samedi 17 décembre 2005

Le cinquante-huitième saut de crapaud

… la suite…

Nathaniel se présentait aux yeux du bedeau comme un jeune homme solide, capable de bien exprimer sa pensée et surtout ne passant pas par quatre chemins. Il tenait cela de son père, aucun doute là-dessus pour Arthur qui n’achevait pas de descendre des nues en écoutant la suite du récit.

- Mon père était un homme dur. Je suis convaincu que mon existence ne lui plaisait absolument pas. Il aurait préféré que jamais sa vie ne fût troublée par ma présence dont il est le seul responsable, ce drame flagellant continuellement sa culpabilité. Il ne m’adressait pas la parole, faisant suivre ses messages par ma mère afin qu’ils ne me parviennent. À l’âge de vingt ans, il souhaitait que je disparaisse complètement des lieux. Je sais qu’il a fait des démarches afin que je sois expédié soit à Québec, dans la famille qui m’accueillit à ma naissance ou encore plus loin, à Montréal chez des amis à lui que ma mère ne connaissait pas. C’est elle qui a tout fait pour que ce projet avorte.

Les deux hommes furent distraits quelques instants par des bruits provenant de l’église. Le silence les enveloppa instantanément et d’un geste rapide le bedeau éteignit la lumière. L’obscurité et e mystère les réunissaient. La menace disparue, Nathaniel reprit la parole continuant d’assommer littéralement le bedeau.

- Les relations avec ma mère ont été d’une nature tout à fait différente. Elle tenait absolument à ce que je puisse apprendre à lire et à écrire, mais puisqu’il m’était défendu de sortir de mon grenier du presbytère ou de ma cachette dans le clocher, c’est elle qui m’enseigna. Je me suis mis à lire de manière obsessive. Tout ce qu’elle me mettait sous les yeux. Selon mon âge et mes capacités, cela pouvait être des revues ou des livres plus complexes. Je me suis rapidement intéressé à la science. Également à l’ésotérisme, la magie et la parapsychologie. Afin d’acheter mon calme et ma discrétion, je l’obligeais à me fournir exactement ce qui m’intéressait. Qu’elle soit au bureau de poste lui permettait, en toute impunité, de faire venir des ouvrages que normalement on ne peut se procurer dans la région.

Il plongea quelques instants dans un profond mutisme. Arthur ne savait trop s’il devait poser des questions, attendre ou tout simplement se mettre à l’œuvre et démanteler l’alambic. À bout de patience, il osa :

- Bon. Si on se mettait à…
- Non. Comme je n’ai parlé à aucune autre personne sauf ma mère depuis des années, je tiens à continuer. Peut-être ainsi on saisira ce qui s’est passé depuis la mort de mon père.
- Qu’y a-t-il de plus à savoir?
- Vous ne vous êtes pas demandé comme il se faisait que son cercueil fut retrouvé vide alors qu’on devait le laisser dans l’église? Vous ne vous êtes pas inquiété d’apprendre qu’on allait le déposer dans le charnier? Vous savez comme moi qu’il n’y avait pas de place à cet endroit.
- J’ai su que c’est Angèle qui a annoncé aux marguilliers la disparition du cercueil?

Nathaniel semblait en savoir beaucoup plus, ce qui intrigua le bedeau certain qu’à la fin de l’office religieux on avait laissé la dépouille dans l’église tout en laissant croire qu’effectivement elle était au cimetière tout à côté du charnier impossible à ouvrir car lui-même, en possession de la clef du cadenas, était introuvable.

- Ce subterfuge, c’est ma mère et moi qui l’avons mis en place. Le cadavre est toujours demeuré dans l’église alors que le cercueil, lui, tout à côté du charnier, respectueusement enveloppé dans la chasuble noire.

(Rappelons que c’est suite à la rencontre inattendue avec Nathaniel qu’Arthur retournera chez-lui, croisera les marguilliers revenant avec le cercueil et passera la nuit sans fermer l’œil…)

- Il est en haut, votre curé, confortablement installé dans le confessionnal réservé aux prêtres invités. Ils vont le revoir demain, crucifié en plein chœur. On s’occupe à ce que cela soit fait.
- Mais pourquoi?
- Une simple raison : mon père a toujours conservé sur lui, tatoué sur ses parties intimes, le code d’un coffre-fort caché dans son bureau. Il voulait partir de ce monde, emportant avec lui ce secret et aussi, un autre plus horrible encore…
- Lequel?
- Eh! bien le voici…

…à suivre…

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