Aujourd'hui, tirées de son oeuvre à la fois unique et gigantesque, quelques citations d'Anne Hébert qui est née le 1 août 1916 à Sainte-Catherine-de-Fossambault (maintenant Sainte-Catherine-de-la-Jacques-Cartier), un petit village situé à 40 kilomètres au nord-ouest de Québec.
Tout près, il y a le manoir de ses ancêtres Juchereau- Duchesnay où sa mère a passé une partie de son enfance, qu'habite alors la famille Garneau. Vers 1932, se développe une amitié entre Anne Hébert et Hector de Saint-Denys de quatre ans plus âgé.
C'est en 1942 qu'elle publie un premier recueil de poèmes, bien accueilli par la critique, et qui lui vaut le troisième prix au concours du prix Athanase- David 1943: Les songes en équilibre.
Publié en 1950, Le Torrent sera la deuxième oeuvre à paraître, puis en 1953, Le Tombeau des Rois, son oeuvre maîtresse, deuxième recueil de poèmes sur lequel elle travaillait depuis dix ans.
Anne Hébert obtient une bourse de la Société royale du Canada (1954) lui permettant alors de séjourner à Paris où elle y écrira Les Chambres de Bois. Son congé de l'Office national du Film n'étant que d'un an, elle décide néanmoins de prolonger son séjour de deux autres années.
Elle revient à Montréal en 1957 et y demeure deux ans. A partir de 1960, année de la mort de son père, elle habitera tour à tour en France et au Québec. Une bourse spéciale du Conseil des arts lui sert de soutien financier pour la période 1961-1962. A la mort de sa mère en 1965, Anne Hébert se fixe définitivement à Paris.
Après quatre ans de recherche et de rédaction pour son deuxième roman, elle connaît enfin le succès en 1970 avec Kamouraska. Reconnue surtout comme poétesse et nouvelliste, elle s'impose comme romancière à l'âge de 54 ans.
Paraît un troisième roman en 1975, Les Enfants du Sabbat.
En 1982, Anne Hébert devient la quatrième Canadienne-française et la deuxième Québécoise à obtenir un grand prix littéraire. Après Gabrielle Roy, prix Fémina 1947, Marie-Claire Blais, prix Médicis 1966, et Antonine Maillet, prix Goncourt 1979, Anne Hébert obtient, pour Les Fous de Bassan, le prix Fémina.
Anne Hébert décède à l'hôpital Notre-Dame de Montréal, le 22 janvier 2000, à l'âge de 83 ans.
. Une fois qu'on est engagé dans l'aventure du mystère, une fois qu'on a donné son consentement profond, rien n'est plus impossible. La réalité se trouve franchie, dépassée, et les choses les plus extraordinaires ne boulversent plus aucun ordre, ne provoquent plus d'étonnement.
. Malheur au rêveur qui franchit la zone interdite du passé.
. L'emploi de la force physique indique trop bien la défection de ma puissance spirituelle. La brutalité est le recours de ceux qui n'ont plus de pouvoir intérieur.
. Je n'ai que des signes vides. J'ai porté trop longtemps mes chaînes. Elles ont eu le loisir de pousser des racines intérieures. Elles m'ont défait par le dedans. Je ne serai jamais un homme libre. J'ai voulu m'affranchir trop tard.
. Tout homme porte en soi un crime inconnu qui suinte et qu'il expie.
Et ce poème magnifique: LE TOMBEAU DES ROIS
J'ai mon coeur au poing.
Comme un faucon aveugle.
Le taciturne oiseau pris à mes doigts
Lampe gonflée de vin et de sang.
Je descends
Vers les tombeaux des rois
Étonnée
À peine née.
Quel fil d'Ariane me mène
Au long des dédales sourds?
L'écho des pas s'y mange à mesure.
(En quel songe
Cette enfant fut-elle liée par la cheville
Pareille à une esclave fascinée?)
L'auteur du songe
Presse le fil.
Et viennent les pas nus
Un à un
Comme les premières gouttes de pluie
Au fond du puits.
Déjà l'odeur bouge en des orages gonflés
Suinte sous le pas des portes
Aux chambres secrètes et rondes,
Là où sont dressés les lits clos.
L'immobile désir des gisants me tire.
Je regarde avec étonnement
À même les noirs ossements
Luire les pierres bleues incrustées.
Quelques tragédies patiemment travaillées,
Sur la poitrine des rois, couchées,
En guise de bijoux
Me sont offertes
Sans larmes ni regrets.
Sur une seule ligne rangés:
La fumée d'encens, le gâteau de riz séché
Et ma chair qui tremble:
Offrande rituelle et soumise.
Le masque d'or sur ma face absente
Des fleurs violettes en guise de prunelles,
L'ombre de l'amour me maquille à petits traits précis;
Et cet oiseau que j'ai
Respire
Et se plaint étrangement.
Un frisson long
Semblable au vent qui prend, d'arbre en arbre,
Agite sept grands pharaons d'ébène
En leurs étuis solennels et parés.
Ce n'est que la profondeur de la mort qui persiste,
Simulant le dernier tourment
Cherchant son apaisement
Et son éternité
En un cliquetis léger de bracelets
Cercles vains jeux d'ailleurs
Autour de la chair sacrifiée.
Avides de la source fraternelle du mal en moi
Ils me couchent et me boivent ;
Sept fois, je connais l'étau des os
Et la main sèche qui cherche le coeur pour le rompre.
Livide et repue de songe horrible
Les membres dénoués
Et les morts hors de moi, assassinés,
Quel reflet d'aube s'égare ici?
D'où vient donc que cet oiseau frémit
Et tourne vers le matin
Ses prunelles crevées?
À la prochaine.
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