samedi 27 décembre 2008

Saut: 252

Le 27 décembre 2007, il y a un an exactememt, au dernier saut de l'année (le 190), je vous offrais un texte intituté «La Marche» et signé par France Théorêt.

Aujourd'hui, pour clore 2008, c'est de Yann Martel dans «L'histoire de Pi» que j'ai puisé celui-ci, sur la peur.


« Je dois dire un mot sur la peur. C'est le seul adversaire réel de la vie. Il n'y a que la peur qui puisse vaincre la vie. C'est une ennemie habile et perfide, et je le sais bien. Elle n'a aucune décence, ne respecte ni lois ni conventions, ne manifeste aucune clémence. Elle attaque votre point le plus faible, qu'elle trouve avec une facilité déconcertante. Elle naît d'abord et invariablement dans votre esprit. Un moment vous vous sentez calme, en plein contrôle, heureux. Puis la peur, déguisée en léger doute, s'immisce dans votre pensée comme un espion. Ce léger doute rencontre l'incrédulité et celle-ci tente de le repousser. Mais l'incrédulité est un simple fantassin. Le doute s'en débarasse sans se donner de mal. Vous devenez inquiet. La raison vient à votre rescousse. Vous êtes rassuré. La raison dispose de tous les instruments de pointe de la technologie moderne. Mais, à votre surprise et malgré des tactiques supérieures et un nombre impressionnant de victoires, la raison est mise K.-O. Vous sentez que vous vous affaiblissez, que vous hésitez. Votre inquiétude devient frayeur.


Ensuite, la peur se tourne vers votre corps, qui sent déjà que quelque chose de terrible et de mauvais est en train de survenir. Déjà, votre souffle s'est envolé comme un oiseau et votre cran a fui en rampant comme un serpent. Maintenant, vous avez la langue qui s'affale comme un opossum, tandis que votre mâchoire commence à galoper sur place. Vos oreilles n'entendent plus. Vos muscles se mettent à trembler comme si vous aviez la malaria et vos genoux à frémir comme si vous dansiez. Votre coeur pompe follement, tandis que votre sphincter se relâche. Il en va ainsi de tout le reste de votre corps. Chaque partie de vous, à sa manière, perd ses moyens. Il n'y a que vos yeux à bien fonctionner. Ils prêtent toujours attention à la peur.


Vous prenez rapidement des décisions irréfléchies. Vous abandonnez vos derniers alliés: l'espoir et la confiance. Voilà que vous vous êtes défait vous-même. La peur, qui n'est qu'une impression, a triomphé de vous.


Cette expérience est difficile à exprimer. Car la peur, la véritable peur, celle qui vous ébranle jusqu'au plus profond de vous, celle que vous ressentez au moment où vous faites face à votre destin final, se blottit insidieusement dans votre mémoire, comme une gangrène: elle cherche à tout pourrir, même les mots pour parler d'elle. Vous devez donc vous battre très fort pour l'appeler par son nom. Il faut que vous luttiez durement pour braquer la lumière des mots sur elle. Car si vous ne le faites pas, si la peur devient une noirceur indicible que vous évitez, que vous parvenez peut-être même à oublier, vous vous exposez à d'autres attaques de peur parce que vous n'aurez jamais réellement bataillé contre l'ennemi qui vous a défait.»


Je vous souhaite une bonne fin d'année 2008 et une belle entrée en 2009. Nous nous reverrons pour les voeux de circonstance.


Au prochain saut

lundi 22 décembre 2008

Saut: 251



À quelques jours de Noël, le crapaud vous présente ses étrennes. Vous vous en doutez, il s'agit un poème. Non, pas celui sur le temps... faut lui laisser le temps.

À ceux qui me demandent si je vais déposer un conte de Noël sur le blogue - les plus anciens lecteurs se rappelleront celui du 23 décembre 2005, le seul d'ailleurs - le crapaud répond que non, malheureusement non. Pourquoi malheureusement? Cette semaine, au cours d'une marche quotidienne dans les grands froids montréalais, les trottoirs glacés et glissants, une idée m'est venue. Cette idée aurait très bien pu devenir un conte. Mais, va savoir pourquoi! , ça ne s'est pas concrétisé. Je crois être trop pris actuellement avec mes histoires de temps...

Je repars dans quelques minutes, marcher, alors je promets que si cette veine d'idée revient me hanter, j'irai plus loin et peut-être en ferai un conte du jour de l'an...

Voici ce poème, il sera le dernier à paraître sur le blogue en 2008 et porte le titre suivant:
un astronaute, des corbeaux... au loin


Suivra la petite chronique, mais je vous en parle après ce poème. Bonne lecture!



un astronaute, des corbeaux… au loin

un astronaute marche dans la ruelle
il parle tout seul
dans sa main asséchée, une bouteille d’eau de l’au-delà,
il bat la mesure militaire,
un pas appelant l’autre


au loin… deux corbeaux le suivent


l’apesanteur pèse lourd aux talons astronautes
se colle au bitume automnal
comme de la glue martienne
du sable rouge accroché à sa ceinture scaphandre
il aspire les trous de l’univers comme des aimants dépolarisés


au loin… deux corbeaux le poursuivent


au bruit qui taraude une clôture, sursaute l’astronaute,
de muettes comètes s’y pendent, accrochées à l’envers,
radieuses de promesses aériennes
elles charrient des vents stellaires étourdissants
alors que s’enfuient deux oiseaux d’acétylène


de loin… deux corbeaux lui survivent


un télescope inversé dans son bagage inutile
tintinnabule aux talons de l’astronaute
au fond de la ruelle hébétée, il fixe des yeux
ces hordes désaccordées de corbeaux accumulés
qui embrouillent son chemin, azimut perdu


deux corbeaux, pierres de lune, s’immobilisent
deux corbeaux solaires s’éclipsent de la bande…

et de loin… s’approchent de l’astronaute



Je vous parlais, au saut 250, d'une nouveauté. Au fil de mes lectures, certains mots se sont accroché à mes yeux, à mes oreilles. Soit que leur sens m'était tout à fait inconnu ou encore leur sonorité, leur architecture m'amenaient à des images aussi inattendues que saugrenues. J'en ai fait un cachier. Je dirais, un florilège. Dans ce cahier (noir à rebords rigides) ils sont en désordre comme ils me sont arrivés. Ici, je les ai «ordre-alphabéthisés». Voici un A et un B.

Oh! oui. Je souhaitais nommer cette chronique le «mot-dit». En lisant le poète français André Frénaud, j'y ai découvert ce petit vers tout simplement génial et fort approprié à cette entreprise: «un carnet d'ivoire avec des mots pâles».


Alors les «mots-dits» iront échouer dans ce carnet d'ivoire...

(A)

A B S C O N S (adjectif)

. difficile à comprendre
- (abstrus)

(B)

B A G U E N A U D E R (verbe intransitif)

. s’amuser à des choses vaines et frivoles (comme les enfants qui font éclater des baguenaudes : petites gousses remplies d’air qui éclatent avec bruit lorsqu’on les pressent);
- muser

. baguenauder ou se baguenauder : se promener en flânant.
- se balader; flâner; musarder; se promener.


Joyeux Noël et au prochain saut

jeudi 18 décembre 2008

Saut: 250



Nous poursuivons, aujourd'hui, les citations au sujet du temps.

Le crapaud veut vous signaler qu'à partir du prochain saut (le 251) il ajoutera une nouveauté. En effet, depuis un bon moment déjà, j'épure mes cahiers de lecture et glisse ici les petits bijoux récoltés sur plusieurs années de lecture.

J'ajouterai le fruit d'un autre cahier. celui des mots qui ont frappé mon imagination depuis ce jour où je me suis mis à lire en compagnie de mon ami Robert. Robert, il est petit mais il sait tout, ou presque. Ce dictionnaire aux feuilles d'oignon m'est certainement l'ami le plus fidèle. Lorsqu'un mot m'est, me fut inconnu, je me retournais vers lui. Parfois, souvent même, il admettait son incapacité à le décrypter mais dans le grande majorité des cas, il me renseigne (gnait)...

Je vous offrirai donc, dès le prochain saut et les autres qui suivront, ces mots qui m'ont ébloui et que malheureusement nous n'utilisons trop peu. Ce sera un peu mes « mots dits»...

D'ici là, revenons au temps...



. Cette mobile image
De l'immobile éternité. Jean-Jacques Rousseau

. Le temps est une pensée ou une mesure, non une réalité. Antiphone

. Le temps et la mémoire sont de véritables artistes; ils corrigent la réalité et la ramènent plus près du désir du coeur. John Dewey

. Le plus de sable s'est écoulé du sablier de la vie, le plus clair nous devrions être capables d'y voir au travers. Jean-Paul Sartre

. La vie bourgeonne, une accélération de la vague pulsion primordiale, dans le ténébreux gaspillage du temps. W.V.O. Quine

. Il faut toujours semer derrière soi un prétexte pour revenir, quand on part.
Alessandro Bariccoo

. Hâtons-nous; le temps fuit, et nous traîne avec soi: le moment où je parle est déjà loin de moi. Boileau

. Oui, le temps qui coule, inépuisable, inexorable, le temps bouleverse toute chose. Il dévoile ce qui restait caché, il cache ce qui s'était montré, il rend possible l'impossible, il ébranle l'inébranlable. Sophocle

. Ne vous dérangez pas, le temps ne fait que passer. Vassilis Alexakis

. Qu'est-ce que le temps? Si personne ne me le demande, je le sais. Si je veux l'expliquer à qui me le demande, je ne le sais plus. Saint Augustin

. L'Homme est Éternité...
le temps est comme l'Éternité,
l'Éternité comme le temps. Angelus Silesius

. Il est grand temps de rallumer les étoiles. Guillaume Apollinaire

. ... j'ai compris que je ne vivrais pas éternellement. Il faut longtemps pour apprendre ça, mais, une fois qu'on le découvre, le changement intérieur est complet, on ne peut plus jamais redevenir tel qu'on était. Paul Auster


Et j'achèverai par les mots de deux illustres chansons.

La première, Avec le temps de Léo Ferré...


Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie le visage et l'on oublie la voix
Le coeur, quand ça bat plus, c'est pas la peine d'aller
Chercher plus loin, faut laisser faire et c'est très bien
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
L'autre qu'on adorait, qu'on cherchait sous la pluie
L'autre qu'on devinait au détour d'un regard
Entre les mots, entre les lignes et sous le fard
D'un serment maquillé qui s'en va faire sa nuit
Avec le temps tout s'évanouit

Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
Mêm' les plus chouett's souv'nirs ça t'a un' de ces gueules
À la Gal'rie j'farfouille dans les rayons d'la mort
Le samedi soir quand la tendresse s'en va tout' seule
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
L'autre à qui l'on croyait pour un rhume, pour un rien
L'autre à qui l'on donnait du vent et des bijoux
Pour qui l'on eût vendu son âme pour quelques sous
Devant quoi l'on s'traînait comme traînent les chiens
Avec le temps, va, tout va bien

Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
On oublie les passions et l'on oublie les voix
Qui vous disaient tout bas les mots des pauvres gens
Ne rentre pas trop tard, surtout ne prends pas froid
Avec le temps...
Avec le temps, va, tout s'en va
Et l'on se sent blanchi comme un cheval fourbu
Et l'on se sent glacé dans un lit de hasard
Et l'on se sent tout seul peut-être mais peinard
Et l'on se sent floué par les années perdues

Alors vraiment
Avec le temps on n'aime plus.



...la seconde, Dis, quand reviendras-tu? de Barbara.



Voilà combien de jours, voilà combien de nuits
Voilà combien de temps que tu es reparti?
Tu m'as dit cette fois c'est le dernier voyage
Pour nos coeurs déchirés c'est le dernier naufrage
Au printemps tu verras, je serai de retour,
Le printemps c'est joli pour se parler d'amour
Nous irons voir ensemble les jardins refleuris
Et déambulerons dans les rues de Paris.

Dis, quand reviendras-tu
Dis, au moins le sais-tu
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus.

Le printemps s'est enfui depuis longtemps déjà
Craquent les feuilles mortes, brûlent les feux de bois
À voir Paris si beau dans cette fin d'automne
Soudain, je m'alanguis, je rêve, je frisonne
Je tangue, je chavire, et comme la rengaine
Je vais, je viens, je vire, je tourne et me traîne
Ton image me hante et je te parle tout bas
Et j'ai le mal d'amour et j'ai le mal de toi

Dis, quand reviendras-tu
Dis, au moins le sais-tu
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus

J'ai beau t'aimer encore, j'ai beau t'aimer toujours
J'ai beau n'aimer que toi, j'ai beau t'aimer d'amour
Si tu ne comprends pas qu'il te faut revenir
Je ferai de nous deux mes plus beaux souvenirs
Je reprendrai ma route, le monde m'émerveille
J'irai me réchauffer à un autre soleil
Je ne suis pas de celles qui meurent de chagrin
Je n'ai pas la vertu des femmes de marin

Dis, quand reviendras-tu
Dis, au moins le sais-tu
Que tout le temps qui passe
Ne se rattrape guère
Que tout le temps perdu
Ne se rattrape plus.

Au prochain saut

samedi 13 décembre 2008

SAUT: 249




Suite au poème sur la mort (saut 247), le crapaud se dirige maintenant vers un thème que l'on peut placer parmi les «classiques»: le temps. Le poème qui devrait en sortir - d'ici quelques... ou plus ou moins... - abordera la question du temps comme étant cet espace entre la vie et la mort, espace inexorablement en marche.

Voici l'état de mes recherches à ce jour. Ce sont, vous vous en souvenez, des citations, des réflexions puisées à même mes cahiers de lecture. Bon temps!


. Il y a des minutes où l'avenir se présente à un homme sous des couleurs si sombres qu'il craint d'arrêter sur lui le regard de son esprit, qu'il interrompt toute activité cérébrale et s'efforce de se convaincre qu'il n'aura pas d'avenir et qu'il n'eut pas de passé. Léon Tolstoï

. Mais le temps se fout des retardataires, il court sur son cheval, et les impulsions qui arrivent trop tard retombent derrière lui dans leur néant.
Jean Bédard

. Le temps s'occupera d'égaliser, c'est sa plus noble fonction. Jean Bédard

. Mais aujourd'hui, je sais que ni le temps ni l'espace ne parviennent jamais à dissiper nos doutes. Il est inutile de remettre au lendemain ce qui demain me sera toujours aussi difficile ou aussi impossible à réaliser. Fernando Savater

. Prendre conscience de son présent, c'est ne plus rien attendre. Albert Camus

. Passons passons puisque tout passe. Guillaume Apollinaire

. L'homme n'a point de port, le temps n'a point de rive;
il coule et nous passons. Lamartine

. Ce temps qui est un dieu, le seul qui nous reste. Il ne se laisse ni fléchir, ni allonger, ni rapetisser. Éternel pour certains, morts depuis très longtemps pour d'autres, c'est peut-être lui, le temps, cet ange aux bras ouverts, qui nous attend, là-bas. Robert Lalonde

. Le temps humain ne tourne pas en cercle mais avance en ligne droite. C'est pourquoi l'homme ne peut être heureux puisque le bonheur est désir de répétition. Milan Kundera

. Les strates successives de notre vie sont si étroitement superposées que dans l'ultérieur nous trouvons toujours de l'antérieur, non pas aboli et réglé, mais présent et vivant. Bernard Schlink

. Longtemps, on rampe sur cette terre comme une chenille, dans l'attente du papillon splendide et diaphane que l'on porte en soi. Jonathan Little

. C'est toujours une tentation irrésistible pour les gens qui n'ont pas de passé d'essayer d'acheter celui des autres. Han Suyin

. Le temps est l'école où nous apprenons. Joan Didion

. Comment ce qui ne va pas durer peut-il avoir tant de réalité? Pierre Nepveu

. L'homme, dont le berceau est si voisin de la tombe, gaspille son temps en futilités.
Somerset Maughan

. La plupart des vieilles gens ont quelque chose de trompeur, de menteur dans leur façon d'être avec les gens plus jeunes qu'eux; on vit sans crainte à leurs côtés sur la foi de relations sûres, on sait leurs idées favorites, on reçoit incessamment confirmation de la paix, on trouve tout parfaitement naturel, mais qu'il se produise soudain un événement décisif, c'est à ce moment, où l'on devrait récolter les fruits d'une tranquillité si longtemps préparée, qu'on voit les vieillards se dresser comme des étrangers, révéler des idées plus cachées, plus fortes que les précédentes, et déployer enfin au vent leur vrai drapeau, sur lequel on lit avec effroi une devise inattendue. Cet effroi vient surtout du fait qu'ils disent alors des choses beaucoup mieux fondées qu'auparavant, beaucoup plus judicieuses, beaucoup plus évidentes - si l'évidence est susceptible de degrés. L'insurpassable duperie est qu'ils avaient au fond toujours dit la même chose. Kafka

. L'homme n'est pas, il est en train d'être... Alexandro Jodorowsky

. Ceux qu'on appelle les inadaptés, les déchets de la société (les clochards, les drogués, les dépressifs, etc.), sont sûrement des êtres qui n'ont pas eu la grâce ou la culture permettant de survivre à la folie qui menace l'être conscient de l'étrangeté de la vie. Ce sont, en un sens, les êtres les plus conscients et qu'on envoie au front sans armes, un peu comme les Aztèques nourrissaient le temps avec des sacrifices humains pour ne pas qu'il s'épuise. J'ai lu quelque part que la conscience des héroïnomanes, par exemple, est pleine de tmps, que le temps est leur unique objet de pensée. Yvon Rivard

. (BIG BEN sonne) Les cercles de plomb se dissolvent dans l'air. Virginia Wolf

. Quel sens pourrait avoir pour nous un événement qui ne nous écraserait pas? Le futur est fait pour nous immoler. Cioran

. (Yerma- la femme stérile)
- Je ne pense pas à demain, je pense à aujourd'hui. Tu es vieille et tu vois tout comme dans un livre déjà lu. Moi, je pense que j'ai soif et que je n'ai pas de liberté. Je veux avoir un fils dans les bras pour m'endormir tranquille, et écoute-moi bien et ne t'effraye pas de ce que je te dis: même si je savais que mon fils me martyrisera, qu'il me haïra, qu'il me traînera par les cheveux dans les rues, je recevrais sa naissance avec joie, parce qu'il vaut beaucoup mieux pleurer un homme vivant qui nous poignarde que pleurer pour ce fantôme assis, depuis des années, sur mon coeur.
Federico Garcia Lorca


Au prochain saut

mardi 9 décembre 2008

SAUT: 248

Règlons immédiatement la question des prédictions, ensuite on jasera.

1) Le Québec élira un GOUVERNEMENT MAJORITAIRE;
( 1/1, tout va bien jusqu'ici).

2) Le GOUVERNEMENT MAJORITAIRE sera sous la responsabilité du Parti Libéral;
(2/2, mais c'était facile).

3) L'opposition officielle sera confiée au PARTI QUÉBÉCOIS;
(3/3, rien de bien malin).

4) Il n'y aura pas de deuxième opposition et le parti de MARIO DUMONT disparaîtra de la carte politique québécoise;
(3.5/4, pas entièrement mais le chef disparaît).

5) Aucun autre parti politique n'enverra de député à l'Assemblée nationale du Québec.
(3.5/5, Québec Solidaire m'a fait mentir).

Mais il y avait aussi les deux coups fumants. Le premier étant que le crapaud ne voterait pas Vert mais plutôt Serge Mongeau dans Hochelaga-Maisonneuve. Ça s'est fait et le candidat solidaire y a récolté près de 13% du vote.

Le deuxième prévoyait la défaite de Mario Dumont dans Rivière-du-Loup: vrai à moitié; élu, il annonce qu'il quitte son parti.

Bon! Le scénario apocalyptique que le crapaud avait annoncé advenant le vote contre les velléités conservatrices idéologiques du premier ministre ( à quelque 35%) Harper, et le fait que le Québec soit sans gouvernement, cela ne s'est pas produit et la combien....etc. Mikaëlle Jean n'est pas devenue la maîtresse suprême du Canada pendant au moins une soirée. On l'a échappé belle mais avouez que c'était de la très haute voltige politique.

Que s'est-il vraiment passé au Québec le lundi 8 décembre 2008? D'abord, le froid. Voter la «guédille au nez» c'est pas évident. Difficile de dire combien de Québécois(es) ont préféré demeurer à la maison ou au travail ou ailleurs au lieu de se présenter au bureau de vote, d'y recevoir leur bulletin, s'isoler et le colorer à l'endroit de leur choix démocratique et risquer de le voir annulé lors du comptage des votes parce que la «guédille au nez» serait tombée sur le bulletin, le détériorant d'une certaine manière... Lorsqu'on ne connaît pas parfaitement bien la loi électorale on pourrait être porté à croire qu'en salissant un bulletin on risque des représailles de la part du Directeur des Élections.

Donc le froid. Deuxièmement, et ce facteur devrait je crois être pris en considération par le gouvernement: voter le jour de l'Immaculée Conception c'est un peu, beaucoup pour d'autres, une forme de profanation. Pensez aux deux termes: immaculée et conception. Pas évident. Le bulletin (sur fond noir) présentait quelques petits trous blancs (à colorer en noir). Rien d'immaculé et combien profanateur que ce geste, surtout de la part de gens qui sont de moins en moins des profanes dans l'art de voter, l'exercice se répétant assez régulièrement. Cherchons et nous trouverons certainement une journée neutre, sans pluie, sans soleil, sans froid, sans chaleur, sans vent, sans rien... et rendons-là, institutionnalisons-la, journée du vote. Comme dans le village de Babine, le 43 novembre ou le 0 avril à chaque quatre ans bissextiles.

Troisième élément et celui-là, il est de taille. Obligeons les gens à voter. Sinon? Sinon, je ne sais pas: coupons les allocations familiales, les pensions de vieillesse, les rentes et les chèques du bien-être; retenons sur le chèque de paye des travailleurs une journée de salaire; ou encore, pour faire plus moderne, donnons une prime au vote. Un vote = une prime.

Mais afin d'accélérer le processus - si on ne souhaite pas entrer dans mes propositions qui sont un peu des mesures de droite - installons un système qui permettrait à chacun des partis politiques (reconnus , officiels, déclarés, financés, accrédités) de connaître ( par leurs noms, prénoms, surnoms, initiales) tous ceux et toutes celles qui voteront pour eux, ainsi les résultats nous parviendraient beaucoup plus rapidement et dans certains comtés, les électeurs pourraient être dispensés de voter si la majorité est évidente. On téléphone au parti de son choix, on donne son nip personnel et son mot de passe, et vlan! c'est fait. Finis les attentes inutiles. Terminée la course aux pancartes sur chaque poteau de chaque coin de rue. Les partis compareraient leurs listes et le député s'imposerait de lui-même. Comme ça serait simple! Il ne s'agirait que d'ajouter le concept de justice dans la loi électorale pour achever le tout, exigeant qu'à tour de rôle et cela pendant quatre ans, les partis politiques se succèdent au pouvoir. Avouez que cela abrègerait les viles campagnes électorales...

Mais cette prospective politique n'est pas pour demain. D'ici là, réjouissons-nous de l'entrée d'Amir Khadir à l'Assemblée nationale, de la sortie de Mario Dumont, de l'arrivée d'une chef de l'opposition officielle et de l'élection d'un même parti politique formant un gouvernement pour une troisième fois d'affilée.

Tout en cela en attendant les élections fédérales... prévues pour ce printemps!

Au prochain saut

jeudi 4 décembre 2008

SAUT: 247



Le crapaud ne reviendra pas sur le psycho-drame politique canadien... même si la tentation est forte.

Lundi prochain, la situation décrite dans mon préambule aux prédictions électorales ne verra pas le jour... ou le soir. Il y a accalmie, du moins pour le moment. Mais il faut avouer que cela nous change du petit train-train habituel. Le crapaud a presque le goût de souhaiter le re-venue d'un gouvernement minoritaire à Québec, juste pour voir si nous pourrions être aussi théâtraux qu'à Ottawa....

Mais les prédictions sont faites et je n'y reviens pas.

Passons à autre chose de plus sérieux.


Je vous parlais de ce poème sur la mort. Il est présentable et vous l'offre en ce début du mois de décembre.





si mourir avait un sens



si mourir avait un sens
qui le suivrait?
yeux ouverts cœur sur la main âme alerte pied léger estomac vide
et mal de tête


si mourir avait un sens
où cela mènerait-il ?
du nord vers le sud à l’est ou à l’ouest de l’éden
où l’œil des ouragans se noie au centre des circonférences



si mourir avait un sens
qui le saisirait ?
par la peau du cou de chagrin des fesses au mieux la peau de l’autre
que peaufinerait un serpent comme un cadavre à nos pieds


si mourir avait un sens
(et comme mourir n’est pas la mort)

il n’en a pas
pas plus que ces yeux fermés sur un cœur arrêté
pas davantage qu’une âme placée à l’intersection
dirigerait le vent immobile, un pied devant l’autre,
en route vers les mots ne sachant dire le sens délétère de la mort
que par des abstractions chimériques
aussi grandes que des trous noirs à l’intérieur de l’épiderme

si mourir avait un sens
(et puis mourir n’est pas la mort)

il n’en a pas
pas plus que la signalisation-cul-de-sac qui obstrue nos vies
gommée à des panneaux frais peints annonçant le début
de cette marche létale vers des décors factices
puis s’arrêterait, sens dessus dessous,
comme paralysée de peur et de honte,
là où les boussoles déréglées rejoignent le néant




Au prochain saut

samedi 29 novembre 2008

SAUT: 246

Jean Charest

Pauline Marois

Le 8 décembre 2008 ou pour être plus mathématique le 08/12/2008... risque de passer à l'histoire canadienne. En effet, alors que les Québécois/es iront aux urnes, que par la suite ils retourneront chez eux, que les scrutateurs s'affaireront à dépouiller les boîtes de leurs bulletins de vote, à ce moment-là, à moins que le premier ministre Harper ne sorte un autre lapin de son chapeau, à ce moment-là son gouvernement tombera. À même pas deux mois de son entrée en fonction.

Et ça serait, si les tractations ne s'embourbent pas dans le français tout à fait personnel de Ed Broadbent, ancien chef du NPD (Nouveau Parti Démocratique) et l'anglais tellement personnel de Jean Chrétien, ancien chef du Parti Libéral du Canada et Premier Ministre du même pays, et qu'il en résulte un échec de leurs négociations, ça serait une première de mémoire de crapaud: un gouvernement de coalition! On se croirait en Europe.

Quelle journée ça serait! À vivre dans toute sa splendeur. Pour être pratique, pragmatique comme on le dit en politique, le résultat du vote à la Chambre des Communes d'Ottawa nous parvenant avant la fin de la soirée électorale québécoise, on pourrait donc se retrouver durant quelques heures avec pas de gouvernement canadien et pas de gouvernement québécois...

Il faut le faire... Chers nous autres, comme nous faisons bien les choses lorsque l'on s'intéresse correctement à la vie politique. Je nous félicite en votre nom.

Est-ce que le monde s'arrêtera de tourner, de vivre, de plonger plus creux encore dans cette gigantesque crise économique qui se répand sur la planète entière et semble toucher les petits et les grands états alors que le Canada et le Québec seront durant quelques heures sans gouvernement?

Est-ce que le Conseil de sécurité des Nations Unies se réunira d'urgence afin de statuer sur notre situation plutôt unique?

Est-ce que la Gouverneure Générale du Canada, la tant si trop superbement belle Mikaëlle Jean, deviendra la «cheffe» incontestée du pays et aura l'idée de penser au Québec en lui nommant un représentant de haut niveau alors que suspendus aux lèvres de Bernard Derome nous attendrons patiemment les résultats nous demandant tous, l'un après l'autre dans un même élan de voix: c'est qui qui mène là, tout de suite, à ce moment même?


Mikaëlle Jean

À cette question fort pertinente, bien malin celui qui saurait y répondre de manière constitutionnelle. Nous serons, plus, nous vivrons enfin et pour une fois dans notre vie un instant anticonstitutionnellement réel. Personne pouvait croire qu'un jour dans sa vie, ce mot (encore le plus long cité dans le Larousse) allait être utilisé ailleurs que dans les concours d'épellation. Personne. Eh! bien (c'est une faute, je le sais mais j'aime mieux ainsi...) nous y sommes.

Sans gouvernement, ça le crapaud l'a dit. Et durant ces heures fébriles, nous voterons, noux exercerons notre droit de vote et il faut avouer que depuis quelques mois, l'exercice devient presqu'une habitude! Et qu'est-ce que cela donnera? Voici ce que vous attendiez... Prédictions et résultats. La situation l'exige, ils seront brefs, concis et, je l'espère, combien réconfortants.

Vous connaissez le dicton suivant: Après la pluie, le beau temps. Le crapaud et sa fille Odile ont pu en vérifier l'exactitude en septembre dernier, à Cuba. Après l'ouragan Ike ce fut du temps merveilleusement beau et les Cubains nous disaient: Après l'orage, le beau temps. Ça s'est avéré tout à fait exact. Donc, il a de fortes chances que ce que je vais vous prédire, à partir de cette implacable amorce, le soit aussi.

Je vous ai demandé, deux fois plutôt qu'une, de voter afin que le résultat nous amène à un gouvernement minoritaire. Deux fois plutôt qu'une vous l'avez fait. Cela donne cette merveilleuse situation historique dans laquelle nous nous retrouvons maintenant. C'est évident que dans deux cents ans, lorsque les petits terriens iront étudier sur Mars l'histoire du Canada, ils ne verront pas votre nom inscrit dans leur livre dont je n'ose même pas imaginer quelle forme il prendra, votre nom ne sera pas inscrit comme ayant été un acteur de premier ordre dans ces moments uniques, non, mais vous en aurez fait partie. Tout comme ceux qui ont assisté à l'Orange Bowl du football semi-professionnel américain de 1961 ont fait partie de l'histoire du football. Ils y étaient comme vous y êtes. C'est là l'essentiel.

Alors, elles viennent ces prédictions? Oui, elles viennent et ne vous surprendront pas. Pas du tout même:
1) Le Québec élira un GOUVERNEMENT MAJORITAIRE;
2) Le GOUVERNEMENT MAJORITAIRE sera sous la responsabilité du Parti Libéral;
3) L'opposition officielle sera confiée au PARTI QUÉBÉCOIS;
4) Il n'y aura pas de deuxième opposition et le parti de MARIO DUMONT disparaîtra de la carte politique québécoise;
5) Aucun autre parti politique n'enverra de député à l'Assemblée nationale du Québec.

Voilà. Mais il y aura, dans cette élection dont le but ultime était de nous débarrasser de l'impasse d'un gouvernement minoritaire - l'économie d'abord, oui... ce n'était qu'un prétexte - au moins deux coups fumants.

Le premier étant que le crapaud ne votera pas pour le Parti Vert. Non. Dans mon comté (Hochelaga-Maisonneuve) le candidat du parti Québec Solidaire est le Dr Serge Mongeau. Impossible pour le crapaud de ne pas voter pour lui.

Le deuxième coup fumant, il est de taille: le crapaud prédit que Mario Dumont sera battu dans son comté de Rivière-du-Loup.

Le crapaud vous laisse méditer sur ces propos et vous invite à voter le 8 décembre mais surtout à vivre entièrement, complètement, historiquement cette journée comme si jamais une autre de cette ampleur ne pouvait survenir.

Au prochain saut


PS Je sais que si Harper tombe, on risque de se retrouver avec Dion. Il faut le faire... un chef démissionnaire, battu à la grandeur du Canada, que ses propres députés abhorent deviendrait premier ministre... Je nous trouve merveilleux d'avoir permis une si subtile situation ( vive les «s»)!

lundi 24 novembre 2008

SAUT: 245


Il faut le faire: à la veille du débat des chefs avec pas tous les chefs, le crapaud se lance dans le début de son analyse politico-électorale en prévison des élections québécoises du lundi 8 décembre prochain.

Il faut le faire: tous les sondages parlent d'une commune voix et leur écho semble s'abattre sur les mêmes murs et ce sont loin d'être ceux de l'enthousiasme des électeurs qui prévoient bouder un peu beaucoup le scrutin, malgré cela le crapaud continue sa démarche.

Il faut le faire: deux des trois chefs connus, les autres n'ayant pas le droit au même traitement médiatique, ont paradé à l'émission radio-canadienne calquée sur la française de France, TOUT LE MONDE EN PARLE, et le crapaud qui ne les pas écoutés, tête haute s'avance sur les sentiers périlleux de la prévision, de la prospective sans avoir pu déguster la quintessence des propos qui y furent échangés.

Tant d'événements flamboyants ne se sont pas encore déroulés au cours de cette campagne automnale qu'il faut sans doute penser, du moins le crapaud le croit, que tout risque de se passer dans la deuxième période de la course. Course, vous le savez très bien, qui en comprend trois, tout comme pour notre sport national. La première étant la mise en place des autobus, des pencartes et de tout l'attirail visuel servant à bien informer, bien instruire le peuple donc le rendre bien au fait des enjeux fondamentaux ainsi que des réponses (parfois semblables, avouons-le humblement) des si peu différents partis politiques... Du moins de ceux dont on nous induit en informations tous les jours... des trois dont l'acronyme s'achève par un Q: un Q pour Québec, je le précise pour les lecteurs du monde entier qui s'intéressent froidement à ce qui se passe actuellement sur notre territoire québécois toujours membre à part inégale de l'ensemble canadien, lui-même assujetti au géant nord-américain.

Vous voyez tout doucement s'installer l'analyse sinon, je ne suis pas clair. Un premier énoncé (je vous le dis tout de suite, il pourrait y en avoir plus ou moins deux) s'impose de lui-même: dans les faits, ceux qui comptent vraiment, qui jouent la vraie «game», nous n'avons que trois partis politiques: le PLQ (les libéraux de Jean Charest), le PQ (les péquistes de Pauline Marois) et Mario Dumont (les adéquistes). Mais le crapaud, soucieux de mener son observation le plus sérieusement du monde, et contre toute attente vous présente, aujourd'hui, la liste officielle de tous les partis politiques en lice pour le vote du 8/12/2008:

Affiliation Québec (faut voir leur drapeau!) ;

Bloc pot (le programme et le plan d'affaires sont plutôt centrés sur le cannabis... surpris?) ;

Mouvement équité au Québec (c'est tout nouveau mais il y a un chef) ;

Parti communiste du Québec (le site annonce leur participation à Québec solidaire) ;

Parti démocratie chrétienne du Québec ( il y a un chef et une vice-chef);

Parti durable du Québec (parti aussi jeune que son chef aussi jeune que son parti!!!) ;

Parti des immigrés du Québec (peu de choses de connues, mais il y a un chef) ;

Parti égalité (parti de droite anglophone avec un chef de droite anglophone) ;

Parti indépendantiste (parti avec des grandes lignes et un chef... indépendantiste tout de suite) ;

Parti marxiste-léniniste du Québec (impossible de trouver le nom du/de la chef(fe) ;

Parti république du Québec (leur sigle ressemble beaucoup à celui du PQ) ;

Parti vert du Québec (Avançons, c'est vert!... j'aime ça. Un chef en prime.);

Québec solidaire (le parti bicéphale qui est POUR POUR POUR);

Union du centre (mais des régions... avec un chef, du moins il me semble!).

Trois (encore le trois!) sont enregistrés dans deux langues:
le Parti libéral du Québec / Quebec Liberal Party (remarquez ici les majuscules que l'on ne retrouve pas en français);

le Parti égalité / Equality Party (idem pour les majuscules);

le Parti vert du Québec / Green Party of Quebec (ibidem).


Bon. Où en sommes-nous?

Énoncé 1: dans les faits on dénombre 17 partis politiques reconnus par le Directeur général des élections du Québec et dans les vrais faits, ce sont 3 partis dont on nous abreuve d'informations un peu partout. Ceci amène le crapaud à s'interroger et vous invite à faire de même, en rappelant qu'une question c'est plus important qu'une réponse.

Est-ce dû au fait que seuls ces trois partis politiques sont représentés à l'Assemblée nationale ou tout simplement parce qu'ils sont seuls à rouler en autobus avec le portrait du chef dessus, qu'ils seront les seuls trois à participer au débat? Voici une piste car je n'ai pas encore vu le bus du parti Union du centre et encore moins celui du Parti démocratie chrétienne du Québec. Et vous?

Est-ce parce la population, habituée à parler de hockey même en été, saisit mieux tout ce qui est présenté sous la coiffe du trois/3/III ?

Est-ce que les trois chefs/cheffes présents(e)s au débat de demain sont dans l'impossibilité de faire la nomenclature des nom/prénom des autres chefs/cheffes de partis et que leurs organisateurs ne souhaitaient pas les voir patauger, debout dans une mare de noms, devant quelques milliers (millions peut-être) de téléspectateurs lorsque celui/celle-ci aurait voulu répondre à un argument de celui/celle-là?

- Vous remarquez combien il est difficile de conjuguer les genres en politique - Aucun impair n'est permis, il faut continuellement s'adresser à lui/elle en même temps, le nommant de Québécois/Québécoise électeur/électrice. Ça complique mais ça implique tout le monde!

Donc, revenons où nous en étions. Nos «est-ce que» ?

Est-ce qu'un débat à 17 (ou + selon les partis bicéphales) serait moins suivi qu'un débat à trois?

Cessons immédiatement ces vaines questions. Il y aura débat et ce sera avec les trois qui ont déjà débattu dans l'arène de l'Assemblée nationale à Québec, devant une télévision (celle des débats parlementaires) ayant, on peut le dire sans risquer de se tromper, un peu moins d'écoute que Radio-Canada.

Le crapaud vous laisse méditer là-dessus et vous reviendra après la rencontre qui lancera la deuxième période de la joute électorale. La troisième étant, le jour du scrutin. Non, il n'y aura ni période supplémentaire ni tirs de barrage...

Le deuxième énoncé portera, vous vous en doutiez bien, sur l'imposante pression qui repose sur les épaules des électeurs, à savoir: devrions-nous élire un gouvernement majoritaire? Si oui, à quel parti devrait incomber cette lourde responsabilité. Si non, pourquoi?

Toute une chronique en vue.

À bientôt.




P.S. (1) Le « Il faut le faire » pourrait devenir un excellent slogan politique. Peut-être pour un dix-huitième parti à fonder...

P.S. (2) Les photos qui illustrent ce saut suggèrent que l'on aurait pu faire le débat dans un autobus, neutre il va sans dire. C'eut été un vrai débat en transport public lui-même en partenariat privé... quelque chose dans le genre!!!

mardi 18 novembre 2008

SAUT: 244



Je sais que vous attendez avec une anxiété non dissimulée l'opinion, plus encore, une analyse de la situation électorale au Québec de la part du crapaud.

Vous connaissez sa perspicacité (on pourrait même avancer... sa clairvoyance...) à déceler le climat politique principalement en temps d'élections: inutile de rappeler les prédictions lors des provinciales de 2007 et les fédérales canadiennes de 2008... Au fait, j'avais prédit l'élection du candidat démocrate Barrack Obama mais tout simplement oublié de le publier sur le blogue. Je sais que vous me croyez sur parole!

Vous devrez malheureusement vous résoudre à attendre encore quelques jours avant que le crapaud n'y aille de son exhaustive observation, le temps d'achever la lecture de tous les sondages, de décortiquer tous les programmes politiques, d'avoir communiqué directement avec au moins la moitié de l'électorat de son comté (Hochelaga-Maisonneuve) qui est loin d'être un comté baromètre, le classant plutôt dans la catégorie des assurés pour le Bloc (au fédéral) et le PQ (au provincial), d'avoir indirectement communiqué avec tous les chefs et «cheffes» des partis politiques en présence (en absence pour certains...) et humblement décliné l'invitation personnelle que m'a faite Bernard Derome de commenter avec lui, en lui et à côté de lui les résultats du 8 décembre...

Vous voyez que faire des prédictions n'est pas une mince tâche et laisse très peu de place à l'intervention aléatoire du hasard... Après cet exercice, au plus tard une semaine avant la grande marche solitaire du peuple vers les isoloirs, le crapaud vous dira ce qui adviendra du Québec au lendemain de l'Immaculée-Conception (le 8 décembre étant encore dans les esprits et les faits, cette fête combien difficile à comprendre).

En attendant, j'achève avec vous cette marche sur la route de la mort... par ces dernières citations.


. La mort n'est pas la pire chose qui puisse arriver aux hommes. Platon

. Une chose qui est toujours sujette à la direction d'une autre est une chose morte.Thomas d'Aquin

. L'esprit désincarné est immortel; rien en lui ne peut vieillir ni mourir. Or, l'esprit incarné voit la mort à l'horizon dès le premier jour de son existence. Thomas Hobbes

. La mort n'est pas un événement de la vie. La mort ne peut être vécue. Wittgenstein

. La mort est le génie inspirateur, le musagète de la philosophie. Sans elle, on eût difficilement philosophé. Schopenhauer

. Ceux qui sont morts ne sont jamais partis
Ils sont dans l'Ombre
Les morts ne sont pas sous la Terre
Ils sont dans le Bois, dans l'Eau, dans la Foule...
Les Morts ne sont pas morts.
Birago Diop

. La mort ne vous concerne ni mort ni vif: vif parce que vous êtes; mort parce que vous n'êtes plus. Montaigne

. Crois-tu que la vie soit un passage d'une mort à l'autre? Faut-il vraiment transiter par tant de morts pour arriver à vivre? Fernand Ouellette

. Ne sais-tu pas que la source de toutes les misères de l'homme, ce n'est pas la mort, mais la crainte de la mort? Épitecte

. La chose du monde à laquelle un homme libre pense le moins, c'est la mort; et la sagesse n'est point la méditation de la mort mais de la vie. Spinoza

. Après la mort, il n'y a rien, et la mort elle-même n'est rien. Sénèque

. Si tu veux pouvoir supporter la vie, sois prêt à accepter la mort. Freud

. Il n'importera pas de se dire quelque chose de précis, mais seulement de se parler. Le langage étant un moyen de communication exclusif de l'homme, tout refus du langage est une mort. Roland Barthes

. La vie des morts consiste à survivre dans l'esprit des vivants. Cicéron

. Quand on ne sait pas ce qu'est la vie, comment pourrait-on savoir ce qu'est la mort? Confucius

. Je voudrais être mort: c'est un souhait fréquent qui prouve, du moins quelques fois, qu'il y a des choses plus précieuses que la vie. Diderot

. La mort rattrape ceux qui la fuient. Horace

. Les hommes n'ayant pu guérir la mort, la misère, l'ignorance, se sont avisés pour se rendre heureux de n'y point penser. Pascal

. Les hommes sont différents dans la vie, semblables dans la mort. Lao-Tseu

. Si la mort était un bien, les dieux ne seraient pas immortels. Sappho

. La mort, le maître absolu. Hegel

. Dans la vie d'un homme, il y a deux dates importantes, celle de sa naissance et celle de sa mort. Tout ce qu'on fait entre ces deux dates n'a pas beaucoup d'importance. Jacques Brel

. Les hommes ne sont convaincus de vos raisons, de votre sincérité, et de la gravité de vos peines, que par votre mort. Tant que vous êtes en vie, votre cas est douteux, vous n'avez droit qu'à leur scepticisme. Albert Camus

. En général, la mort fait que l'on devient plus attentif à la vie. Paulo Coelho

. La vie est une chose étonnante, en effet. Il n'y a que la mort qui l'égale. Jacques Ferron

. Nous savons que chaque homme est mortel, mais non que l'humanité doit mourir.
Simone de Beauvoir
. La mort est un monstre qui chasse du grand théâtre un spectateur attentif, afin qu'une pièce qui l'intéresse infiniment finisse. Casanova

. La mort est d'abord une image, et elle reste une image. Gaston Bachelard


Au prochain saut

vendredi 14 novembre 2008

SAUT: 243



Je travaille actuellement sur un poème qui portera, du moins il le porte pour le moment, le titre suivant: SI MOURIR AVAIT UN SENS.

J'ai visité quelques chemins afin de me nourrir de ce thème, les voici.


. Envisager la mort avec calme ne compte que si nous l'envisageons seul. La mort à deux n'est plus la mort, même pour les incrédules. Ce qui chagrine, ce n'est pas de quitter la vie, mais de quitter celui qui lui donne un sens. Lorsqu'un amour est notre vie, quelle différence y a-t-il entre vivre ensemble ou mourir ensemble? Raymond Radiguet


. Comme celui qui va mourir et qui le sait ne s'intéresse pas au sort de sa femme, sauf dans les romans, il réalise la vocation de l'homme qui est d'être égoïste, c'est-à-dire désespéré.
Raymond Radiguet


. Le grand courage, c'est encore de tenir les yeux ouverts sur la lumière comme sur la mort. Raymond Radiguet


. La vérité, c'est une agonie qui n'en finit pas. La vérité de ce monde c'est la mort. Il faut choisir, mourir ou mentir. Je n'ai jamais pu me tuer moi. Céline


. Nous sommes, par nature, si futiles, que seules les distractions peuvent nous empêcher vraiment de mourir. Céline


. Soudain, je compris à nouveau que la mort est notre soeur bonne et sage; elle sait l'heure qui convient et nous devons lui faire confiance. Hermann Hesse


. Personne n'a en effet l'expérience de la mort et voilà tout le malheur de l'homme. Tout ce que nous vivons nous apparaîtrait sous un jour différent si nous pouvions le vivre avec l'expérience de la naissance et de la mort, mais l'une et l'autre ont été refusées à notre conscience. Et ce sont justement les données essentielles. Jan Trefulka


. ... au coeur de ma nébuleuse, dans ce flou de la mort qui enveloppe les survivants, on n'attend pas de la clarté qu'elle fasse toute la lumière.
Jean Rouaud


. Le froid, l'effroi, je connais ces mots
ils ne sont pas des mots
c'est cela qui m'importe
depuis le sang fortuit de naître
vers la mort qui n'est pas le passage
il faut le trouver maintenant.
Puis rien. L'éternité a eu lieu.
Il n'est de passage que de l'espèce
parce qu'après c'est comme avant
Gaston Miron


. Ce qui m'intéresse, c'est qu'on vive et qu'on meure de ce qu'on aime.
Milan Kundera


. Peut-être l'homme est mauvais parce que, la vie durant, il attend de mourir: et meurt mille fois dans la mort des autres et des choses. Car tout animal conscient d'être en danger de mort devient fou. Fou peureux, fou rusé, fou méchant, fou fuyant, fou servile, fou furieux, fou haineux, fou tortillard, fou assassin.
Tony Duvert


. Ce qui m'intéresse n'est pas qu'il y ait une vie après la mort, mais qu'il y en ait une avant. Fernando Savater


. Mais j'étais abandonnée par mes forces, elles s'étaient sauvées comme un crayon. Quoi qu'on fasse et qu'il en soit, et aussi loin qu'on aille, il faut s'étendre au bout du compte pour dormir, c'est fatal. On a la laisse au cou, la fatigue qui vous retient à la terre finalement vous y tire, et on tombe, toujours, que voulez-vous. C'est l'élastique de la mort. Gaétan Soucy


. Ce n'était pas une mort, mais une tendresse devenue permanente.
Jean Bédard


. ... un ours en colère peut aller jusqu'à retarder sa propre mort simplement pour assouvir sa vengeance. Jean Bédard


. Mourir n'est pas péché: ce n'est que bondir quelques années devant soi.
Jean Bédard


. Une mort qui approche est déjà terrible, mais bien pire est une mort qui approche et qui accorde un sursis, un temps où tout le bonheur que vous avez connu et celui qui aurait pu être le vôtre se précisent à vos yeux. Vous voyez avec une intraitable lucidité tout ce que vous allez perdre. Cette vision vous pénètre d'une tristesse bien plus opprimante que celle qui surgirait dans votre esprit face à une voiture qui fonce sur vous ou aux flots où vous allez vous noyer. La sensation est vraiment insoutenable. Yann Martel


. Le seul voyage incontestable qu'inaugure la mort, c'est celui des vivants qui errent à la recherche de ceux qui n'avaient plus la force de mourir un peu.
Yvon Rivard


. Les êtres moraux, et nous le sommes tous plus ou moins, ne se débattent pas entre le bien et le mal mais entre la vie et la mort. Et, contrairement à ce que l'on pourrait penser, seuls sont vivants ceux que la mort traque. Yvon Rivard


. Ce ne serait pas la peine de mourir, si on ne devenait pas plus raisonnable après qu'avant. Colette


. Que vais-je devenir jusqu'à ce que je meure? Victor Hugo


. La vie est une maladie qui se soigne... la mort ne se soigne pas.
Nikos Kazantzaki


. Quand les rêves sont éconduits, la mort devient l'ultime salut.
Yasmina Khadra


Et je retourne à ce poème qui devrait bien finir par apparaître ici, un jour ou l'autre.
Je me demandais combien de gens prennent le temps de penser à leur épitaphe? Que dire de soi maintenant qui serait «parlant» une fois mort? Personnellement, si par aventure il me prenait l'idée d'une telle idée, eh! bien (je sais que c'est une faute que d'écrire de cette manière eh bien!, mais je préfère personnellement le point d'exclamation après le «eh» qu'après le «bien») donc, je disais... oh! oui... je crois que j'emprunterais un vers à Lorca ou Saint-Denys-Garneau. Il parlerait de la distance entre avant, maintenant et après... enfin, quelque chose du genre.

Au prochain saut

lundi 10 novembre 2008

SAUT: 242


Trois poèmes fort bien connus mais combien beaux à relire en ce presque milieu de novembre qui de plus en plus nous ressort ses allures d'automne. Verlaine, Prévert et Baudelaire. Placez-vous une petite musique appropriée... Bonne lecture et à la prochaine.



Chanson d'automne (Paul Verlaine)


Les sanglots longs
Des violons
De l'automne
Blessent mon coeur
D'une langueur
Monotone.

Tout suffocant
Et blême, quand
Sonne l'heure,
Je me souviens
Des jours anciens
Et je pleure;

Et je m'en vais
Au vent mauvais
Qui m'emporte
Deça, delà,
Pareil à la
Feuille morte.



Les feuilles mortes (Jacques Prévert)


Oh! Je voudrais tant que tu te souviennes
des jours heureux où nous étions amis
En ce temps-là la vie était plus belle
et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle...
Tu vois je n'ai pas oublié
Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
les souvenirs et les regrets aussi
et le vent du nord les emporte
dans la nuit froide de l'oubli
Tu vois je n'ai pas oublié
la chanson que tu me chantais

C'est une chanson qui nous ressemble
Toi tu m'aimais
et je t'aimais
Et nous vivions tous deux ensemble
toi qui m'aimais
moi que j'aimais
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment
tout doucement
sans faire de bruit
et la mer efface sur le sable les pas des amants désunis

Les feuilles mortes se ramassent à la pelle
les souvenirs et les regrets aussi
Mais mon amour silencieux et fidèle
sourit toujours et remercie la vie
Je t'aimais tant tu étais si jolie
Comment veux-tu que je t'oublie
En ce temps-là la vie était plus belle
et le soleil plus brûlant qu'aujourd'hui
Tu étais ma plus douce amie
Mais je n'ai que faire des regrets
Et la chanson que tu chantes
toujours toujours je l'entendrai

C'est une chanson qui nous ressemble
Toi tu m'aimais
et je t'aimais
Et nous vivions tous deux ensemble
toi qui m'aimais
et que j'aimais
Mais la vie sépare ceux qui s'aiment
tout doucement
sans faire de bruit
et la mer effeace sur le sable
les pas des amants désunis.



L'Ennemi (Charles Baudelaire)


Ma jeunesse ne fut qu'un ténébreux orage,
Traversé ça et là par de brillants soleils;
Le tonnerre et la pluie ont fait un tel ravage,
Qu'il reste en mon jardin bien peu de fruits vermeils.

Voilà que j'ai touché l'automne des idées,
Et qu'il faut employer la pelle et les râteaux
Pour rassembler à neuf les terres inondées,
Où l'eau creuse des trous grands comme des tombeaux.

Et qui sait si les fleurs nouvelles que je rêve
Trouveront dans ce sol lavé comme une grève
Le mystique aliment qui ferait leur vigueur?

- Ô douleur! ô douleur! Le temps mange la vie,
Et l'obscur Ennemi qui nous ronge le coeur
Du sang que nous perdons croît et se fortifie!

mercredi 5 novembre 2008

SAUT: 241


Si vous avez souvenance du saut: 238, je parlais d'un poème inachevé auquel «Hubble» faisait écho. Ou la suite, je ne sais trop. Il est prêt (l'est-on jamais?, pour le crapaud qui touche, retouche continuellement chaque mot de chaque strophe de chaque poème afin qu'il puisse mieux entourer et parfois contourner l'image afin qu'une autre apparaisse), il est prêt à venir s'étendre ici. Ce poème dont le titre «morceaux d'homme» sera, du moins je l'espère, ce petit et combien nécessaire élan qui me ramènera à cette histoire qui dort depuis Paris 2004, cet automne du début de la retraite, histoire que je croyais simple à écrire mais qui me fait suer... c'est peu dire!

«Hubble», du nom de ce télescope lancé en 1990, presqu'aveugle depuis septembre dernier, celui qui fait le tour de la terre en cent minutes, ce Hubble qui reprend du service maintenant, nous faisant parvenir d'aussi loin qu'il voltige actuellement des images quasi parfaites (du fait qu'il se situe en-dehors de l'atmosphère), le crapaud l'a fait se poser sur Mars afin qu'il puisse vérifier si effectivement on y trouve des «morceaux d'homme». Si oui, lesquels. Si non, pourquoi?



L'intérêt de Hubble réside aussi dans la «loi de Hubble» qui s'énonce de la façon suivante: les galaxies s'éloignent les unes des autres à une vitesse proportionnelle à leur distance. Cela signifie que plus une galaxie est loin de nous, plus elle semble s'éloigner rapidement.

Où cela nous mène-t-il? Eh! bien, directement à ce travail qui me fait face depuis quatre ans et qui traite du mouvement. Il en traite à partir du Paradoxe de Zénon qui démontre que le mouvement n'existe pas. Alors on imagine la situation: Hubble d'un côté et de l'autre, Zénon d'Élée. Je continue et vous tiendrai au courant... Mais je puis tout de même vous dire qu'il aborde le mouvement dans un ensemble plus vaste incorporant la mémoire, la réalité et le langage... En fait, quelque de chose de tellement simple que je m'y perds souvent moi-même ...


D'ici là, voici ce poème: «morceaux d'homme». À lire avec «Hubble» en tête...


très loin
à tout juste un pas de l’horizon
derrière son ombre
un homme
marche à pas feutrés,
en fait, il se suit,
criant aux échos sordides de se taire
puis dépose sur les couleurs du soleil
une pirouette entre air et chair


- arracheuse de corps
ébrancheuse d’âmes -
une main ronde
balaie l’envers courbe des rayons
puis se regarde placidement
tel un puits de lumière
une rotonde
et rampe dans ses propres traces
originel serpent
posant entre hier et demain le geste perdu d’aujourd’hui


un pied bot
imprime sur les arbres
des cartes difformes
comme des entorses
des contrefaçons imperturbables
il repère la carte des chemins
guide universel perdu entre les interstices des trottoirs
hésitant l’intervalle d’un hiatus
d’un frémissement
puis va claudiquant à cloche-pied


un cœur essoufflé
métronome les rêves tel un héraut têtu
un coureur empêtré
un marcheur égaré
il mesure les étoiles annonciatrices de vents
de pistes rabougries par un temps tueur
rafistole de coutures les battements muets,
ceux qui écartèlent les morceaux rapetissés
syncopant vie et mort


des yeux d’âme
rets éclatés
chercheurs d’éternités plus éternelles que les éternités
celles qui recommencent
alors que se rejoignent les fragments
enfouis dans une chrestomathie, entre chaud et froid
sous l’immensité d’un inutile rien
au fond du long tunnel de sang
bariolant l’étroit corridor neuronique


les morceaux d’homme
ne se rejoignent qu’à travers le temps
celui des lauriers-roses qui fleurissent blancs
celui des doigts gercés coupant les fleurs


les morceaux d’homme
s’incorporent aux étoiles satellites
celles qui, jadis, moururent
éclatées d’avoir trop chercher


les morceaux d’homme
gisent dans les mains du néant
celui qui meuble les regards biaisés
où s’amoncelle au cœur d’un cerveau impénétrable
une nourriture transparente




Au prochain saut

samedi 1 novembre 2008

SAUT: 240




Nous entrons dans novembre. Un mois charnière. Un mois-saison à lui seul. Qui s'amuse (le matin) entre l'automne et le printemps, (l'après-midi) nous plonge l'été pour finalement se lancer en plein hiver, (la nuit). Un mois-scorpion. D'Armistice. De feuilles mortes nous regardant sous une légère couche de glace mouillée. Un mois valétudinaire. Porteur de grippe, de noirceur matinale et de fin d'après-midi gris. De vents. De nuages lourds et frileux. Qui clignent des yeux lorsque le soleil les offusque.

Nous entrons dans novembre par la porte de l'été des Indiens. Y glissons sur des pavés verglacés. Les arbres, figés dans leurs dernières grimaces, nous craquent leurs derniers saluts; déshabités, ils regardent mourir à leurs pieds les derniers vestiges d'une saison intermédiaire. Novembre de froid, de neige hésitante. De terre immobilisée se cherchant une dernière posture. Fantôme immobile. Novembre, de mort.

En y entrant, le souvenir de ce texte d'André Fortin mis en musique par Jimmy Bourgoing, le souvenir des Colocs me revient. «Dehors novembre» ouvrira ce mois de trente jours, de huit lettres, le onzième de l'année, celui qui vient du mot «novem» signifiant «neuf», celui qui débute par la Toussaint et la Fête des Morts, les élections américaines, Thanksgiving et l'Armistice, le 11...

Puis:
De la Journée Internationale de la tolérance, le 16, au lendemain d'un certain 15 novembre, celui de 1976...
De la Journée Internationale des Droits de l'enfant, le 20, deux jours avant l'assassinat de JFK, en 1963...
De la Journée Internationale pour l'élimination de la violence à l'égard des femmes, le 25...

Novembre et ses bizarres de proverbes:
. Quand en novembre il a tonné, l'hiver est avorté;
. En novembre fou engendre, en août gît sa femme;
. Le mois de novembre est malsain, il faut tousser dès la Toussaint;
. À la Saint-Séverin (27 novembre), la neige est en chemin.





DEHORS NOVEMBRE



Dehors novembre, je suis couché sur mon grand lit
Du coin de mon oeil par la fenêtre j'voé l'hôpital
Chu pas capable de croire qu'y faut qu'm'arrête ici
Mais chu tout seul, pis de toute façon ça m'fait trop mal
Mon corps c'est un pays en guerre sur l'point d'finir
Le général de l'armée de terre s'attend au pire
J'ai faim, j'ai frette, je suis trop faible pour me lever d'boute
On va hisser le drapeau blanc un point c'est toute
J'entends le téléphone qui hurle, j'ai des amis
J'voudrais tellement pouvoir me l'ver pour leur parler
Leur dire: « Allô! C'est moi j'correct, j'toujours en vie »
La planète tourne, est pas supposée tourner sans moi
Mon ennemi est arrogant et silencieux
Y s'câlisse ben d'savoir si chu jeune ou si chu vieux
Y'est sûr de lui, y'est méthodique, y prend son temps
Y'est au service d'la mort, y connaît pas les sentiments
Ces derniers jours j'ai dû vieillir de quatre mille ans
En visitant de vieux souvenirs dont chu pas fier

Pour la paix avec ses regrets, ça prend du temps
Je me retrouve cent fois plus fatigué, trop fatigué mais moins amer
L'histoire du monde pis mon histoire sont mélangées
J'viens juste de r'vivre cent mille autres vies en une seconde
Toutes mes conneries pis l'ambition d'l'humanité
Ça r'vient au même, y'a pas d'coupable, y'a pas de honte
Mais chu heureux parce qu'au moins j'meurs l'esprit tranquille
J'vais commencer mon autre vie d'la même façon
J'vas avoir d'l'instinct, j'vas rester fidèle à mon style
L'entente parfaite entre mon coeur et ma raison
L'harmonica c'est pas un violon, c'est pas éternel
Et pis ça pleure comme si c'était conscient d'son sort
D'ailleurs à soir j'me permets d'pleurer avec elle (sic)
J'attends un peu, chu pas pressé, j'attends la mort




Au prochain saut

lundi 27 octobre 2008

SAUT: 239


« Quelle satisfaction peut-on bien éprouver à ne pas comprendre quelque chose? ».

Raymond Queneau est né d'une famille de commerçants, le 21 février 1903.

Il fréquente les surréalistes et adhère au mouvement en 1924 pour en être exclu en 1930. Après cette rupture, il se lance dans l'étude des «fous littéraires» et travaille à une Encyclopédie des sciences inexactes.

En 1932, au cours d'un voyage en Grèce où il écrira (Odile), Raymond Queneau prend conscience du danger de laisser la langue littéraire s'éloigner de la langue parlée. Rapprocher ces deux extrêmes deviendra son grand projet littéraire.

Il publie son premier roman Le Chiendent, en 1933, construit selon ses dires comme une illustration littéraire du «Discours de la Méthode» de Descartes. Par la suite suivront quatre romans d'inspiration autobiographique : Les Derniers jours, Odile, Les Enfants du Limon et Chêne et Chien.

En 1938, il exerce les activités de lecteur, traducteur d'anglais, puis membre du Comité de lecture aux éditions Gallimard et deviendra, en 1954, directeur de la collection La Pléiade.

C'est avec Pierrot mon ami, paru en 1942, qu'il connaît son premier succès.

En 1947: Les Exercices de style.

Sous un pseudonyme, celui de Sally Mara, il publie On est toujours trop bon avec les femmes qui lui vaut quelques démêlés avec la censure.

Amoureux des sciences, Raymond Queneau entre, en 1948, à la Société Mathématique de France et en 1950, au Collège de 'Pataphysique puis élu à l'Académie Goncourt en 1951.

Le succès du roman Zazie dans le métro (1959) surprend Queneau lui-même et fait de lui un auteur populaire.

C'est à l'occasion d'un colloque (décade de Cerisy, en 1960,), qu' il fonde un groupe de recherche littéraire qu'il appellera l'Oulipo (Ouvroir de Littérature Potentielle).

En 1961, Raymond Queneau réussit, avec Cent Mille Milliards de Poèmes, un exploit tant littéraire qu'éditorial. C'est un livre-objet qui offre au lecteur la possibilité de combiner lui-même des vers de façon à composer des poèmes répondant à la forme classique du sonnet régulier. Cent mille milliards est le nombre de combinaisons possibles calculé par Queneau : « C’est somme toute une sorte de machine à fabriquer des poèmes, mais en nombre limité ; il est vrai que ce nombre, quoique limité, fournit de la lecture pour près de deux cents millions d’années (en lisant vingt-quatre heures sur vingt-quatre). »

Raymond Queneau meurt le 25 octobre 1976.




Voici, tiré de «Loin de Rueil» un texte qui illustre bien l'originalité et le style de Raymond Queneau:

. Comme des foetus miniatures parfaitement constitués il faisait défiler devant lui tous les germes de figures sociales qu'il avait irréalisées. Il revenait de sept huit années en arrière et le voilà maintenant capitaine de l'armée hollandaise, directeur d'usine, attaché d'ambassade à Pékin, banquier, clown (célèbre), peintre (célèbre), archiviste paléographe, aspirant de marine (à bord du dernier voilier), coureur cycliste (vainqueur du Tour d'Europe), champion du monde d'échecs (inventeur du Gambit l'Aumône et du début f2-f3-h7-h5) gentleman farmer en Australie (et qu'est-ce qu'il n'exterminait pas comme lapins), barman (au Ritz), astronome (il découvre la première planète hors du système soliare, un satellite d'x du Centaure), député (le plus jeune de France), journaliste (reporter aux multiples ruses et à l'audace imperturbable), acrobate (le premier à réaliser le sextuple saut périlleux en arrière sans élan), fakir dans le cristal (une vieille gitane l'a initié à tous les mystères mantiques), médecin (psychanalyste), médecin (acupuncteur), médecin (ostéopathe), médecin (chiropractor), médecin (chirurgien dentiste), explorateur (astronaute, car sinon où ça? et de quoi?), chercheur de trésors (il en trouve au fond des mers quand ce n'est pas dans de vieux châteaux), chercheur d'or (il devient riche forcément), lord anglais (par adoption), grand lama (par vocation), président de la république de Nicaragua (par élection), président de la république de Costa Rica (par révolution), président de la république de Guatemala (par occupation), il oublie maintenant l'ambition, il y a tant d'autres possibles, triumvis, uhlan, plombier, tétrarque, rétiaire, schah, faux saulnier, éléphant blanc (par transformation magique), sauterelle adultère, peplum chinois, morceau de sucre, bout de savon fondant. Il disparaissait comme ça lentement, dans un petit bol d'eau, pas propre même, car un type s'en était servi, de lui, pour se décrasser les dégétaux.


Celle-ci est tirée de «Un rude hiver»:

. Deuxième factionnaire, Lehameau ne passe pas. Il ne passera pas. Il se démène il interpelle, il supplie, il argumente. Il ne passera pas. Les passerelles se rétractent dans le navire. Il n'aura pas passé Lehameau. Il est là sur le quai enfoncé comme un clou. Il regarde immobile les hublots éclairés, les silhouettes qui vont et viennent sur les ponts ou s'appuient contre le bastingage. La sirène brait, des cordes volent, les hélices battent l'eau en neige et le quai s'éloigne lentement, tiré en arrière. C'est comme ça que partent les bateaux.
L'auto ramène Lehameau vers la ville. C'est encore plus long que pour venir. Il lui semble que la voiture doive parcourir un à un chaque point de l'espace et reste ainsi immobile au centre de la nuit. C'est excessivement désagréable, c'est agaçant même. Et puis tout à coup voici des maisons, des gens qui passent, des lampes derrière des vitres. Voici même un tramway. Voici des cafés, des restaurants, des vespasiennes du temps qui recommence à couler, quoi. L'auto s'arrête, merci.

. Il y a des tas de choses dans le monde dont on ne se douterait jamais.

. Je ne suis pas de ceux qui s'étonnent qu'il y ait dans la nature des scorpions et des poux.


Et cette denière de «Pierrot mon ami»:

. - Tu sais que Léonie, malgré son apparence de femme d'affaires, a toujours eu de temps en temps des idées bizarres. Quand ça ne serait que d'avoir pris Pradonet comme amant. Mais à part ça, je la comprends. Quand tu auras un passé, Vovonne, tu t'apercevras quelle drôle de chose que c'est. D'abord y en a des coins entiers d'éboulis: plus rien. Ailleurs, c'est les mauvaises herbes qui ont poussé au hasard, et l'on n'y reconnaît plus rien non plus. Et puis il y a des endroits qu'on trouve si beaux qu'on les repeint tous les ans, des fois d'une couleur, des fois d'une autre et ça finit par ne plus ressembler du tout à ce que c'était. Sans compter ce qu'on a cru très simple et sans mystère quand ça c'est passé, et qu'on découvre pas si clair que ça des années après, comme des fois tu passes tous les jours devant un truc que tu ne remarques pas et puis tout d'un coup tu t'en aperçois. Léonie s'intéresse à la femme pour laquelle est mort un homme qui l'avait aimée elle, c'est bien naturel. Des idées comme celles-là et même des plus baroques, il en pousse tous les jours sous le crâne de tout le monde, tu le sauras quand tu auras mon expérience.

Au prochain saut

vendredi 24 octobre 2008

SAUT: 238



Les deux poèmes de ce matin se situent à une telle distance l'un de l'autre, qu'ils aient été écrits presqu'au même moment cela tient de l'incroyable.

Le premier (Hubble) est la suite d'un poème inachevé qui traite de l'homme, en fait des morceaux d'homme. Il se situe aux confins de l'espace, là où le temps prend son temps, où la distance semble devoir se calculer à partir d'éléments qui nous sont inconnus... alors que le second (les cendres) - poème triste - se déroule tout près et très loin sur la mer.


Si on voulait qu'ils se télescopent, se rejoignent, c'est par la musique peut-être, celle des B, celle qui devient l'ombre d'une main tendue, on retrouverait alors... un homme morcelé, éclaté et en cendres...


Les voici:




Hubble




Hubble est sa demeure
à demeure

catapulté
devenu martien sur un sable rouge et glacé,
ses longs yeux planétaires dessinent des soleils noirs et frisés

enfermé par la Nasa dans des bouteilles de granit
expédié par courriels sur des galaxies consentantes

il verse en catimini les arrhes
afin de visiter des télescopes nains
rêvant de planètes enceintes



Hubble est son habitacle
habitable à mille degrés en dessous de zéro

il l’avait demandé, puis exigé et enfin supplié
debout face à la porte des étoiles éteintes
qui s’ouvrit sur un laissez-passer, aller seulement
avec promesse de retour dans un milliard d’années
le jour où la lumière rapportera des morceaux de l’homme galactique



Hubble perdu entre les feuilles commentées par CNN
englouti dans le sable de la planète Mars
étouffé par la poussière des eaux asséchées

vomit au bout de son bras
un homme
à la recherche de soi
un homme
assourdi de silence
un homme seul
et cruellement morcelé





les cendres





cendres à la mer jetées
par elle avalées
celles qui avaient broyé
ta souffrance esseulée


les crabes boitent sur une musique de Bach


cendres enfermées au sablier
tapissent le grand hunier
à l’horizon près du voilier
courant s’évader


les oiseaux de mer planent sur un quatuor de Bartok


cendres aux poussières emmêlées
au fond de l’océan s’en sont allées
aux coraux, enroulées
comme un serpent d’océan égaré


les grands poissons jazzent sur un air de Berlioz


cendres asséchées
se balançant au cœur des marées
le ressac les a bousculées
puis sur la grève jetées


les coquillages vides transportent des échos de Borodin


cendres piétinées
par des marcheurs égarés
jamais ne se sont arrêtés
au matin ensoleillé


les vagues blanches lèchent une symphonie de Brahms


les cendres jetées
resteront enterrées
ainsi que de Bruckner, l’inachevée,
sur une île désertée…



Au prochain saut

dimanche 19 octobre 2008

SAUT: 237

Yann Martel écrit dans L'histoire de Pi: « Pourquoi nos questions sont-elles si vastes et si petites les réponses que nous obtenons?»

Il a raison. Des questions, il me semble y en avoir plus que des réponses et par surcroît, certaines questions nous mènent non à des réponses mais à une autre question. Est-ce la vérité que l'on recherche? Benjamin Kunkel, dans Indécision, répond en disant: «Je veux dire, pourquoi aurait-on besoin d'un tas de vérités neuves? Il y en a sûrement plein qui traînent partout et dont personne ne se sert jamais.»

La vérité de l'un est le mensonge de l'autre. La réponse fournie par celui/celle-ci à la question de celui/celle-là, le début d'un éternel combat. De l'incompréhension.

Le crapaud a cherché dans ses cahiers des citations qui en fait, sont des questions. Si jamais vous avez des réponses ou si elles suscitent chez vous d'autres questions, faites-le moi savoir...


. Quel acharnement aveugle faut-il pour vêtir de dignité, tendre aux dimensions de l'éternel, juger à la barre de l'univers entier ce qui était périssable et a péri, ce qui était affreusement limité dans le temps et dans l'espace, ce qui n'avait aucune puissance, qui n'a pu commettre de crime que de connaître son impotence? Que signifient ce décor, ces mots, cette amertume que l'on nous promet pour lorsque plus rien n'existera? Qui, qui peut s'arroger le pouvoir de prononcer jugement sur la pourriture? Qui peut faire retentir des anathèmes à la face du monde pour un seul homme mort? Alors que le mot exister n'a plus de sens que celui d'une impasse: des gestes sans prolongements, sous mille contraintes, un poids sur les épaules et, à la fin de la boue, quand chaque parcelle de peau a été macérée à outrance, un abîme impensable, une virevolte dérisoire sur l'infini du cercle. Le giron paternel secoué de colère sur l'enfant sale parce qu'il est mort. Pourquoi le ciel se livrerait-il à des convulsions pour une tristesse si démunie?
André Langevin (Évadé de la nuit)


. Pourquoi cette petite voix obstinée dans nos têtes nous tourmente-t-elle à ce point?, a-t-il dit en nous regardant l'un après l'autre. Serait-ce qu'elle nous rappelle que nous sommes vivants - notre mortalité, notre âme individuelle, ce que nous avons trop peur, après tout, d'abandonner, et pourtant ce qui nous rend plus méprisables que n'importe quoi d'autre? Mais n'est-ce pas la souffrance qui nous rend le plus souvent conscients de notre soi? C'est une chose terrible que d'apprendre, dans l'enfance, que nous sommes un être séparé du monde, que nul être et nulle chose ne souffre de notre langue brûlée ou de nos genoux écorchés, que nos douleurs et soufffrances ne sont qu'à nous. Plus terrible encore, lorsque nous grandissons, d'apprendre qu'aucune personne, si bien aimée qu'elle soit, ne peut jamais nous comprendre vraiment. Notre soi est la cause de nos plus grands malheurs, et c'est pourquoi nous sommes si impatients de le perdre, ne pensez-vous pas? Vous vous souvenez des Érinyes? (...) Et comment rendaient-elles fous les gens? Elles augmentaient le volume de leur monologue intérieur, magnifiaient excessivement des qualités déjà présentes, rendaient les gens tellement eux-mêmes qu'ils ne pouvaient pas le supporter.
Et comment pouvons-nous perdre ce soi affolant, le perdre entièrement? L'amour? Oui, mais comme le vieux Apholus l'entendit dire à Sophocle, le plus humble d'entre nous sait que l'amour est un maître terrible et cruel. On se perd soi-même pour un autre, mais ce faisant on devient un misérable esclave. La guerre? On peut se perdre dans la joie de la bataille, en se battant pour une cause glorieuse, mais il n'y a pas tant de causes glorieuses, ces temps-ci, pour lesquelles se battre.
Donna Tart (Le Maître des illusions)


. Est-ce que tu peux savoir, par exemple, de quelle façon la fourmi envisage le monde? Qu'est-ce qu'elle voit? Imagines-tu une fourmi, par exemple, entrant ici? Elle va se promener sur ces tapis, entre les pieds de ces messieurs, de ces dames, de toi et des miens. Elle va monter le long de ces rayons de la bibliothèque, et elle va se promener sur cet exemplaire de Shakespeare. Qu'est-ce qu'elle a vu de tout cela? Qu'est-ce qu'elle sait de ce que nous sommes? Qu'est-ce qu'elle sait de ce qu'il y a dans Shakespeare? Hein? Rien! Ça ne la regarde pas. Elle a un monde particulier à elle, et qui sait si nous ne sommes pas dans un monde de fourmis aussi? Et si à côté de nous il n'y a pas quelque chose que nous frôlons constamment sans le connaître...
Jean Giono


. N'est-ce pas une forme d'orgueil que de condamner cette vie, avec toutes ses joies terrestres, au profit d'une existence qui n'est peut-être qu'une abstraction?
Jostein Gaarder (Vita Brevis)


. Toutes ces questions qui interrogent l'amour, le jaugent, le scrutent, l'examinent, est-ce qu'elles ne risquent pas de le détruire dans l'oeuf? Si nous sommes incapables d'aimer, c'est peut-être parce que nous désirons être aimés, c'est-à-dire que nous voulons quelque chose de l'autre (l'amour), au lieu de venir à lui sans revendications et de ne vouloir que sa simple présence.
Milan Kendura (L'insoutenable légèreté de l'être)


. Quel est l'objet de l'homme qui jouit? N'est-il pas de donner à ses sens toute l'irritation dont ils sont susceptibles, afin d'arriver mieux et plus chaudement, au moyen de cela, à la dernière crise (...) crise précieuse qui caractérise la jouissance de bonne ou mauvaise, en raison du plus ou moins d'activités dont s'est trouvée cette crise?
Marquis de Sade


. Étrange contradiction: ce qui s'en va constitue une vie mortelle, ce qui reste constitue une mort éternelle! Se pourrait-il que l'être exige la contradiction, l'ambivalence, l'incohérence, le mélange et la confusion? Se pourrait-il que la vérité n'ait de réalité que dans la mesure où elle se cache? Que la beauté n'ait de charme que mélangée à quelque laideur? Se pourrait-il que tout soit entrelacé: le pire et le meilleur, la mort et la vie, l'instant et le cours du temps? Se pourrait-il que nous nagions contre la vie toutes les fois que nous tentons de dissocier ces deux partenaires intraitables que sont le devenir et l'être, ces deux amants qui replongent dans le néant dès qu'on ose les isoler l'un de l'autre?
Jean Bédard (La valse des immortels)


. À quel moment est-on obligé de s'avouer qu'une dispute n'est pas une simple dispute? Qu'elle n'est pas un orage après lequel le soleil brille à nouveau, ni une saison pluvieuse à laquelle succèdera le beau temps, mais le mauvais temps normal? Que se réconcilier ne résout rien, ne règle rien et ne fait que traduire l'épuisement et instaurer un répit plus ou moins long, au terme duquel la dispute reprendra?
Bernhard Schlink (La circoncision)

Au prochain saut

Si Nathan avait su (12)

Émile NELLIGAN La grossesse de Jésabelle, débutée en juin, lui permettra de mieux se centrer sur elle-même. Fin août, Daniel conduira Benjam...