mercredi 21 novembre 2007

Le cent quatre-vingt-septième saut de crapaud



Lors de sa visite au Salon du Livre de Montréal, lundi dernier, s'arrêtant au stand d'une maison d'édition dont il a oublié le nom, son attention fut attirée par un livre au titre spécial: Les 1001 livres que chacun devrait avoir lus...

Est-il possible de lire 1001 livres? Le crapaud s'est posé la question et, avant d'y répondre, il est retourné à ses cahiers de lecture qui datent... de l'autre siècle... des années 1960... L'écriture a bien changé depuis! Bon. Mettons un livre par semaine (semaine régulière), cela donne environ cinquante-deux livres. Multiplions cela par... heum!!!! quarante-sept.... Nous voilà à deux mille et des poussières... C'est donc possible d'avoir lu plus de 1000 livres. Mais voilà que ça se complique, à cause du conditionnel passé. Il faudrait avoir absolument lu lesdits 1001 livres. Malheureusement, après feuilleté le livre, jeté un coup d'oeil sur ce qu'on proposait... le crapaud doit avouer, bien humblement, plusieurs me sont toujours inconnus.

Voilà pourquoi, vite vite de retour aux cahiers, j'y ai déniché des citations des «incontournables»... À vous maintenant de faire l'expérience!


. Personne ne me promettait que la grille s'ouvrirait si je devenais comme eux; on ne promet rien en échange de réalisations qui semblent impossibles; mais, les réalisations opérées, les promesses apparaissent après coup juste là où on les avait cherchées en vain. Kafka

. Toute vérité crée un scandale. Marguerite Yourcenar

. Préparer l'avenir n'est que fonder le présent. Il n'est jamais que du présent à mettre en ordre. À quoi bon discuter cet héritage! L'avenir, tu n'as pas à le prévoir mais à le permettre. Saint-Exupéry

. Ceux qui luttent, ceux dont les jours sont pleins, ceux-là vivent, les autres je les plains. Victor Hugo

. L'ordre est le plaisir de la raison; mais, le désordre est le délire de l'imagination. Paul Claudel

. Le plus beau discours est celui qu'on ne prononce pas. Élie Weisel

. Comment pensera-t-il si vous pensez pour lui? Jean-Jacques Rousseau

. Aimer un être c'est accepter de vieillir avec lui. Albert Camus

. J'étais ainsi en ce temps: toujours tourmenté avec une force égale par les choses graves et celles qui ne l'étaient pas, incapable de juger différemment les dangers réels de ceux nés en mon esprit. Alain Asbire

. Mais personne ne vint, parce que personne ne vient jamais... Thomas Hardy

.Étrange comme nos passions nous entraînent, nous poursuivent et nous fouaillent, nous imposent des rêves indésirables, des destinées contraires. Truman Capote

. Aimer qui change quand changement rencontre n'est pas amour. Shakespeare

. ... il n'est pas d'horreur perpétrée dans le monde réel que l'on ne connaisse déjà à travers ses rêves. Anthony Burgess

. En ce temps-là, le ciel était si bas qu'aucun homme n'osait se dresser de toute sa taille. Cependant, il y avait la vie, il y avait des désirs et des fêtes. Et si l'on n'entendait jamais le meilleur en ce monde, on espérait chaque jour échapper au pire. Amin Maalouf

. Nous n'allons pas; on nous emporte, comme les choses qui flottent, ores doucement, ores avec violence, selon que l'eau est rieuse ou bonasse... Et puis, y ayant tant de soudains changements aux choses humaines, il est malaisé à juger à quel point nous sommes justement au bout de notre espérance. Montaigne

. Vivre, c'est être condamné à avoir la tête bourrée. Jacques Prévert

. Ce que nous n'avons pas eu à déchiffrer, à éclairer par notre effort personnel, et qui était clair avant nous, n'est pas nous. Proust

. La tristesse se résout dans un bar, jamais dans la littérature. Hemingway

. Des mensonges jailliront de ma bouche, auxquels il se peut qu'un atome de vérité soit mêlé. Virginia Woolf

.Le seul courage qui nous est demandé est de faire face à l'étrange, au merveilleux, à l'inexplicable que nous rencontrons. Rilke

. Écrire, c'est vivre deux fois. Léautaud

. La supersition, c'est une manière d'espérer. Balzac

. Si l'on veut retrouver sa jeunesse, il suffit d'en répéter les erreurs. Oscar Wilde

mercredi 14 novembre 2007

Le cent quatre-vingt-sixième saut de crapaud



Francis Carco, né le 3 juillet 1886, décédé le 26 mai 1958, le crapaud le redécouvre actuellement. Par BRUMES, entre autres, aussi L'HOMME TRAQUÉ et L'HOMME DE MINUIT de même que RUE. Mais c'est par ce poème qu'il m'est venu, ce poète de la bohème, des rues, de la nuit et des personnages à la fois immenses et fragiles.
Bonne lecture.


L'Ombre


Quand je t'attendais, dans ce bar,
La nuit, parmi des buveurs ivres
Qui ricanaient pour avoir l'air de rire,
Il me semblait que tu arrivais tard
Et que quelqu'un te suivait dans la rue.
Je te voyais te retourner avant d'entrer.
Tu avais peur. Tu refermais la porte.
Et ton ombre restait dehors:
C'était elle qui te suivait.

Ton ombre est toujours dans la rue
Près du bar où je t'ai si souvent attendue,
Mais tu es morte
Et ton ombre, depuis, est toujours à la porte.
Quand je m'en vais, c'est à présent moi qu'elle suit
Craintivement, comme une bête.
Si je m'arrête, elle s'arrête.
Si je lui parle, elle s'enfuit.

Ton ombre est couleur de la pluie,
De mes regrets, du temps qui passe.
Elle disparaît et s'efface
Mais envahit tout, à la nuit.

Sous le métro de la Chapelle
Dans ce quartier pauvre et bruyant,
Elle m'attend, derrière les piliers noirs,
Où d'autres ombres fraternelles,
Font aux passants, qu'elles appellent,
De grands gestes de désespoir.

Mais les passants ne se retournent pas.
Aucun n'a jamais su pourquoi,
Dans le vent qui fait clignoter les réverbères,
Dans le vent froid, tant de mystère
Soudain se ferme sur ses pas...

Et moi qui cherche où tu peux être,
Moi qui sais que tu m'attends là,
Je passe sans te reconnaître.
Je vais et je viens, toute la nuit,
Je marche seul, comme autrefois,
Et ton ombre, couleur de pluie,
Que le vent chasse à chaque pas,
Ton ombre se perd dans la nuit
Mais je la sens tout près de moi...

Cependant tu n'étais qu'une fille des rues,
Qu'une innocente prostituée,
Comme celle qui apparut,
Dans le quartier de Whitechapel,
Un soir, à Thomas de Quincy
Et qu'il chercha, plus tard, sans jamais la trouver,
De porche en porche et d'hôtel en hôtel...

Il le raconte dans un livre.

C'est là, que pour la première fois, que je t'ai rencontrée.
Tu étais lasse et triste, comme les filles de Londres,
Tes cheveux conservaient une odeur de brouillard
Et, lorsqu'ils te voyaient à la porte des bars,
Les dockers ivres t'insultaient
Ou t'escortaient dans la rue sombre.

Je n'ai pas oublié l'effet que tu me fis
Dans ce livre désespéré,
Ni le vent, ni la pluie, ni le pavé qui luit,
Ni les assassins dans la nuit,
Ni les feux des estaminets,
Ni les remous de la Tamise
Entre ses mornes parapets...
Mais c'est après bien des années
Qu'une autre qui te ressemblait
Devait, le long des maisons grises,
Me faire signe et m'accoster.

Ce n'est pas toi. C'est tout ce que tu me rappelles:
Comme j'étais triste, avant de te connaître,
Comme je m'enfonçais, avec délices, dans ma tristesse.
En marchant dans les rues, en entrant dans les bars,
En suppliant la nuit les ombres de parler,
Sans cesser d'errer et d'aller...

Mais partout il était trop tard.

Un air d'accordéon s'achevait en hoquet.
On décrochait, l'une après l'autre, les lumières
Et le passant, à qui je demandais du feu,
Me tendait un cigare éteint.
Où me portaient mes pas, c'était la même histoire.
J'allais toujours vers les sifflets des trains,
Sur un grand boulevard trouble et peuplé de fantômes.
Mais les trains passaient en hurlant,
Et cette attente avait l'air d'un départ.

Tu es venue pour t'en aller.
Je t'ai pourtant conduite en ces lieux désolés
Et tu m'as dit: « Quoi que tu fasses,
C'est moi, dorénavant, que tu verras parmi tous ces fantômes.
Tu me sentiras près de toi,
Tu penseras que je suis morte
Et jamais tu ne m'oublieras.»

Je t'écoutais, je te suivais sous les lumières.
Il n'y avait que nous de vivants en ces lieux,
Nous seuls mais je savais que des deux, la première,
Ce serait toi qui me dirais adieu.
Et j'avais beau ne pas vouloir,
Te retenir par ta petite main,
Le cri, le roulement et la fumée des trains,
Les rails et leurs feux en veilleuse,
Le pont noir tout retentissant
Du bruit des lourds wagons entre-choqués,
Par un présage obscur déjà nous séparaient.

Une autre fois, dans ce quartier sinistre,
Nous nous sommes assis sur un banc, à la nuit,
Et le vent qui chassait la pluie,
Les globes des hôtels meublés,
Les marlous aux chandails humides,
Les filles qui nous regardaient
Accumulaient, autour de nous, les maléfices
Dont le cercle se rapprochait.
Alors tu t'es mise à pleurer.

À m'expliquer, sans élever la voix,
Qu'un jour tu me délivrerais
De ces larves qui sont en moi...
Tu parlais et la pluie tombait.
C'était la pluie qui te faisait pleurer,
Comme un chagrin que rien n'apaise,
Comme une peine inconsolée.

Et la ronde des ombres et des feux des maisons
Tournait infatigablement
Avec ses voyous et ses filles,
Ses bars, où les phonos grinçaient,
En nous jetant quelquefois, par la porte,
Comme l'appel d'une voix morte...

La ronde que rien ne lassait,
Tournait et m'emportait, avec toi qui es morte,
Tourne et m'emporte encore, avec tout mon passé,
Hors du temps, hors du monde, hors de tout ce qui est
Ou qui n'est pas, mais que toi, dans l'ombre, tu sais...

mercredi 7 novembre 2007

Le cent quatre-vingt-cinquième saut de crapaud



Le crapaud est né en 1947… sans doute cela explique-t-il bien des choses… un 24, celui de juin. En fait, 3 ans et 4 mois après le décès de Hector de Saint-Denys-Garneau, le 24 octobre 1943. Vous connaissez mon attirance pour la numérologie!

Ce poète arriva drôlement dans la vie du crapaud. Je vous raconte en deux mots alors que l’essentiel de ce saut tourne principalement autour du spectacle qui se déroulera (le deuxième en deux soirs) à la Grande Bibliothèque et présentera des œuvres du poète.

C’est en fait par Anne Hébert (sa cousine) que le crapaud l’a découvert. REGARDS ET JEUX DANS L’ESPACE est devenu, une fois que le crapaud se le fut procurer (il n’avait pas 15 ans), son livre de présence. Il achevait de lire quelques poèmes d’Anne Hébert (LE TOMBEAU DES ROIS) et une allusion, toute petite, toute frêle, à ce cousin piqua la curiosité de celui qui, à l’époque, lisait Marie Noël, Charles Gill, Émile Nelligan et surtout des anthologies de poésie française.

Ce fut le coup de foudre! Il n’eut, pour on ne sait trop combien de temps, que Saint-Denys-Garneau en tête et un certain agacement à découvrir qu’on le «critiquait» principalement à partir d’une grille dite spirituelle. Dans sa tête de crapaud, c’était comme si on le lui présentait comme un être en permanente crise religieuse. Comme si son génie littéraire qui faisait basculer tout ce qu’il y avait avant lui ne pouvait pas, tout simplement pas, n’être que le génie de la modernité.

Saint-Denys-Garneau est toujours demeuré le poète préféré du crapaud et quel ne fût pas son bonheur lorsque le groupe Villeray mit en musique quelques-uns de ses poèmes. S’il est encore disponible, il vous suggère fortement de vous le procurer.

D’ici là, ce soir, 19 h 30 à la Grande Bibliothèque, c’est un rendez-vous.



À souligner
Hector de Saint-Denys Garneau ou Le portage miraculeux



En collaboration avec le Théâtre Barbare, BAnQ présente le spectacle littéraire Hector de Saint-Denys Garneau ou Le portage miraculeux, mis en scène par Christian Vézina et interprété par Maude Guérin, Jean Maheux et Christian Vézina. La vie de l’écrivain, étonnant alliage de grâce et de culpabilité, sera mise en lumière par cette lecture-spectacle réunissant certains passages de son journal intime ainsi que les lumineuses révélations de sa poésie.



Mardi 6 et mercredi 7 novembre, 19 h 30 à l’Auditorium de la Grande Bibliothèque. Entrée libre





Communiqué de BAnQ


Lecture-spectacle sur Hector de Saint-Denys Garneau Trois comédiens pour un poète




Montréal, le 31 octobre 2007– Les 6 et 7 novembre à 19 h 30, Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), en collaboration avec le Théâtre Barbare, invite le public à assister à la présentation de Hector de Saint-Denys Garneau ou Le portage miraculeux dans l'auditorium de la Grande Bibliothèque. Cette fascinante lecture-spectacle fera revivre l'œuvre de ce grand poète québécois, souvent considéré comme notre premier poète moderne.



Ce spectacle porte la signature de Christian Vézina, directeur artistique et concepteur. Celui-ci incarne le poète tourmenté, mort dans la fleur de l'âge. Deux autres comédiens, Jean Maheux et Maude Guérin, viendront assister le metteur en scène dans l'interprétation complexe de Saint-Denys Garneau. Chacun révélera une facette de cette personnalité étonnamment créatrice et originale.



Le portage miraculeux explore d'abord la prose brillante du journal intime de Saint-Denys Garneau pour se consacrer ensuite à ses plus beaux poèmes. Ce spectacle célèbre ainsi de belle façon l'œuvre magistrale du poète et permet de mesurer le lourd tribut que celui-ci dut verser pour exprimer l'inexprimable : un véritable « portage ».



Le portage miraculeux nous offre aussi la découverte d'un personnage plus grand que nature : un jeune homme sensible, volontaire et rigoureux qui, contraint d'abandonner ses études en raison de problèmes de santé, décida à 19 ans de se consacrer entièrement à la peinture et à la littérature. Il décédera à 31 ans, le 24 octobre 1943, lors d'une excursion de canot en solitaire. Le jeune poète aura passé les dernières années de sa vie au manoir familial de Sainte-Catherine de Fossambault, près de Québec. Fait à noter, son unique recueil de poèmes et seul ouvrage diffusé de son vivant, Regards et jeux dans l'espace, a été publié à compte d'auteur en 1937. Heureusement, amis et admirateurs assureront ultérieurement la parution de certaines de ses œuvres inédites. Dès 1944, Hector de Saint-Denys Garneau recevra de vibrants hommages et sera dès lors reconnu comme l'un des plus importants écrivains québécois.




En résumé



Lecture-spectacle Hector de Saint-Denys Garneau ou Le portage miraculeux


Les 6 et 7 novembre 2007 à 19 h 30
À l'Auditorium de la Grande Bibliothèque de BAnQ 475, boulevard De Maisonneuve Est, Montréal Métro Berri-UQAM


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