dimanche 28 octobre 2007

Le cent quatre-vingt-quatrième saut de crapaud


Dernier dimanche d'octobre. Déjà à la porte de novembre qui risque de nous balayer quelques épisodes de froid, de pluie et de tombée de feuilles. Admettons, toutefois, que les deux derniers mois - le réchauffement de la planète y est-il pour quelque chose? - nous furent plus que favorables.


Ce matin, je vous offrirai quelques rélexions d'Albert Jacquard, ce scientifique, essayiste et généticien né à Lyon en 1925 qui a déjà été membre du Comité consultatif national d'éthique (en France). Son discours humaniste vise à l'éveil des consciences tout en prônant la paix et la non-violence.


Il est un adepte de la décroissance soutenable, un concept « politique, économique et social se plaçant à l'opposé du consensus politique actuel, selon lequel la croissance économique conduit à l'augmentation du bien-être social » . Les partisans de cette idée proposent de lui substituer « une diminution de la consommation et de la production afin de respecter le climat, l'écosystème et les êtres humains. »


Titulaire de deux doctorats, un premier en génétique et un deuxième en biologie humaine, Jacquard fut nommé en 1973 expert en génétique auprès de l'Organisation mondiale de la santé; il y demeura jusqu'en 1985. Parallèlement à cela, il mena une carrière universitaire autant en Suisse, en France qu.'en Belgique.


Albert Jacquard dit « ne pas avoir de solution; mon objectif, ce n'est pas de construire la société de demain, c'est de montrer qu'elle ne doit pas ressembler à celle d'aujourd'hui. » De fait, on le retrouve auprès de plusieurs altermondialistes.


Il fréquente des personnes comme l'abbé Pierre (en militant pour le logement), Edgar Morin (en parrainant une liste électorale pour le Parlement européen), Philippe Merrieu, Régis Debray et Axel Kahn ( la Cité des Savoirs du XXIième siècle).


Je termine cette courte présentation en rappelant ses grands talents de vulgarisateur scientifique.


Les citations offertes aujourd'hui proviennent d'un tout petit livre extraordinairement parlant: 5 milliards d'hommes.


. Le réel semble errer comme un aveugle dans le labyrinthe des possibles, se heurtant sans cesse aux obstacles qui font d'un chemin une impasse. Le temps détruit systématiquement ce qu'il a permis au hasard de construire; chaque succès est provisoire, aucune accumulation de pouvoirs neufs ne peut se produire.


. Le réel est une fraction infime des possibles; ceux-ci sont inépuisables.


. Être unique, c'est nécessairement être provisoire.


. ... l'instant présent est ainsi mis au service de l'instant à venir...


. Dans tous les domaines, la réalité des choses nous échappe définitivement; nous devons nous contenter de développer un discours à propos de notre vision de cette réalité.


. Pour aller à l'essentiel, on peut présenter l'homme comme: un animal qui reçoit individuellement de la nature le pouvoir de s'attribuer collectivement des pouvoirs.


. L'homme est un animal qui a reçu la capacité d'utiliser l'écoulement du temps pour imaginer et réaliser un projet.


. L'humanitude c'est l'ensemble des cadeaux que les hommes se sont faits depuis qu'ils existent, qu'ils continuent à se faire et qu'ils peuvent à peu près sans fin continuer à se faire.

À la prochaine

mardi 23 octobre 2007

Le cent quatre-vingt-troisième saut de crapaud






En feuilletant mes cahiers de lecture afin d'y puiser quelques belles réflexions, je tournais les pages et m'apparaissais de fabuleux noms (Anne Hébert, Albert Jacquard, Jean O'Neil, Jean Bédard, Robert Lalonde, Saint-Denys-Garneau et j'en passe). Je me disais que chacun d'eux pourraient, ce matin, être de mise. Mais j'ai préféré vous offrir un registre plus «neutre». Pourquoi? Pour la simple et unique raison qu'après cet épisode qui vient de me plonger dans le deuil, il faut un certain temps avant de retomber sur ses pattes. Je veux le prendre. Et aussi, chacune des citations d'aujourd'hui auraient très bien pu servir de discussion avec mon ami Yvan.

Je me suis arrêté au cimetière, dimanche soir dernier. Le vent avait fait basculer le bouquet de fleurs, celui de Danielle (je l'ai replacé) et l'amoncellement de terre recouvrant le cercueil, encore proéminant. Je me disais, même si la température en cette fin d'octobre est presque estivale, je me disais que de se retrouver dehors, sous terre, devait être pour mon ami Yvan un grand isolement.

Je vous offre ce qui suit un peu comme si nous le prenions pour sujets à «jasette»...



. Le sens et la fin d'un problème semblent résider non pas dans sa solution, mais dans la recherche incessante qu'il exige de nous. Jung


. Si les choses ne vont pas dans le monde quelque chose ne va pas chez moi. Ainsi, si je suis intelligent, je dois me corriger d'abord. Jung


. On ne peut expliquer et connaître qu'une fois que l'on a réduit les intuitions à une connaissance exacte des faits et de leurs liens logiques. Jung


. La solidarité humaine est la condition nécessaire pour l'épanouissement de l'individu. Eric Fromm


. «Ne fais pas à autrui ce que tu ne voudrais pas que l'on te fît à toi-même.», tel est l'un des principes fondamentaux de l'éthique. Il est aussi juste d'affirmer: « Ce que tu fais aux autres, tu te le fais à toi-même également.» Eric Fromm


. Un système doit avoir son utopie. Erikson


. La structure c'est d'abord ce lien invisible qui impose un ordre à la collection.
Claude Lévi-Strauss


. La véritable grandeur de la connaissance consiste à ne pas laisser ce que nous ne savons pas obscurcir ce que nous savons. Emerson


. Il faut que la solution de ces questions se trouve dans une vie et non dans un livre. Un drame ou un poème est une réponse approximative et oblique. Emerson


. Presque toujours, pour vivre en repos avec nous-mêmes, nous travestissons en calculs et en systèmes nos impuissances et nos faiblesses. Benjamin Constant


. Ce qui ne me tue pas me donne de la force. Nietzsche


. Tous nos actes sont essentiellement inconnus. Nietzsche


. Le plaisir suggère la peine. Neitzsche


. Ce serait mieux s'il n'y avait rien. Comme il y a plus de douleur que de plaisir sur terre, toute satisfaction n'est que transitoire, créant de nouveaux désirs et de nouvelles détresses, et l'agonie de l'animal dévoré reste plus grande que le plaisir du dévoreur. Schopenhauer


. Un homme est aussi heureux que son esprit le lui permet. Lincoln


. On ne peut renforcer le faible en faiblissant le fort. On en peut former le caractère de l'homme en lui enlevant toute initiative. On ne peut aider les hommes de façon permanente en faisant pour eux ce qu'ils peuvent et devraient faire eux-mêmes. Lincoln


. Le commencement n'est le commencement qu'à la fin. Schelling


. La loyauté envers une idée dépassée n'a encore jamais brisé de chaînes ou libéré d'âme humaine. Mark Twain


. L'expérience, ce n'est pas ce qui arrive à l'individu. C'est ce que l'individu fait de ce qui lui arrive. Aldous Huxley




À la prochaine

mardi 16 octobre 2007

Le cent quatre-vingt-deuxième saut de crapaud

Yvan-Alain Fournier
1943-2007

Mon ami Yvan est décédé.

De cette maladie insidieuse à la démarche résolument destructrice, du cancer. Mon ami Yvan l'était depuis près de quarante ans. De ces amitiés marquées au fer rouge... au coeur et au temps. Définissable par tant et tant de doux moments et de si profondes richesses ancrées dans la communication. Que maintenant cela, la communication, soit coupée m'est le plus difficile.

J'écrivais à ma très chère Claire, cette belle-soeur qui sait si bien toucher mon âme et mon cerveau par la pertinence de ses questions projetantes dans la réflexion, je lui écrivais ceci suite au décès de mon ami: « la dernière fois que j’ai parlé à Yvan (dimanche vers 21h) et qu’il ne me répondait que par un râlement, j’ai ressenti que mon ami partait, s’occupait à nettoyer son intérieur comme s’il ramassait l’essentiel avant de s’en aller. S’en aller tout en sachant qu’il n’allait pas revenir.

Danielle, son épouse, me disait qu’il a ouvert les yeux, une dernière fois, quelques secondes avant de mourir et qu’elle y a vu une telle douceur, un peu comme les yeux des personnages sur les anciennes images saintes. Un dernier souffle, puis plus rien. Tellement qu’elle se demandait si c’était cela la mort; juste cela.»

Danielle m'a demandé de préparer un texte pour les funérailles et toujours à Claire, je confiais ceci: « je le veux, à la fois, chargé de l’émotion qu’une telle circonstance dépose sur notre cœur et dire à toutes celles et tous ceux qui l’ont connu combien Yvan, que j’appellerai «l’homme au regard à fleur d’ange», combien cet homme nous aura marqués par son courage et flagellés par ses silences intérieurs.

Je sais, aussi, que ce décès, cette mort ou ce départ – je m’emmêle à trouver le mot juste – porte un message. Il me faut le découvrir. Il voltige entre la souffrance et la réconciliation, entre la solitude du temps et l’ouverture à l’éternité. Je ne sais pas encore. Yvan, mon ami courbé par les souffrances qu’il taisait, je lui demande de s’installer ici, chez moi, sous la vigne et ses raisins qu’il a tant aimés, qu’il trouvait «parfumés», jusqu’au moment où son esprit aura réussi à faire le tour de ce qu’il doit faire, et me souffler dans le dos comme de grands coups de soleil, comment faut-il accepter la mort d’un ami?

Ce que je trouve d’étrange dans cette mort c’est qu’une fois qu’elle a envahi le corps d’un homme, qu’elle y a délogé la vie parfois à grands coups de martyrs, parfois à grands coups de douceurs, elle s’en va. La mort ne reste pas. Elle est en marche, inviteuse puis quitteuse… une grande charmeuse sachant s’adresser à chacun dans le langage qui le rejoint. Elle part. Sans doute intéressée par quelqu’un d’autre. Elle ne s’occupe, la mort, que des hommes. Les choses ne meurent pas, elles demeurent «sang-froid» alors que les hommes sont «sang-chaud»… appeleurs de mort… »

Je finissais le courriel à Claire par ces mots: « j’aurais presque le goût de dire qu’il faudrait, quand on sait la mort à l’œuvre chez quelqu’un que l’on aime, tout de suite, se centrer sur son esprit qui n’a rien du «sang-froid» et du «sang-chaud». Si vite le corps devient une «chose» alors que l’esprit, l’au-delà du «sang-chaud», demande à être porté dans cette zone où l’immortalité est possible, voilà je pense, une façon de s’accompagner vers sa propre mort, la main déposée dans celle de l’autre.»


Voici le texte lu à la cathédrale de Saint-Hyacinthe, le lundi 15 octobre 2007, devant la tombe de mon ami Yvan que j'embrasse ici une dernière fois.


Cher Yvan,
Ce matin, j'ai fait un peu plus de café qu'à l'habitude... au cas où tu viendrais. D'un même mouvement, j'ai ramassé de la chaleur, du soleil afin de les déposer sur tes épaules; ces épaules qui depuis quelques mois s'arquaient... à la fin se courbaient.

Tu ne pliais pas, non, tu ne pliais pas, tu ne faisais que compresser l'autour de toi afin de mieux te l'accaparer, comme on fait sa valise qui suivra tout au long de son voyage.

Et nous aurions parlé. Jasé. Beaucoup moi, la grande gueule, mais aussi toi, mon ami silencieux. L'homme qui sans larmes pleurait.

Je savais, à la fin du mois de juillet, lorsque Jean-Luc m'apprit la teneur de la maladie qui t'affectait que je me magasinais de la peine. Mais sache que pour rien au monde je n'aurais souhaité autre chose que les heures toutes remplies d'une intense humanité, d'une tendre amitié, ces heures passées ensemble.

À l'hôpital Maisonneuve-Rosemont, au neuvième, sous les ailes d'un papillon... sous les soins de ce personnel qui, rapidement, se mit à t'aimer. Déjà, à ce moment de l'été, tu utilisais le mot «merci» comme la porte à emprunter pour bien exprimer ce que tu voulais dire à tout le monde.

Tu t'y es pris dès cette époque, que dans ma frénésie à vouloir t'amener ailleurs je jugeais prématurée, tu t'y mettais dès cette époque, regardant derrière et tout à côté de toi, puis notait dans ces cahiers arc-en-ciel que tu distribueras plus tard aux gens que tu aimes, les mots enrubannés de mercis, afin de bien les leur rappeler.
À Douville également, dans ta maison retrouvée après quelques courts séjours à l'hôpital, la maison Viens, celle que tu auras si longtemps habitée, marchée par coeur, celle où ton esprit s'est logé, nous en sommes assurés, avant que tu partes. Il y restera. Il y a bien aussi celle qu'aux environs de 5 heures le matin tu retrouvais, cette deuxième demeure de la rue des Cascades.

Yvan,
Tu as beaucoup écrit. Peu parlé. Tu as beaucoup réfléchi. À tant de questions pour lesquelles les réponses, souvent, se transformaient en d'autres questions. Tu te rappelles nos grandes envolées philosophiques sur le temps que toi tu appelais… l'éternité… sur la vie que toi tu appelais… la liberté… La République de Platon.

Je suis convaincu que nous trouverons, bientôt, cachés à gauche ou à droite, à la maison ou à la pâtisserie, une feuille, un carnet sur lesquels de ton écriture à la si parfaite calligraphie, nous trouverons des textes permettant de mieux saisir encore qui tu étais.

Nous, ces tous et chacun qui eurent l'occasion de découvrir une partie de ce Yvan, l'être secret, intérieur, généreux et amoureux du bonheur, du tien et de celui des autres.
Nous, ces tous et chacun qui partagèrent avec toi, Yvan, l'homme au regard à fleur d'âme, des espaces de vie, des occasions privilégiées, des activités aussi diverses que diversifiées… qui partagèrent des espaces d'amitié, de fraternité et d'amour.

Tu nous as quittés. Dans la plus entière dignité. Te disant, sans doute, que tout se déroulerait sans acharnement. Tu nous as quittés. Apportant une partie de chacun de nous avec tes «mercis» qui, à la fois, nous appelaient à toi et nous en séparaient.

Jamais je n'aurai vu chez toi, ô mon grand ami, avant, pendant et maintenant, un seul instant de hargne ou de haine, jamais, un seul instant je n'aurai rencontré - et tous peuvent en témoigner - autre chose que cette chaleur et ce soleil que tu recherchais tant cet été, cet automne.

Souvent tu disais, comme dans la chanson, « Je n'aurai pas le temps »... Sache que tu as eu le temps de rendre Danielle heureuse. D'aimer Diane, Étienne-Manuel et Annabelle. Sache que tu auras eu le temps de vivre des instants uniques avec Mario, France et Jocelyn. Et Léola, Lorraine, Gérald. Nicole et Julie. Et tes chats, inséparables compagnons de silence.


Très cher Yvan,
Permets-moi de te dire que d'avoir vécu avec toi ces combien trop courtes heures qui remplirent quelques mercredis fut pour moi, pour Jean-Luc aussi, des instants d'une incomparable qualité.

Certainement plusieurs autres amis, de maintenant et d’avant, en diront autant.

Yvan,
Au nom des tiens, de celles et ceux qui eurent à te croiser, à un moment ou à un autre de leur vie, reçois tout comme tu le donnais si bien, un profond merci, un merci-gâteau...

Et retrouve, là où déjà tu es en marche, ceux qui t'attendent les bras ouverts.


samedi 6 octobre 2007

Le cent quatre-vingt-unième saut de crapaud



Aujourd'hui, je vous offre des citations provenant de personnes que j'appelle affectueusement « mes inconnus ». La seule, l'unique raison me poussant à pousser cette porte c'est qu'à un moment donné de mes lectures, je suis arrivé à eux, à ce qu'ils ont écrit et que cela m'a réjoui. Si vous en connaissez un ou plusieurs, faites-moi un signe.

. Ne prononce jamais ces mots:« Je n'ai pas connaissance de telle chose, donc elle est fausse.» Il faut apprendre pour connaître, connaître pour comprendre, comprendre pour juger. Apophtegme de Narada


. Elle était la seule femme au monde pour laquelle je puisse imaginer qu'un homme fût prêt à mourir. Ned Field en parlant de Fanny Stevenson

. Sa propre vie lui apparut dérisoire, solitaire, fragile colonne dressée parmi les décombres des années perdues. Carson McCullers

. Cependant, tu dois demeurer. C'est effrayant mais c'est comme ça. Tu ne peux pas sans cesse vouloir t'en aller. Ce qui te pousse parfois à fuir est en même temps ce qui cherche à te tuer. Barry Lopez

. Si je ne m'occupe pas de moi, alors qui s'en occupera? Et si je ne m'occupe que de moi, alors qui suis-je? Et si je m'en occupe pas maintenant, alors quand? Hillel

. L'universel, c'est le local moins les murs. Miguel Torga

. Le fait imaginaire possède par la concentration d'expériences «fictives» qu'il permet, une valeur incomparablement plus grande que le fait réel. Edmund Husserl

. La mer enseigne la liberté de se connaître vaincu et de lutter quand même. Claudio Magris

. L'homme ne vit pas, il dirige sa vie. Arnold Gehlen

. Il n'y a pas d'amour, il n'y a que des preuves d'amour. Pierre Reverdy

. L'égoïsme est le véhicule de la mort quotidienne. Panaït Istrati

. On ne perd rien quand on se livre entièrement. Autrement, autant dire du soleil qu'il s'épuise quand il se livre sans ménagement ni choix. Panaït Istrati

. Abstinent: Personne faible qui cède à la tentation de se refuser un petit plaisir. Ambrose Bierce

. Il faut laisser vivre ses pas. Philippe Deleron

. Un seul être vous manque... et tout est dépeuplé... Léon-Paul Fargue

. Sans métaphores, nous ne pourrions ni nommer ni même percevoir un grand nombre d'objets. Anne Cauquelin

. La disposition constante de l'homme est de souhaiter être ailleurs que là où il est. Jacques Réda

. Chaque chose dispose d'une autre ombre derrière son ombre ordinaire et on l'entend la traîner, même lorsque la nuit est noire. Tomas Transtsömer

. Une rencontre: ce qui arrive de face, mais toujours par surprise; ce qui exige l'attente et que l'attente n'atteint pas; l'irruption d'un dehors, l'extériorité ébranlant tout et qui perce le moi. Blanchot

. Se perdre est le seul endroit où il vaille vraiment la peine d'aller. Tiziano Scarpa

. Voici que s'approche le miracle de la libération. Cela peut se produire sur le rivage, et la même éternité qui, tout à l'heure, suscitait mon effroi est maintenant le témoin de mon accession à la liberté. En quoi consiste donc ce miracle? Tout simplement dans la découverte soudaine que personne, aucune puissance, aucun être humain, n'a le droit d'énoncer envers moi des exigences telles que mon désir de vivre vienne à s'étioler. Car si ce désir n'existe pas, qu'est-ce qui peut alors exister? Stig Dagerman



À la prochaine

vendredi 5 octobre 2007

Le cent quatre-vingtième saut de crapaud



Le crapaud a découvert, caché il ne savait trop où, ce poème. Normalement, il ne devrait pas le placer ici et cela pour deux raisons indépendantes l'une de l'autre. La première c'est qu'il n'est qu'une ébauche, une esquisse, un croquis de poème; c'est-à-dire devant servir à lancer la poétique non pas l'emplir. La deuxième c'est que jamais le crapaud n'écrit de poème à la première personne du singulier: le « je » est proscrit.

Alors, pourquoi le présenter?

Comme le cycle du fantôme est maintenant dans le dos du crapaud, retrouver ces quelques strophes lui fait bizarre. C'est un peu comme si vous retrouviez un vieux billet de loterie, que jamais vous n'auriez pris le temps de vérifier s'il est gagnant ou pas et que là, vous allez voir, au cas où… si jamais…

Il y a aussi dans le poème oublié, le dormeur solitaire, une espèce de nostalgie qui se réveille tout d'un coup et vous frappe en plein coeur ou en plein cerveau. Reprendre quelque chose d'inachevé, quelque chose qui s'est cristallisé dans le temps, un peu engourdi également et revoir si les images qui s'y cachent peuvent encore faire un petit bout de chemin.

Le voici. Il s'intitule - et cela depuis on ne sait trop quand - l'anxieuse solitude impatiente.


je suis à l'hiver de l'écriture
alors que les fantômes du passé
solitude impatience anxiété
ne cessent de me harceler…

la saison se vide de l’intérieur

après les courses folles
comme paralysée de vivre son passé au présent

... et elle sera là à écrire l'hiver
spectre passé et harcelant
de solitude d’impatiences d’anxiétés...


... et restera là les pieds dans la glue de l'hiver
promenant dans les ruelles tristes et blanches
comme des brouillards effilochés
tout un passé à l'avenir trop présent
qui neige encore ses fulgurantes tempêtes...

... et au printemps revenu
au coeur d'une ville noyée
deux immobilités ploieront sous d'immenses placards d'érable

croulant tant et tant sous le poids du temps...

... et demanderont
fouettés par les grands vents d'avril
si pour toujours encore
les rêves inanimés que l’hiver aura sauvés
du feu des étables…
vieilliront...

Si Nathan avait su (12)

Émile NELLIGAN La grossesse de Jésabelle, débutée en juin, lui permettra de mieux se centrer sur elle-même. Fin août, Daniel conduira Benjam...