jeudi 29 septembre 2005
Le quatorzième saut de crapaud
lundi 26 septembre 2005
Le treizième saut de crapaud
… les personnes et les objets conservent quelque chose des yeux qui les ont observés, je dirais surtout s’ils sont transfigurés par une sensibilité. La nature morte a ses origines dans l’esprit vivant.
Cette lecture m’a ramené aux six heures quotidiennes de marche d’octobre 2004 à Paris. On ne découvre véritablement une ville que par nos semelles de souliers. Déambuler pour le nécessaire, le superflu mais principalement pour la flânerie.
Flâner, c’est comme naître ou mourir, ça ne se fait jamais mieux que seul; à quelques-uns si on veut, mais chacun pour soi, en suivant son instinct, quitte à se perdre de vue.
Ainsi qu’à mes nombreuses promenades montréalaises. Mon Compostelle. Urbain. Il y a de la magie dans les ruelles cachées sous leurs arbres servant d’ombrelles, leurs clôtures faisant office de garde-fous, les bruits étouffés par les sirènes au loin, des chiens, beaucoup, des chats surtout. Ils sont les maîtres incontestés de ces artères à l’inégale géométrie, aux culs-de-sacs inattendus, aux spectacles ravissants parfois navrants, aux découvertes de lieux, d’objets et de gens.
En fait, les ruelles se comportent comme des personnes vouvoyant d’abord le passant, puis le tutoyant, et souvent le désignant à la troisième personne, celle de l’étranger : C’EST QUI ÇUI-LÀ? Alors on se donne l’allure qui signifie JE NE SUIS QU’UN PASSANT, et leur air de rétorquer ALORS PASSEZ!
Découvertes de lieux. D’aussi loin que nos pas puissent nous supporter, nous éloignant du parallèle des rues pavanant leur nom sur des enseignes similaires, le biais par la ruelle nous plonge dans l’inconnu. Une sorte d’intimité par l’étroitesse de l’espace, l’immensité des couleurs, des odeurs et des agencements que l’humain manipule parfois avec une incroyable créativité. L’enfant sur son tricycle, à trois portes de la maison, découvrant des étendues qui lui font peur et revient, brave mais haletant vers un secteur plus familier. Ainsi se sent le marcheur à l’entrée d’une ruelle, tel un Jean-Jacques Rousseau déambulant tout en faisant défiler en lui des constructions philosophiques. Un monde de lieux. Le premier appelant l’autre, souvent le complétant, l’embellissant ou faisant regretter les nouveaux pas avancés vers ce trou de lumière sans tunnel, tout au bout. Des jardinets. Des garages. Des cordes à linge. Des poteaux. Des espaces qui se mériteraient des premiers prix à des concours d’aménagement floraux. De longs riens du tout. De courts bien trop beau pour ne pas s’y arrêter. Des drapeaux. Découvrir un lieu que le prochain réussira presque à nous faire oublier tient sans doute de la multitude mais surtout de la spécificité. Du coup de doigt dans son chez soi extérieur.
… nulle rencontre ne peut se produire sans le secours de l’imagination, qui est l’autre scène du réel.
Et elles sont nombreuses. Impromptues. Ce garçonnet courant après la balle qui fait office de rondelle de hockey. Cette fillette qui parle à sa poupée avec des mots appris d’avant elle. Ces adolescents cachés là où on ne peut que mieux les voir, déchirent rageusement leurs phantasmes. Ces jeunes gens garçons accroupis sous moteur de leur automobile. Des jeunes gens filles qui accompagnent les jeunes gens garçons tout en faisant semblant de s’y intéresser. Des papas et des mamans assis dans les marches d’escalier d’une galerie en bois, enregistrant des silences qui semblent faire du bruit. Des grands-parents mesurant les changements dans l’organisation de la ruelle comme autant d’années qui ont passées. L’unicité dans la diversité et dans une multitude sans fin.
Et nous-mêmes, que sommes-nous pour ceux qui nous ont vus passer?
Des histoires. Ou encore des poèmes, ces grands chantiers d’images. Ou simplement une ombre cherchant à rejoindre sa lumière. Pour moi, ce sont tellement d’histoires que je me raconte à partir de personnages, de situations ou encore plus de ces vagues impressions qui vous chahutent l’esprit jusqu’au moment où elles tombent sur la feuille en des mots qu’au départ on n’avait pas encore empruntés pour les leur donner.
On n’a pas idée de ce qui se hurle dans ce silence.
Rueller comme il n’est permis de le faire qu’à celui qui prend le temps d’accepter de le perdre pour trouver, au bout de la route, la force de répartir.
vendredi 23 septembre 2005
Le douzième saut de crapaud
Il est là. Petit et immense à la fois. Déjà un géant dans nos amours. Arthur, car voici son nom, roupille. Sa main blanche traçant des ellipses incomplètes, se promène dans ses silences. Parfois, un sourire traverse son visage. Il le retient, puis le laisse partir. Le grand-père le reçoit comme un cadeau angélique.
Se laissant respirer, installé dans un espace à la fois proche et inconnu, il remue ce corps qu'il aura à apprendre avec la grâce du vent. On le sent encore dans des lieux où il patauge, seul et puissant, en appel vers les autres. C'est beaucoup le premier voyage de l'enfant. De tout enfant. Nous rejoindre. Avec un bagage tout neuf. Pur. Près à recevoir et ouvert à donner. Son immobilité partielle est son temps d'organisation. Il se prépare à nous.
Sa main, revenue de ses grands mouvements, se crispe parfois, comme à la recherche d'un appui. De la solidité de l'appui. Et elle s'immobilise entre les doigts du grand-père. Les enfants ont de ses façons de nous comprendre. Ont de ses manières de ne pas se tromper. Ils ne souhaitent que la présence. Elle s'offre à eux par ce contact de l'épiderme. Là où on ne peut mentir, au risque des larmes.
Sa tête de chevalier, douce et ronde, emplit la main du grand-père. Le merveilleux dans ce qui est, s'épanouissant dans ce qui sera. N'étant déjà plus ce qu'elle était, imbibée tant et tant par les sons de l'environnement, la douceur de la chair maternelle, les voyages aériens alors que le père lance son corps frêle vers des hauteurs atteignables, les baisers retentissants d'une soeur magique et les appels au jeu d'un frère curieux. Lui, dans sa tranquilité, celle qu'il a rapportée de sa lointaine étoile bleutée, sourit timidement.
Et il dort encore. Sa tête sur un coeur qui vieillit. Arthur, dans les bras du grand-père, se laisse doucement bercer comme un hamac que Mozart ferait bouger par ses arpèges retenus. Une musique, que lui seul entend, résonne en lui. Il semble l'écouter lui tracer une route vers le soleil.
Arthur, tel un roi couronné, qui trône au beau milieu de nous avec la légèreté du jour, la fragilité du temps et la force des géants, je t'offre ce poème.
corps
sans regards
sans mains
sans voix
corps,
aéroports éclairés par les lumières d’une torche pâle,
chimie et sang chaud emmêlés
sous des ailes éloignées
regards,
navires embués broutant des paroles englouties
sur de grands fleuves malades,
ces orbites du passé
mains,
grands manèges arrêtés aux portes grincheuses
clinquant et requinquant
les moulinets défaits
voix,
cicatrices-stigmates cherchant aux veines imperméabilisées
plus singulières que plurielles
le peu de leur sève séchée
la vie
éternelle répétition parallèle
arpentée
serpentée
comme en des corps
sans regards,
sans mains,
sans voix
mardi 20 septembre 2005
Le onzième saut de crapaud
lundi 19 septembre 2005
Le dixième saut de crapaud
jeudi 15 septembre 2005
Le neuvième saut de crapaud
mercredi 14 septembre 2005
Le huitième saut de crapaud
mardi 13 septembre 2005
Le septième saut de crapaud
samedi 10 septembre 2005
Le cinquième saut de crapaud
Au-dessus de chez-moi, les meubles bougeant sur des roulettes se dirigent vers la sortie et le camion de déménagement. Le locataire quitte. Il emménage dans un condo. Cela, les déménagements, font partie de la routine montréalaise, mais parfois ils peuvent prendre la forme de grands dérangements. Je pense ici aux bouleversements inimaginables qu'ont vécus les Gaspésiens lorsqu'en juillet 1970, une loi les plaçait devant le fait accompli: plusieurs seraient expropriés et de manière cavalière sinon sauvage afin que l'on puisse aménager le parc Forillon. Je lis actuellement le roman de Lionel Bernier, La bataille de Forillon, qui en trace les grands événements. Je suis certain que si on allait dans les cahiers de notre grand-père, on pourrait facilement y retrouver quelques souvenirs figés dans les larmes et les révoltes de cette triste époque. On y reviendra.
J'offre aujourd'hui trois poèmes écrits en juillet dernier à Saint-Maurice-de-l'Échourie ( il me semble que le comité de toponymie du Québec devrait suggérer à ce petit village magnifique qui n'a pas peur de s'avancer très près de la mer, eh! bien de ne porter que le nom de l'Échourie, c'est tellement beau). Les accompagnent deux photos de ce que les Gaspésiens appellent la mer, d'autres le fleuve, certains l'estuaire.
où?se cache le temps
où?se cache le temps entre l'espace des vagues moutonneuses? au bout de l'horizon nuageux? à la cime des arbres qu'écrasent les oiseaux? sur les ailes du vent qui charrie des couleurs sans nom?
(alors que la mer étire ses bras électriques...
où?se cache le temps entre l'immensité de nos amours vertes? plus loin encore que le regard des îles? là où le soleil installe l'éternité?
...la vie de gauche à droite circule accrochée à du roc rouge accueillant sur la grève une mer incertaine)
où? se cache le temps
...dans le coeur des bouleaux éphémères
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le voyage de la mer
la mer a pris un billet de retour en provenance de l'horizon lointain
accoste au quai délavé y laissant des carcasses incrédules
mourir dans les mains de chaque matin
soleil au dos
la mer glisse sur elle-même vers l'inconnu des terres habitées
assoiffée de galets plats que le gris humide évapore
mille millions de gouttelettes émiettées
jaillissent de son voyage
suivies par des oiseaux blancs
ceux qui étirent les ressacs devenus silencieux
au fond de la mer ensoleillée
on entend comme des voix intérieures
depuis longtemps muettes
éclabousser les silences terrestres
fracasser l'indicible
et
récupérer son ticket
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un trou sur la mer
Neptune et Ophélie sur les vagues d'une symphonie bleue regardent les montagnes immobiles leur sourire vaguement
par la marée du matin ils sont descendus marchant entre les agates rejetées par les chorales de baleines
comme des marins au regard séculaire main dans la main se dirigent vers les miroirs érodés des plages si longues que le temps s'y perd
Neptune et Ophélie enlacés près des portes qu'ouvre le vent chantent le silence comme des oiseaux de laine les hymnes siffleux des rêves
... un trou sur la mer
Les bruits se sont tus au-dessus. Les déménageurs reprennent leur souffle. Une cigarette. Comme il est étrange de voir la profondeur de la mer, malgré le brouillard, l'étendue des mouvements de l'eau quand, pour comparer, c'est la courte ruelle et le bruit d'un moteur diésel qui s'étouffe.
vendredi 9 septembre 2005
Le quatrième saut de crapaud
mercredi 7 septembre 2005
Le troisième saut de crapaud
Si Nathan avait su (12)
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