, irréguliers, convulsifs…
elle a si peur en haute altitude
elle a peur
en altitude
elle a si peur
en altitude
elle a si peur en haute altitude
À la prochaine
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