vendredi 2 septembre 2011

QUATRE (4) CENT-QUATROZE (14)

boris


peut-on?
aux portes d’un fleuve en partance vers le Japon,
installer le silence

doit-on?
lui exiger une couleur particulière
y glisser un enfant de cire
qui se numérotait le corps en binaire pour devenir universel
pour être celui qu’il n’est plus
celui qui parlait aux marionnettes
boris
le prénom qu’il lui avait donné



…une marionnette révélée
incognito sur les photos des autres épinglées dans la chambre noire
leurs mots collés sur papier émeri

autant de nous sur mille je

retrouvés aux pieds de sa figure de plâtre



un camelot mort,
,piétiné,
camelot de cire aux chiffres tatoués sur le corps

boris le nommait d’aucun substantif
celui qui le tirait par les fils

sophia
éthérée, voilée
traversant les chemins des nuages
des remuages
pour que le temps ait un sens
au cœur des colonnes grecques
l’attendra



boris,
,déjà,
n’a plus la figure in
couleur pierrot
ne défonce plus les rues avec son carrosse
qui cache
,le soir,
deux places publiques et comateuses
à rendre fou la foule

il virevolte, drille aveugle
angle mort à portée de main
couvrant d’ébène les ombres effacées
par les sabots du contretemps



à vouloir devenir
cheval de bois
atrabilaire insane jobard
nourri à la vésanie des nuits
assailli par mille succubes enfermés dans leur course infernale
déchiffrant un enfant mort



boris
marionnette déséquilibrée,
cavalier sur cheval de bois
,cruellement,
comme un jésuite nocturne marmonne des onomatopées incompréhensibles
grises et maussades
s’asphaltait s’engluait
dans la vitesse impuissante
où un fleuve l’attendait



alors tomba le camelot
calfeutré de feuilles mortes
sous les abris de l’automne
une sacoche rouge au flanc opposé
pleine encore des journaux matinaux



quelqu’un sur lui se pencha
bavant des insanités
attendues recopiées semblables

alors mourût le camelot

sur le miroir d’un grand fleuve orientalement en marche
on le déposera
lugubre cérémonie souffrante

à peine entré dans la vie il mourait
une marionnette au regard fixe
plus loin que les lents demains
enfilée à la main gauche

sophia
hautement vêtue dans les nues azurées
touchera du bout de ses doigts invisibles
le regard mathématiquement chiffré d’un enfant se raidissant

le transportera

au-delà des fils actionnés

au-dedans du delà fantoche

l’imprégnant d’une couleur origan



un camelot flottant entre huit idées perdues

flottant
entre et sur les os
,inconnu,
en route vers, sur et par les eaux glacées d’un pays clos
où se cachent des marionnettes intemporelles

flottait
cet enfant mort
cadavre ossuaire

il flottait
de l’immuable à l’imperméable
nouveau pensionnaire du guignol



boris
,au poignet,
sophia,
,l’inconnue,
au cœur



le camelot de cire
comme un Icare sans ailes
repose là
tout à côté
tout juste là
dans le silence des cieux

le ciel,
échiffre de ses yeux



- boris, je te suivais dans le peu de pas que la vie m’a donnés et tu me suivais dans le peu de mouvements que ma main te donnait -je te vêtais des mêmes habits semblables à ceux de tes premiers jours, de mes derniers jours, - nous nous suivions dans des allées incertaines, dans des avenues dessinées à même les nuits, à même les matins, toujours les mêmes, où je me fatiguais à me lever, à reprendre dans ma main tes fils flasques et partir vers les enclos de ma ville, toujours et toujours la même sacoche rouge accrochée au bras, regard bleu vers un soleil timide, sourire malade de ces souffrances grouillant dans mes os - je me racontais sans écoute, tu m’écoutais boris, leucomes dans tes pupilles agrandies et noires et immobiles et inertes, regard dilaté

- je te parlais avec des mots-images imaginaires cueillis à l’ a b é c é d a i r e de mes incertitudes



comme les kilomètres sont courts derrière des chevaux de bois
à entendre les marionnettes se taire



et sophia
dans de grands mouvements espagnols et musicaux
racontera en un langage inconnu
tel celui des médecins ne connaissant des maladies que les mots
si peu les souffrances enfantines



comme les kilomètres sont courts

quand sophia
exhalant des étrangetés innommées
dira la mort à la vie qui s’en va



- sophia, je te parlais à toi dont je ne connaissais ni le nom ni la provenance, te disant ma souffrance parce qu’une mère, parce qu’un père ne peuvent la recevoir, trop encore emprisonnés dans les filets de leur angoisse, me disaient de te parler à toi sophia, te dire je ne sais quoi avec des mots en cire, ceux d’un enfant qui meurt, te dire le mal qui chatouillait mes os et se préparait à me catapulter hors de moi-même, me versant comme le feraient trois notes de violon sur de longues remontées vers là où je ne croyais pas si rapidement aller, une marionnette entourée à mon poignet - dans ce si froid matin automnal, les chiffres d’un matin mauve que l’on reconnaît bien lorsqu’il se lève du même côté, toujours le même côté, où je sentais l’entre réalité entrer, les chiffres parlant entre eux, tout est entre tout



la mort est un immense courant d’air
que des fenêtres asymétriques sur la patine des ruelles
calfeutrent
le voyant venir
à la tête d’un cortège sifflant
la mort s’enroba au camelot de cire
à la marionnette flasque
effilée
qui révulsait vers nulle part
des yeux desquels tombèrent des morceaux d'âme



- je ne sais ce qu'est une âme, jamais on ne me l'a dit, jamais tu ne me l'as dit boris, tu ne parlais pas, tu ne me parlais pas boris, c'est moi qui parlais, que moi qui te parlais boris - je ne sais pas c'est quoi la mort, ce satellite bleu - je sais encore moins sophia, ce conte dans lequel les anges, ces éclairs de brouillard placardés sur le vent, récupèrent les morceaux d’âme - suis-je? toujours un morceau d'âme - je suis où je ne sais pas il y a entre boris et moi, dans une gestuelle parlée indéchiffrable, d’éternelles incompréhensions : une clôture barbelée comme les murs d’une prison; une ruelle sans fin comme la prise stérile de la glace sur les eaux hybrides du fleuve; des regards ternes comme des huit inversés; verticalement perdus, des poteaux délimitant les mécaniques mouvements de mon bras; des géants peureux; des grouillements gutturaux de chats; des couinements monocordes d’écureuils; des tournoiements interminables d’oiseaux durcis autour de croûtes sulfurées; des ordres et des mots d’ordre; l’ordre uniforme du bien souillant le mal dans l’obscure clarté du matin triangulant les axes et les parallèles d’un quadrilatère sphérique



sont-ce? les sons qui font les mots
y donnent leur sens
comment? ici la mort peut-elle s’inscrire
et, ailleurs si proche, absente
devenir une ombre qui se blafarde dans les yeux
d’une marionnette triste maintenant
une goutte de néant à son doigt



- boris, t’en souvient-il? Comment ne peux-tu plus t’en souvenir? Nous passions de blanc à noir et tu t’accrochais au noir, ébène sans doute, telle une chambre noire continuellement enfermée sur moi et je te gardais précieusement - j’avais peur… et ton silence me protégeait de ce que je ne savais pas - j’avais mal… et ta présence mettait du silence sur mes os et des eaux à mes yeux que l’on séchait en pleurant, ne sachant trop qui devait moins souffrir - boris, j’ai appris à avoir mal avant toute autre chose et les autres choses ne sont jamais venues à moi dans la clarté artificielle de ma vie, de mes jours, de mes nuits… - j’ai appris que les mots n’ont pas de sens, que des sons… que les mots sont les squelettes de la réalité… que je ne saisissais rien de rien, rien à rien, ni les uns ni les autres… des musiques évanescentes au bout des corridors-prisons sur lesquels se désarticulaient de longues envolées d’oiseaux libres… et des chiffres, des chiffres encore et nombre de chiffres sur des gens inconnus d’eux-mêmes qui me regardaient piteusement de leurs regards rayons-x qui parlaient toujours autour de moi avec des mots dont je ne saisissais pas les symptômes… puis s’en allaient, quittaient, revenaient pour ensuite encore me quitter à la vitesse de la couleur… - j’ai ainsi appris à compter les gens, les couleurs blanches, les murs d’oiseaux et les musiques, celles bourrées de notes blanches… avec toi, boris, ma seule présence



mon colostrum…



sur le fleuve les horizons s’évanouissent
les couleurs se noient entre elles
quelque part entre blanc et gris et le gris-blanc

sait-on? distinguer l’eau d’un fleuve des autres eaux
plus loin, encore et toujours plus loin que couleurs et musiques



sophia
trace du blanc
puis du gris



- je n’arrive plus à voir même si je regarde dans la direction horizontale, celle que l’on m’a indiquée, la verticale étant réservée à d’autres, ceux qui n’ont pas ma cataracte, ceux qui peuvent lamentablement se traîner vers ce qui me sera interdit. Enfermé dans ma camisole isolante, baptisé par l’eau du silence, secouru des limbes, je ne vis ma souffrance que laciniée davantage et définitivement enroulée à mon poignet, à ma cheville. Je pris dès lors partie pour le mutisme, pour un mutisme intégral, obstiné. Je ne parlerai plus que par les yeux. Secs. Sans eaux. Je serai un ensemble d’os. Et par des sons sans sons, je n’exigerai qu’une marionnette. Sans fils. Sans regard. Noire. Pour mon poignet, le jour. Ma cheville, la nuit. boris. Je te savais déjà dans ma vie, autant que je savais sophia, hors de ma vie. Autant ma vie, déjà, sortait de moi, pour s’installer entre les chiffres, confortablement régularisée et prête à attendre. Qu’attendre. Attendre l’attente et lui demander à son tour d’attendre aussi. Et regarder par les yeux de boris, ceux dont on voit qu’ils ne bougeront jamais, cristal sous la roche. Au coin de toutes les ruelles. Sombres et sales. Je verrai qu’attendre n’a de sens que si rien ne vient.



de formidables bruits de sabots se précipitent
hors des catacombes des océans
personne ne les reconnaît
seul ne les entend
qu’un camelot naissant dans la cire du sans rien dire
tel un soliflore
il penche sa tête de côté
tend une main blanche
ouverte
à l’immuabilité
à une marionnette
noire
fermée



une sacoche rouge tranche sur le blanc du lit

les architectes universels dessinent
avec des crayons de cire
sur un corps immobile
toute une série de chiffres nubiles



- je pris la décision de ne plus ressentir mes souffrances, de ne les reconnaître que par les yeux des autres, les insensibiliser et les nommer boris. Et on racontait… me racontait… et je n’écoutais pas, je n’écoutais plus déjà. Je regardais au-delà des murs et jetais mes yeux dans les eaux du fleuve, fleuve que personne ne voyait, ne s’attardant, ne s’intéressant qu’à ma bizarrerie. Mes parents-architectes s’immobilisaient devant moi… ne reconnaissant plus mes odeurs ils sentaient que j’allais dès ce moment devenir cet être de ruelles aux gestes mécaniques, amoureux fébrile d’une marionnette noire qui rêve d’un cheval de bois.


Merci d'avoir si longtemps attendu!

Au prochain saut


















Aucun commentaire:

Un peu de politique à saveur batracienne... (19)

  Trudeau et Freeland Le CRAPAUD ne pouvait absolument pas laisser passer une telle occasion de crapahuter en pleine politique fédérale cana...