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Dans
le bus me menant de l’appartement au Café Riverside, je me disais que j’écrirais aujourd’hui sur l’urgence.
Je
ne sais trop ce qui m’amène à cela mais crois comprendre qu’à ce troisième
hiver au Vietnam, s’il y avait un comportement, une attitude dont je prends
conscience d’un certain changement, d’une modification sensible, c’est ce
sentiment de l’urgence qui m’habite, surtout lorsque je suis au Québec. Urgence
en tout, celle qui se manifeste par cette volonté de tout faire rapidement pour
ensuite passer à autre chose que j’expédie aussi vite.
Aux
premiers jours de janvier 2012, secoué encore par le choc culturel et météorologique
de Saïgon, il m’apparaissait urgent d’organiser chaque instant afin de ne rien
perdre, tout voir, tout assimiler. Il y avait urgence en la demeure. J’appliquais à la lettre le scénario des
anciens voyages, ceux qui s’étendaient sur trois à six semaines et cours
desquels chaque seconde inoccupée est une seconde perdue irrémédiablement. Ce
sont les Vietnamiens qui m’ont fait comprendre cette chose élémentaire : tout
ce que je souhaitais voir n’allait pas disparaître et je pouvais… prendre mon
temps. Avant ces sages paroles, prendre mon temps était synonyme de perdre mon
temps.
Combien
de fois n’ai-je pas dit que la loi non écrite du voyage est qu’il faut se dépêcher
pour ensuite attendre! Vaut mieux arriver deux heures à l’avance qu’une minute
en retard! Pourquoi remettre à demain ce que l’on peut faire maintenant au
risque d’en trop faire?
L’an
dernier - année numéro 2 - je reposais le pied à Saïgon à la mi-novembre. Rétrospectivement,
je remarque que je fus habité par un étrange sentiment d’avidité : retrouver
les amis, vérifier si tout était toujours au même endroit, si quelque chose
avait bougé. Et je le faisais avec une
urgence dont je suis loin d’être fier! J’ai eu de nouveau l’aide
des amis vietnamiens pour me ramener sur la terre asiatique. J’avoue que cela
s’est fait rapidement.
Cette
année, l’urgence loge ailleurs, installée quelque part dans un temps
plus prospectif. J’oublie, parfois, que vivre au jour le jour demeure encore la
meilleure manière de profiter de tout. J’oublie, mais je me soigne, le fait de n'avoir aucun contrôle sur ce qui est devant moi, proche ou lointain. Il ne m’est pas utile
d’envisager le prochain voyage avant de bien vivre celui-ci ou même de laisser
quelques pensées non productives m’embrouiller l’esprit.
Suite
aux événements survenus lors de mon arrivée, début novembre, alors que les amis vietnamiens
s’inquiétaient pour moi, il m’est apparu évident que sans de telles situations, difficile de mesurer sa réaction devant l’imprévu. Dans les instants
qui ont suivi le vol du sac, je me suis senti vidé de l’intérieur comme si
perdre des objets personnels avait un lien direct avec moi-même; le voleur s’en
prenait plus à moi qu’au contenu du sac. Puis, diluant ma
personnalité dans celle d’un anonyme touriste occidental qui se fait
vandaliser, j'éloignais de moi toute forme de jugement, d'analyse, de réaction: j'étais au mauvais endroit au mauvais moment. Enfin, un sentiment profond de détachement m’a envahi, entièrement disposé à passer à autre chose. Il n’y a jamais eu dans toute cette
courte histoire, l’urgence de quelque façon que ce soit.
Voilà
sans doute la raison qui fait qu’après un mois, je ne ressens plus le besoin de
l’urgence, seulement de maintenir ce bien-être que je vis maintenant, au jour
le jour. Est-ce que je vais le recouvrer une fois revenu au Québec? Il n’y a
pas urgence à le savoir.
.
J’ai ma nouvelle caméra Kodak. Merci une autre fois à mon ami Jean-Luc qui m’a
mis sur la bonne piste. Je peux maintenant vous offrir quelques petits films,
peut-être sur la page web ou sinon à partir de You Tube. Et entreprendre
quelques rencontres à partir du thème Saïgon, According to…
.
Nous avons traversé l’année 2012 à partir du Cambodge. Cette année, nous en
discutons Lisa, Phat, YoYo, Miss Bamboo et moi, afin de voir si nous traverserons 2013 vers 2014 en-dehors du Vietnam. Nous avons vérifié du côté de Bali, mais
les prix sont trop exorbitants pour quelques membres du groupe. Lisa ne veut
pas retourner au Cambodge. Miss Bamboo aimerait bien le Cambodge. On envisage
Bangkok malgré que ce ne soit pas très calme pour le moment. Pas question des
Philippines, la Chine non plus. Finalement, le choix s’est porté sur Bangkok…
.
Je me surprends à lire deux anciens membres de l’Académie française :
Georges Duhamel et Maurice Genevoix. On n’écrit plus de cette manière. On ne
voit plus le roman ainsi. Mais comme c’est agréable d’apprécier le brio, l’habileté
avec lesquels des ceux auteurs utilisent les subjonctifs obsolètes, les épithètes
non usuels, les tournures de phrases qui donnent de jolis frissons. Un bien énorme pour l’esprit que de lire (chérir) la langue
française dans ses aspects vieillots! La lucidité, la clarté de pensée de ces
deux messieurs… un véritable bonheur.
.
Nous nous retrouverons pour les vœux de la Nouvelle Année au retour de
Thaïlande.
À
la prochaine
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