Toujours
un plaisir que de pouvoir parler français à Saïgon! Sa rareté le rend encore
plus précieux. C’est ce qui m’est arrivé aujourd'hui mardi dans l’après-midi au Café
Riverside avec des compatriotes québécois: Jacques Durocher, sa charmante épouse
et leur fille, Yanie, Chinoise d’adoption, globe-trotter et principalement
engagée dans le monde de la mode. Elle possède d’ailleurs un blogue
(THEMARGINALIST) que je compte bien visiter.
À
quelques jours du départ pour le Laos - une semaine à Vientiane - je réalise
combien le temps coule rapidement surtout lorsque des gens me disent qu’ils en
sont à leurs dernières heures en terre vietnamienne. Au retour, ça sera
l’arrivée de l’ami François et sa compagne Danielle avec qui on roulera entre
Saïgon, le Mékong, le Centre et finalement autour de Hanoï.
Tout
comme en terre occidentale, le rythme des fêtes officielles régit une bonne
partie des activités de Saïgon. Après Têt qui succédait à Noël puis au Nouvel An,
on se dirige maintenant vers la Saint-Valentin. La traditionnelle fête des
amoureux, bien que fort commercialisée tout comme en Occident, prendra ici tout son
sens le mois prochain, autour du 21 mars, dans ce que l’on appelle
l’après-Valentin, c’est-à-dire la fête de Chu Dông Tu et Tiên Dung, les
célèbres amoureux vietnamiens. J’ai déjà raconté leur histoire qui remonte à
plus de 2300 ans, je ne vais pas le faire à nouveau, mais il est clair qu’elle
a plus de sens que l’autre.
Pas
exactement ce dont je souhaitais vous entretenir dans ce billet, mais
plutôt de littérature vietnamienne. Ce qui est intéressant avec ce thème, c’est
de voir à quel point la littérature du Vietnam est associée à son histoire. Elle
s’en est même fait porte-parole et défenseure. À partir d’un livre fort
intéressant (MILLE ANS DE LITTÉRATURE VIETNAMIENNE, de Nguyen Khac Vien
et Huu Ngoc) ma référence pour entrer dans ce monde
merveilleux, je veux d’abord présenter les périodes de l’histoire, les courants
religieux ou politiques, les enjeux culturels ou sociétaux qui auront influencé
directement ou indirectement les principaux auteurs.
2) La dynastie des Ly : 1009 – 1225;
3) La dynastie des Tran : 1225- 1400;
4) Le Bouddhisme, véritable religion d’État;
5) Le sentiment national;
6) Les lettrés confucéens (mandarins) : le
confucianisme devient la doctrine
officielle au XVe siècle;
7) Les Lê (1428);
8) La langue nôm s’installe à côté de la
langue chinoise : le Kiêu de Nguyen Du est écrit en nôm;
9) Les grandes révoltes paysannes du XVIIIe
siècle;
10) 1802 : la dynastie des Nguyen;
11) La conquête française (1860) amène la
littérature patriotique;
12) La fondation du Parti communiste en 1930 (Ho
Chi Minh) et les idées d’indépendance nationale;
13) L’écriture romanisée (quoc ngu) remplace les
idéogrammes anciens.
Je
vais vous offrir à lire ce qui m’est apparu intéressant et pertinent pour mieux
saisir l’âme vietnamienne. La poésie a longtemps été la voie privilégiée qu'emprunteront les
auteurs, j’écris auteurs car les femmes sont très peu présentes dans la
littérature vietnamienne.
Voici
un court texte écrit un peu avant 1018 par Nguyen Van Hanh :
La vie de l’homme est
un éclair sitôt né, sitôt disparu.
Verdoyant au
printemps, l’arbre se dépouille à l’automne.
Grandeur et décadence,
pourquoi s’en effrayer?
Épanouissement et
déclin ne sont que gouttes de rosée perlant sur un brin d’herbe.
Le suivant est l’œuvre de Tran Nhan Tông qui vécut entre 1258 et 1308, il porte le titre
suivant : MATIN DE PRINTEMPS
À mon réveil, j’ouvre ma fenêtre,
Je ne peux vraiment douter de la
venue du printemps.
Un couple de papillons blancs
Battant des ailes, voltigent sur les
fleurs.
Ce troisième,
un peu dans la même texture, est écrit par Chu Van An mort en 1370. Il a
intitulé son poème : MATINÉE DE PRINTEMPS
Dans la chaumière de montagne, on se
sent libre tout le jour,
La claie de bambou inclinée protège
de l’air froid.
L’herbe verdoie et le ciel est comme
ivre,
Les gouttes de rosée s’attardent sur
les fleurs vermeilles.
L’homme et le nuage solitaire
s’attachent à la montagne,
L’âme, comme l’eau du vieux puits,
n’est troublée par aucune ride.
Le bois de pin odorant se consume et
la théière s’arrête de bouillir,
Un murmure d’oiseau échappé du ravin
m’arrache doucement au sommeil printanier.
Je
termine cette période de la littérature classique qui s’étend du XIe siècle au
début du XVe, que l’on a appelé PÉRIODE LY-TRAN, par ce célèbre poème de Dang
Dung qui, prisonnier et emmené en Chine, se suicidera : PROFESSION DE FOI
Les événements s’enchevêtrent et
voici déjà la vieillesse.
L’univers infini vibre dedans mon
chant et dedans mon ivresse
Quand leur sourit la chance, pêcheur
et boucher peuvent réussir,
Mais que le destin s’oppose, et le
héros doit avaler tant d’amertume.
Au service de mon seigneur, je
voudrais tenir ferme le pivot de la terre.
Je ne puis hélas! prendre l’eau du
Fleuve d’argent pour laver mes armes.
Et la patrie n’est pas vengée que
déjà mes cheveux blanchissent,
Combien de fois pourtant,
j’aiguisais mon épée aux clartés de la lune.
Voici
donc pour un premier regard.
À
la prochaine
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