vendredi 3 décembre 2010

Le trois cent quatre-vingt-cinquième saut / Le trois-cent-quatre-vingt-cinquième saut




Deux mois loin du crapaud! Cela exige une réflexion alors que j’y reviens.

Parmi les objectifs de ce voyage, un important : voir autre chose afin de provoquer l’arrivée de nouvelles images pouvant m’amener à de nouveaux poèmes. Il y a eu beaucoup d’eau, de bois et de routes… de dépaysements qui à la limite n’en sont pas finalement et qui se définiraient par «être ailleurs»… Rapporter de ces ailleurs, les petits quelques choses qui relancent les mots.

Il y avait d’autres objectifs : voyager avec mon grand ami Jean-Luc puis ma fille Mathilde, tester le tendon, revoir Paris. À travers ces objectifs, s’est infiltrée cette réalité : devoir vivre avec quelqu’un 24 heures sur 24 alors qu’à Montréal, je suis plutôt seul. Non pas isolé, mais seul.

Ce fut une agréable situation qui se transforme maintenant rentré à la maison en une découverte : ma maison est grande, oui, mais principalement… silencieuse. Il faudra réfléchir en profondeur à cela.

Également, LE CRAPAUD que j’ai laissé derrière moi – deux venues entre le début octobre et la fin novembre – et que je retrouve là, à quelques sauts du quatre-centième. La question suivante se pose, celle qui atterrit normalement sur la table de travail lorsque je franchis une nouvelle centaine de sauts : qu’arrivera-t-il de lui?

Cet automne, avant le voyage, j’y suis allé de quelques textes portant sur l’actualité tout en maintenant l’essence du blogue : y déposer le contenu de mes cahiers de lecture, les poèmes anciens et actuels, quelques textes de fiction. Ces deux mois en Espagne et en France m’auront-ils poussé vers autre chose? Je me rappelle, tout en marchant avec Jean-Luc, avec Mathilde ou encore, seul sur les berges de la Seine, je me rappelle m’être dit que je devrais faire davantage de photographie… achever le projet de lecture des poèmes qui avance mais auquel il faudra redonner de l’élan… ou encore, belle folie, partir en voiture (louée ou minoune achetée) traverser le Canada d’est en ouest pour revenir par les USA d’Obama… relancer cette idée d’entrevues auprès de personnes que je rencontre et qui, selon elles, n’ont rien à dire mais qui parlent beaucoup pour les déposer sur le blogue sous forme de poscast.

Autre chose. Cela parle de la discipline que l’on s’impose lorsqu’on ne voyage pas, discipline mais plutôt les habitudes ou une certaine organisation du temps. La lecture, cette habitude montréalaise. Je n’ai quasiment pas lu pendant deux mois. Federico Garcia Lorca, en Espagne. Houellebecq (Le Goncourt ) à Paris. Autrement, rien. Pas même le journal. Imaginez le bonheur de (re)feuilleter LE DEVOIR en arrivant!

Voyager c’est aussi beaucoup transformer nos petites habitudes quotidiennes, les échanger contre d’autres qui s’installent forcément, et au retour, s’apercevoir qu’on les retrouve intactes, comme inscrites autour des meubles quand ce n’est pas directement sur les meubles. Ces habitudes installées à plusieurs niveaux, que l’on arrive à oublier, devenues des automatismes frôlant les rituels, le retour de voyage est peut-être une belle occasion de les réfléchir.

Donc, deux mois loin de Montréal, du CRAPAUD et aussi de la maison. Nous tenterons de voir comment ils ont fait bouger la suite des choses.

Je vous propose, aujourd’hui, une première note puisée à ce que je ramène des routes européennes. Je les placerai sur LE CRAPAUD s’en tenir compte de l’espace et du temps. Tout ce qu’il y a de plus en vrac… Le désordre le plus complet.

PREMIÈRE NOTE

En face de l’appartement que j’habitais à Paris, rue Belliard, loge un service d’accueil pour les réfugiés politiques en demande d’asile aux autorités françaises. Certains jours, personne n’y faisait la queue. D’autres, et c’était la règle, une foule de gens attendaient d’être reçus par des fonctionnaires. Afin de s’assurer une meilleure place, ils arrivaient la veille, installaient sur le trottoir des tentes improvisées faites de bâche ou de toile d’un plastique rudimentaire, y passaient la nuit, une nuit d’attente dans des conditions qu’ils souhaitaient ainsi moins pénibles. Les autres, dans des allers-retours incessants sur un mètre carré, se promenaient sous la pluie de novembre et la fraicheur des nuits parisiennes. Les voitures circulant sur le boulevard Ney lancent tôt le matin des bruits ahurissants qui se répercutent dans le viaduc à quelques pas de là. Voici ce que j’ai noté.

Je crains pour la politique

Je crois que bientôt elle disparaitra

Au profit d’organisations libres et hybrides

Celles qui reflèteront le style de vie de gens se réunissant

De manière aléatoire, unis par le même désespoir

Un décloisonnement social est à prévoir

Je crains aussi la violence de ceux qui n’ont rien

N’ont rien à espérer rien à perdre

La vie urbaine de plus en plus semble créer ce modèle

Il se réalisera tout doucement

Et les grandes valeurs qui s’y accrochent seront

Manger boire dormir chier et pisser puis faire l’amour

Avant de mourir

Sans enfants sans projets sans rêves sans papiers sans nom et sans foi

Et il pleuvra tout le temps

Pour laver fruits et légumes

D’un monde gris de novembre à novembre

«un carnet d’ivoire avec des mots pâles»

B O N A C E (nom féminin)

. calme plat de la mer après ou avant une tempête.

B O N N E T E A U (nom masculin)

. jeu d’argent dans lequel le bonneteur mélange rapidement trois cartes après les avoir retournées, le joueur devant deviner où se trouve une de ces cartes.

Au prochain saut

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