samedi 20 mars 2010

Le trois cent quarante-deuxième saut / Le trois-cent-quarante-deuxième saut

À l’occasion de l’entrée de Simone Weil à l’Académie française, cette magnifique phrase :

. C’est un devoir pour chaque homme de se déraciner (pour accéder à l’universel), mais c’est toujours un crime de déraciner l’autre.

Nous avons, avec Jean Bédard, reçu quelques citations de Maître Eckhart – je vous réfère aux sauts 310 et 311 – cet illustre personnage à partir duquel Bédard a écrit un roman historique fort intéressant.

Aujourd’hui, un deuxième personnage tout aussi captivant, Comenius et un second roman OU L’ART SACRÉ DE L’ÉDUCATION, qui scrute la pensée de Jan Amos Komensky, écrivain et humaniste tchèque (un autre) qui vécut de 1592 à 1670. Il est intéressant de noter qu’étymologiquement son nom komenty, en tchèque, signifie «commentaire», «explication». Je vous rappelle que nous avions déjà entrepris une première visite chez lui lors du saut 269.

Nous en aurons probablement pour deux sauts. Bonne lecture.

. On ne donne pas la vie, la vie prend feu dans l’espace inflammable du cœur.

. La partie préparatoire, rigide et cruelle du temps, c’est le passé; sa partie subtile, vitale et malléable, c’est l’avenir.

. On doit déposer la vie lentement sur le dos des enfants, par petits paquets bien pesés. Trop d’atermoiements, ils restent chétifs, trop d’empressement, on risque de les éteindre. Préserver l’enfant, c’est protéger sa joie naturelle. L’enfant aime le difficile, il grimpe, escalade, saute. Par le difficile, il renforce son corps, sa volonté, sa sagacité, sa mémoire. Mais le trop difficile écrase. L’éducateur doit moduler les exigences. Cela suppose qu’il assume lui-même le poids. Tel est le terrible métier de parent.

. Messieurs les renfrognés, j’en ai trop vu des comme vous. Depuis des millénaires, vous guerroyez pour vos idées. Figurez-vous que durant ce temps, vos guerres tuent. Alors, pourriez-vous, un siècle ou deux, cesser d’avoir des idées.

. Si la vérité n’est pas ce qui arrive par soi dans la plus grande des solitudes, elle n’est rien.

. Qu’une partie domine le tout, c’est l’essence même de la violence.

. … la connaissance résulte de la rencontre de quatre sources : soi, la nature, la Révélation et autrui.

. S’il y a une souffrance, c’est que nos enfants doivent poser le pied dans nos lacunes…

. Un homme, c’est une femme, la cervelle en moins. Ça veut fortune, ça dilapide son bien; ça aime la vie, ça la risque; ça veut commander, ça obéit; ça veut une femme, ça se tient entre mâles; ça sème, mais ça fuit la récolte; ça a la tête plein d’idéaux et ça fait la guerre.

. Ce n’était pas la mort qui était passée dans ces villages, c’était l’enfer. La mort relève de la nature, Lucifer relève de l’homme. La mort, on en revient, l’enfer on n’en revient jamais.

. Le démon pousse la victime à ressembler au bourreau. Voir s’infiltrer dans son cœur ce qui nous a fait si horreur dans l’ennemi, c’est le pire de la guerre. La paix était signée, mais qui pouvait fêter? Qu’était cette paix? En fait, la guerre était entrée. Elle se cachait dans les entrailles humaines. Tant qu’il y a combat, la guerre est à l’extérieur, on la voit, on la hait. Mais lorsque les combats cessent, la guerre dévore du dedans.

. … le mal surgit toujours d’une guerre qu’on laisse couver contre soi-même. Toute violence contre les autres n’est que le surplus d’une violence contre soi. Un homme qui a fait la paix avec soi ne fait plus de mal autour de lui. De ce fait, il est plus sage de chercher la réconciliation avec soi que tenter de se punir. Les sages, lorsqu’on leur impose une douleur injuste, une humiliation, une souffrance, dès que ce malheur cesse, ils ne le continuent pas dans leur imagination. Ils n’ajoutent pas à la haine qu’ils ont reçue, ils ne se croient pas coupables parce qu’on les a humiliés. Alors ils souffrent moins longtemps et ils éprouvent moins souvent le besoin de tuer. Et s’ils éprouvent le besoin de tuer, ils attrapent une mouche, ils lui écrasent la tête, lui arrachent les pattes et les ailes. Ça les soulage un moment, après ils apprennent à rire et ils peuvent y voir plus clair.

. Après avoir tout pulvérisé, ils (les excès de la souffrance) se métamorphosent en calmes brises, reviennent sur leurs pas et réconfortent leurs victimes.

. Mais l’amour est l’amour, il ne repousse pas à la surface, mais amène dans la profondeur.

. La guerre est un instinct. Après un carnage, la vengeance. La vengeance est une pure imitation et cela tisse des liens de haine. Rien n’est plus savoureux que cette haine. L’homme est un chasseur, lorsqu’il a goûté au sang, il en devient ivrogne. La campagne se couvre de cadavres et la vue des morts, le pousse à se reproduire. Un besoin de femme le dévore. Ce qu’il a pris en sang, il doit le rendre en semence. Tel est le cycle. La femme refait les chairs, l’homme les dévore. C’est le règne de la bête. L’humanité n’est pas née et le tourbillon du feu perpétue l’espèce comme un espoir : un jour, un homme véritable sortira bien d’une femme. Hélas! la quantité d’engendrement ne semble pas accroître la probabilité d’arriver à l’humanité.

. C’était peut-être cela la minuscule graine de l’amour, une demi-seconde de contact suffisait pour la recevoir. Le reste consistait à la cultiver.

Au prochain saut pour la suite...

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